Participation de la société civile organisée aux plans nationaux pour la reprise et la résilience – Ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas

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Resolution sur la base de consultations dans les 27 États membres

Lors de sa session plénière des 24 et 25 février 2021 (séance du 25 février), le Comité économique et social européen a adopté la résolution suivante par 268 voix pour et 5 abstentions.

1.Introduction

1.1 Le Comité économique et social européen a adopté nombre d’avis, de résolutions et de déclaration sur le plan de relance «Next Generation EU» et ses différentes composantes, notamment la facilité pour la reprise et la résilience. Le Comité y a marqué son accord avec la teneur et l’orientation des propositions de réforme destinées à stimuler la reprise économique et sociale et à enclencher un changement du modèle de production.

1.2 Le Comité est d’avis que toutes les réformes menées dans le cadre du processus de restructuration doivent se fonder sur les principes inhérents à l’Union, à savoir la protection des droits humains et sociaux, les valeurs démocratiques et l’état de droit. Les investissements dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience doivent viser à libérer tout le potentiel du marché unique, à renforcer la résilience économique de l’Union européenne, à réaliser les objectifs de développement durable des Nations unies, à mettre en place une économie circulaire, à réaliser la neutralité climatique dans l’Union au plus tard d’ici à 2050, à encourager l’innovation et la modernisation en lien avec la numérisation de l’économie et de la société, et à garantir l’application effective du socle européen des droits sociaux pour asseoir la cohésion sociale, éliminer la pauvreté et réduire les inégalités. En assurant une reprise rapide, ils doivent répondre à la crise économique et sociale provoquée par la pandémie sachant que ses conséquences seront plus amples, plus lourdes et plus profondes que prévu auparavant. Le recours à la facilité pour la reprise et la résilience doit aussi intervenir en pleine conformité avec les conventions et traités internationaux auxquels l’Union européenne et ses États membres sont parties, tels que la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées. Le Comité tient pour essentiel de veiller à la bonne gouvernance, d’être vigilant face à la corruption dans la gestion des fonds et d’assurer la responsabilité devant des instances démocratiques.

1.3 Le Comité tient également pour très important que les réformes visent aussi bien à accroître la productivité de l’économie qu’à renforcer le tissu industriel innovant au moyen d’un soutien aux PME et aux entreprises de l’économie sociale. Il met en relief le rôle de la recherche à l’échelon européen et ses liens avec le processus de production. Il estime également qu’il convient de mettre en place des mécanismes permettant de garantir la justice des transitions écologique et numérique au sein de l’Union européenne et de tous ses États membres, ainsi que d’aider à réinsérer sur le plan économique ceux qui ont été exclus du marché du travail. À cet égard, le Comité exprime derechef sa préoccupation quant à l’insuffisance des moyens financiers que prévoit le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027 aux fins de la transition juste.

1.4 Les institutions de l’Union européenne ont réagi de toute autre manière qu’à la crise de 2008. Financer le plan de relance au moyen de l’émission d’instruments communs européens de dette constitue un jalon capital dans l’histoire de l’Union. Le Comité se préoccupe particulièrement de l’appui apporté à l’approfondissement de l’Union économique et monétaire. Il convient d’aborder cette question lors de la prochaine conférence sur l’avenir de l’Europe, tout en ne perdant pas de vue l’importance aussi du sommet que la présidence portugaise prévoit de réunir à Porto sur une mise en œuvre effective du socle européen des droits sociaux. Le Comité est d’avis que la société civile doit y être associée dans un cadre plus large que celui des seuls enjeux économiques, sociaux et environnementaux, pour embrasser des problématiques importantes telles que l’avenir de l’Europe ou encore les négociations d’adhésion et de préadhésion avec les pays candidats à l’entrée dans l’Union.

1.5 Lorsque la Commission évalue les plans nationaux pour la reprise et la résilience des différents États membres, elle devrait tenir compte des conséquences qu’a eues la pandémie sur ces derniers et sur leurs capacités.

1.6 Par la présente résolution, le Comité entend également manifester sa satisfaction de l’accord conclu en décembre dernier entre le Parlement européen et le Conseil dans le cadre du trilogue, par lequel ils approuvent notamment un règlement dont l’article 18 pose la nécessité de faire participer, par la voie de la consultation, les partenaires sociaux et les organisations de la société civile à l’élaboration et à la mise en œuvre des plans nationaux pour la reprise et la résilience.

