Estimant qu’il existe une marge d’amélioration pour développer des innovations et de nouvelles approches de la santé mentale, la fondation finlandaise Lilinkoti a créé les jeux «The World of Recovery» («Le monde de la guérison»), dont le premier est en ligne et le second est un jeu de plateau. Il s’agit de deux de jeux de rôle qui obligent les joueurs à entrer dans la peau d’un personnage donné. Campés dans un univers d’espoir futuriste, ils encouragent le joueur sur le chemin de sa guérison en ciblant les patients qui ont traversé des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie, ainsi que les professionnels. Reetta Sedergren et Venla Leimu, représentantes de la fondation Lilinkoti, nous ont expliqué que les jeux recèlent un potentiel considérable pour améliorer la santé mentale, toutefois, les possibilités qu’ils offrent demeurent largement inexploitées. 

Qu’est-ce qui vous a incitées à lancer votre projet? 

Il y a quelques années, nous avons estimé, au sein de la fondation Lilinkoti, qu’il existait un réel espace en matière d’innovation et de nouvelles approches dans le domaine du rétablissement de la santé mentale. La popularisation des thérapies orientées vers le rétablissement a constitué un grand pas en avant sur le terrain, mais il n’existait pas assez d’outils modernes et innovants pour les mettre en œuvre. Notre organisation travaillait depuis plusieurs dizaines d’années avec des personnes sur la voie du rétablissement à la suite de troubles psychologiques, et nous avions un rêve, celui de proposer un outil moderne pour soutenir la santé mentale, comme un jeu numérique dans lequel le joueur incarnerait un personnage. 

Comment votre projet a-t-il été accueilli? Avez-vous eu un retour de la part des personnes que vous avez aidées?   

Les jeux «The World of Recovery» ont été créés conjointement avec des personnes qui se rétablissent de problèmes de santé mentale et avec des professionnels, de sorte que nous avons bénéficié d’un retour d’information constant tout au long du processus de conception des jeux, ce qui nous a permis de les adapter jusqu’au résultat final. 

Nous avons reçu, pour ces deux jeux, des réactions anonymes et personnelles très positives de la part des joueurs. Par exemple, plus de 90 % des répondants ont déclaré que le jeu mobile favorisait leur bien-être et les aidait à se montrer actifs, tandis que le jeu de rôle contribuait à améliorer leurs compétences sociales.  

Les accès de rire et les conversations que nous avons eues avec les joueurs à propos de leurs sentiments, de leurs difficultés et de leurs forces, ainsi que sur la manière dont ces jeux leur ont permis de se rencontrer, quels que soient leur rôle et leur situation personnelle, ont sans doute constitué le meilleur retour d’information. 

Quels conseils donneriez-vous à d’autres organisations pour obtenir des résultats dans des actions et programmes de ce genre? 

Le fait d’être en première ligne de l’innovation présente de nombreux avantages, constitue une réelle source d’inspiration et permet de faire quelque chose de nouveau. Adhérez-y et ne tentez pas d’entrer dans l’une ou l’autre case. Suivez votre instinct et soyez curieux des avis de chacun. Surtout, associez au processus de conception aussi bien des personnes sur la voie de la guérison que des acteurs expérimentés. Si vous créez des jeux, soyez prêt à affronter les nombreux préjugés des professionnels. Dans le domaine de la santé mentale, il est courant que les jeux en général soient considérés comme addictifs ou nocifs. Ne vous découragez pas! Soyez audacieux, créatif et osez rêver. 

Quel est le potentiel des jeux vidéo pour améliorer la santé mentale? Selon vous, devraient-ils être davantage utilisés dans le traitement des troubles psychologiques? 

Le potentiel des jeux vidéo, et en particulier des jeux de rôle, pour améliorer la santé mentale est considérable. Étant donné qu’un nombre alarmant de personnes souffrent de problèmes dans ce domaine, nous avons besoin de nouveaux moyens polyvalents pour y remédier. Il est regrettable que le potentiel des jeux n’ait pas été exploré plus avant. Cette situation ne découle pas d’un manque d’intérêt, mais de l’absence de financement suffisant. Il n’existe pas de moyen rapide et facile de mettre au point des jeux de qualité qui améliorent la santé mentale. Nous avons besoin de davantage de financements, de plus de projets développés en coopération et d’un plus grand nombre de professionnels de la santé mentale et de l’industrie du jeu qui œuvrent à la réalisation de cet objectif. Et nous avons besoin de la recherche, de beaucoup de recherche.