Il y a beaucoup à redire sur l’état de la démocratie en général, et de l’initiative citoyenne européenne (ICE) en particulier.

Selon le dernier «Rapport sur la démocratie mondiale» présenté le 7 mars par l’institut Varieties of Democracy (V-DEM), le pourcentage des êtres humains vivant dans des régimes démocratiques a décliné pour retrouver un niveau proche de celui d’il y a 40 ans. Et alors même qu’en cette année 2024, à l’échelle mondiale, un nombre jamais atteint de citoyens auront le droit de voter à l’occasion d’élections, une grande proportion des pays qui organisent ces scrutins ont un régime de plus en plus autocratique.

La toute première édition de la Semaine de la société civile, organisée par le Comité économique et social européen au début du mois de mars, a été elle aussi l’occasion de relayer un certain nombre de mécontentements face à cette situation. Ces récriminations concernent l’initiative citoyenne européenne, le premier outil de démocratie directe transfrontière à exister au monde. «Trop compliquée», «trop peu attrayante», «dotée d’un faible capital de confiance», «inefficace» et «peu connue», telles sont, parmi d’autres, les critiques fort peu flatteuses formulées à l’encontre de l’ICE par des acteurs de la société civile, des médias, du monde universitaire et de l’administration publique.

De mon point de vue, ces évaluations très négatives sont exactes, au point d’en être décourageantes, mais aussi trop prudentes et modérées dans leur critique. En effet, la démocratie mérite de régner sur le monde entier. À cette fin, nous avons une obligation, en tant que citoyens faisant partie des habitants de cette planète qui auront la chance de participer très prochainement à des élections, de viser plus haut que ce que nous avons actuellement. 

Cela signifie qu’il ne faut pas se contenter de se défendre contre la peur, les dictateurs d’aujourd’hui et leurs coteries de lâches. Nous devons faire des avancées beaucoup plus importantes. Poursuivre le développement de l’initiative citoyenne européenne constituerait une étape dans cette direction.

En somme, que trouvons-nous dans l’ICE? Trois choses. Un droit, un instrument et un outil qui n’ont jamais existé à un autre moment de l’histoire ni dans un autre endroit du monde. Il s’agit d’un dispositif complexe, conçu pour être exhaustif, un outil numérique, propre à exercer la démocratie directe, transnational, doté d’une infrastructure de soutien et utilisé à bon escient. 

Depuis 2012, l’ICE a été tour à tour élaborée, puis introduite, mise en pratique et améliorée, ce qui prouve de manière concrète que l’espace démocratique peut être élargi et consolidé même dans les circonstances les plus difficiles.

Il est à espérer que l’année prochaine, pour ses 13 printemps, l’enfant choyé deviendra un adolescent tenace, en mesure de montrer à l’Europe et au monde ce dont il est capable. Et nous avons besoin de cette fraîcheur, de cette vigueur sauvage pour revitaliser de manière décisive les mentalités sclérosées des États-nations et les structures bureaucratisées de l’Union européenne. 

Soyons clairs: nous n’avons pas besoin de réinventer constamment, dans l’agitation, les formes démocratiques du vivre-ensemble, à savoir pratiquer ce qu’on appelle communément l’innovation. En lieu et place, nous devons nous consacrer à développer l’ICE, pour faire en sorte qu’elle atteigne sa majorité à l’âge de 16 ans, ou tout au moins de 18 ans, à la fin de cette décennie.  

Quel sens donner à cette image? D’ici 2028 ou 2030, deux changements importants doivent se produire. Premièrement, il conviendra de faire en sorte que les pouvoirs de l’ICE en matière de définition des priorités de l’Union soient sur un pied d’égalité avec ceux du Parlement européen. En d’autres termes, les citoyens européens devraient être en mesure de proposer des législations et d’autres actions de gouvernance, tout comme les députés élus au Parlement européen.

Deuxièmement, d’ici la fin de cette décennie, les citoyens de l’Union devraient être en mesure non seulement de lancer des propositions de législation, mais aussi d’initier des votes populaires à l’échelle européenne sur des questions de fond: autrement dit, des référendums. L’idée d’organiser des référendums paneuropéens n’est pas nouvelle, mais elle est aujourd’hui arrivée à maturité, grâce à la naissance de l’ICE et à ses premières années d’existence.

Si l’on parvient à construire ce type d’avenir autour de l’ICE, les citoyens de demain regarderont alors en arrière et se rendront compte que cet outil est celui qui a produit l’une des réalisations démocratiques les plus remarquables depuis l’avancée capitale qu’a été le suffrage universel et égal au XXe siècle.