1.7 La présente résolution s’attache précisément à cette participation de la société civile dans le cadre des plans nationaux pour la reprise et la résilience. Sur la base des rapports établis par les délégations nationales de son groupe «Semestre européen», le Comité entend procéder à une première évaluation de la manière dont cette participation se développe, ainsi qu’être en mesure d’informer les institutions européennes et les gouvernements nationaux des lacunes constatées à cette occasion. Le Comité pourrait ainsi contribuer à faire en sorte que les gouvernements nationaux et les institutions européennes prennent les mesures correctives appropriées avant la date limite prévue pour que les gouvernements nationaux arrêtent leurs plans nationaux pour la reprise et la résilience et pour que la Commission européenne approuve ceux-ci. Cette évaluation ne devrait pas seulement mettre en lumière l’ampleur de cette participation de la société civile à la conception de ces plans, mais aussi la qualité de son association par les différents États membres et le degré de transparence dont ces derniers ont fait preuve s’agissant de mettre à la disposition du public leur projet de plans nationaux pour la reprise et la résilience.

1.8 Pour ce qui est d’être associés au plan de relance «Next Generation EU», les partenaires sociaux et les organisations de la société civile paneuropéens ont noté les progrès accomplis par rapport aux procédures habituelles du Semestre européen. Ils reconnaissent également le rôle positif que joue la Commission européenne pour promouvoir la participation de la société civile à l’échelon national. Toutefois, la plupart d’entre eux considèrent que leur degré réel de participation demeure largement insuffisant et que les procédures y afférentes ne permettent pas aux points de vue des organisations de la société civile de produire suffisamment d’effet. Les partenaires sociaux et les organisations de la société civile demandent à ce qu’il soit remédié à ces lacunes dans les phases de mise en œuvre et d’évaluation des plans nationaux pour la reprise et la résilience, en mettant en place des procédures plus formelles qui facilitent de véritables échanges.

2.Contexte

2.1 Le 18 décembre 2020, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement se sont accordés sur la facilité pour la reprise et la résilience. Afin d’obtenir ses financements, les États membres élaboreront des plans nationaux pour la reprise et la résilience qui présenteront un ensemble de mesures d’investissement et de réforme conformément aux orientations fournies par l’Union européenne relatives au processus de consultation. La première note d’orientation publiée en septembre dernier invitait déjà les États membres à «mentionner toute consultation et contribution des partenaires sociaux, de la société civile et des autres parties prenantes concernées, dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre du plan pour la reprise et la résilience»[1].

2.2 Le texte de l’accord qu’ont conclu le Parlement européen et le Conseil au mois de décembre prévoit une disposition relative à la participation entre autres des partenaires sociaux et de la société civile. Son article 18, paragraphe 4, point q), requiert en effet que les plans nationaux pour la reprise et la résilience présentent «en vue de la préparation et, le cas échéant, de la mise en œuvre des plans pour la reprise et la résilience, une synthèse du processus de consultation, mené conformément au cadre juridique national, des autorités locales et régionales, des partenaires sociaux, des organisations de la société civile, des organisations de la jeunesse et d’autres parties prenantes concernées, ainsi que de la manière dont les contributions des parties prenantes sont prises en compte dans le plan pour la reprise et la résilience»[2].

2.3 Le groupe «Semestre européen» a adopté son programme de travail 2020-2023 lors de sa première réunion le 16 décembre 2020. L’organisation de consultations virtuelles par les membres du Comité dans les États membres en janvier 2021 constituait un élément nouveau et important de ce programme. Cet exercice visait à recueillir des informations sur la participation de la société civile organisée aux plans nationaux pour la reprise et la résilience, de sorte que le Comité soit en mesure d’adopter une résolution à cet égard au cours de sa session plénière en février.

3.Méthode

 

3.1 Les données et les informations nécessaires pour le présent rapport ont été recueillies en janvier 2021.

Au total, 26 contributions nationales ont été reçues. Les consultations se sont déroulées en s’appuyant sur les informations dont disposent les membres et elles ont concerné des partenaires sociaux et des organisations de la société civile. Dans certains pays, les conseils économiques et sociaux nationaux ou des institutions similaires ont participé, tandis que dans d’autres, des représentants du gouvernement ont également été consultés.

3.2 Ces consultations s’articulaient autour des cinq questions suivantes:

  1. Existe-t-il dans votre pays des mécanismes de consultation sur les plans pour la reprise et la résilience? Estimez-vous que ces mécanismes soient suffisants et adéquats?

  2. Existe-t-il dans votre pays des mécanismes de consultation différents pour les partenaires sociaux et pour le reste de la société civile?

  3. Votre pays doit présenter son plan national pour la reprise et la résilience au plus tard le 30 avril. Quel est son état d’avancement dans ce processus?

  4. Dans votre pays, en quoi la procédure pour la reprise et la résilience est-elle différente par rapport à la consultation de la société civile organisée dans le cadre de la procédure ordinaire du Semestre?

  5. Dans quelle mesure le plan de votre pays pour la reprise et la résilience correspond-il aux objectifs politiques de sa société civile organisée?

4. Observations tirées des résultats des consultations

4.1 Question 1: Existe-t-il dans votre pays des mécanismes de consultation sur les plans pour la reprise et la résilience?

4.1.1 La vaste majorité des réponses faisait état de l’existence d’une forme ou d’une autre de mécanisme de consultation mis en place par le gouvernement national en question afin de faire participer la société civile organisée à l’élaboration de son plan pour la reprise et la résilience. Dans certains États membres, il avait d’ores et déjà été procédé à la consultation de la société civile, alors que dans d’autres, celle-ci était encore en cours ou il était prévu qu’elle se tienne à un stade ultérieur.

4.1.2 Les mécanismes employés pour ce faire sont variés et prennent notamment la forme de la soumission de propositions écrites, de réunions de haut niveau avec les ministres responsables, de l’évaluation de questionnaires spécifiquement conçus et renvoyés et de débats en table ronde entre des représentants du gouvernement et les organisations de la société civile. Certains États membres ont également recouru aux mécanismes mis en place à des fins de consultation dans le cadre de la procédure ordinaire du Semestre européen, quitte à les développer plus avant, moyennant le nouveau calendrier spécial de cet exercice pour 2021 et les restrictions de circonstance qu’impose la pandémie de COVID-19.

4.1.3 Néanmoins, plusieurs réponses mettaient en lumière l’absence d’une réelle participation de la société civile. L’un des obstacles mentionnés à cette participation résidait dans le manque apparent de volonté de certains gouvernements nationaux d’associer la société civile à l’élaboration de leur plan. Au lieu que ce soit le gouvernement qui s’efforce d’associer la société civile, c’est souvent à l’initiative ou à la suite d’appels des partenaires sociaux et d’autres organisations de la société civile qu’il a été procédé à des consultations.

4.1.4 Même lorsque d’un point de vue formel la société civile est associée, il est fait état de l’autre obstacle à sa participation réelle que constitue l’insuffisance du temps imparti pour consulter la société civile. Les participants ont critiqué les calendriers serrés adoptés par certains gouvernements, susceptibles de nuire à des débats substantiels et à la prise en compte de la contribution de la société civile concernant les plans pour la reprise et la résilience. De ce fait, si les États membres sont nombreux à prévoir une forme ou une autre de mécanisme de consultation de la société civile organisée dans le cadre du processus d’élaboration de leurs plans pour la reprise et la résilience, ils sont nettement moins nombreux à permettre réellement à la société civile de véritablement participer et aux propositions qui en résultent de produire de véritables effets.

4.1.5 Il est regrettable qu’un certain nombre de participants aient fait état de l’absence de toute consultation ou de tout projet d’y procéder au cours de la phase d’élaboration de leur plan national. En outre, certains répondants ont indiqué que si des consultations avaient bien eu lieu, elles n’avaient jusqu’alors concerné que les partenaires sociaux et non la société civile organisée au sens plus large.

4.1.6 Sur la base des informations qu’il a recueillies[3], le Comité a distingué trois catégories d’États membres sous l’angle du thème de la présente résolution, selon qu’ils se caractérisent par l’absence de toute participation, du moins jusqu’à présent (le Danemark, la Slovaquie), selon qu’ils procèdent à une forme ou à une autre, officielle ou informelle, de participation sans qu’il n’apparaisse que celle-ci puisse produire des effets (l’Autriche, la Belgique, la République tchèque, l’Allemagne, la Grèce, l’Espagne, l’Estonie, la France, la Croatie, la Hongrie, l’Irlande, la Lituanie, la Lettonie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Suède, la Slovénie) et en dernier lieu, selon qu’ils proposent une participation plus structurée qui, dans certains cas, est parvenue à influer sur certains aspects des plans (la Bulgarie, Chypre, la Finlande, l’Italie, Malte).

4.1.7 Dans l’ensemble, les réponses manifestent l’ardent souhait de la société civile organisée de contribuer à l’élaboration des plans nationaux pour la reprise et la résilience. Les répondants représentant des partenaires sociaux et des organisations de la société civile y ont décrit leurs efforts en vue d’être associés, y compris en rédigeant des propositions et en prenant contact avec des représentants du gouvernement. Dans certains États membres, ces initiatives ont permis de faire participer davantage la société civile à l’élaboration des plans, tandis que dans d’autres, il semble qu’elles se soient heurtées à un mur.

4.2 Question 2: Existe-t-il dans votre pays des mécanismes de consultation différents pour les partenaires sociaux et pour le reste de la société civile?

4.2.1 La majorité des États membres prévoit des procédures différentes pour consulter les partenaires sociaux et le reste de la société civile organisée. Les répondants ont indiqué que la participation des partenaires sociaux se déroule sur une base plus structurée, institutionnalisée et permanente alors qu’en revanche, les autres organisations de la société civile sont consultées ad hoc et de manière informelle. Comme indiqué précédemment, un certain nombre d’États membres n’ont consulté, dans le cadre du processus d’élaboration de leur plan pour la reprise et la résilience, que les partenaires sociaux et non la société civile au sens plus large. Une autre variante se pratique dans un État membre, dont le gouvernement ne consulte que le corps constitué de la société civile au sens plus large, lequel englobe également les partenaires sociaux, mais non celui, plus restreint, composé des seuls partenaires sociaux. Un plus petit nombre d’États membres ont choisi de recourir à une procédure commune qui s’adresse à l’ensemble des parties prenantes.

4.3 Question 3: Votre pays doit présenter son plan national pour la reprise et la résilience au plus tard le 30 avril. Quel est son état d’avancement dans ce processus?

4.3.1 Sur le fond, les réactions recueillies sont mitigées. Si tous les participants ont indiqué que leur gouvernement national a commencé à œuvrer à leur plan national pour la reprise et la résilience, les États membres se trouvent néanmoins à différentes étapes du processus.

4.3.2 Dans la majorité des États membres, les ministères compétents, le plus souvent le ministère des finances, élaborent une première version du plan national pour la reprise et la résilience. Certains ont achevé de consulter la société civile tandis que d’autres doivent encore consulter les parties prenantes extérieures. Un certain nombre de répondants indiquent également que leur gouvernement mène d’étroites consultations avec la Commission européenne ou prévoient d’entamer sous peu de telles consultations.

4.3.3 Il a été indiqué qu’un petit nombre d’États membres travaillaient sur une seconde mouture de leur plan national à la suite de consultations avec la Commission européenne à un stade précédent.

4.4 Question 4: Dans votre pays, en quoi la procédure pour la reprise et la résilience est-elle différente par rapport à la consultation de la société civile organisée dans le cadre de la procédure ordinaire du Semestre?

4.4.1Ici aussi, les réponses sont mitigées et il n’est guère aisé d’en tirer des conclusions. L’on peut toutefois observer les mêmes tendances que pour les réponses aux questions précédentes, à savoir que selon certains répondants, il est prématuré de se prononcer, selon d’autres, le temps fait défaut pour procéder à une consultation en bonne et due forme et selon d’autres encore, les partenaires sociaux sont davantage associés que le reste de la société civile organisée. Un petit nombre de répondants fait observer que la procédure concernant la reprise et la résilience a été marquée par une plus grande ouverture ou une meilleure adaptation à l’égard de la société civile organisée que la procédure ordinaire du Semestre européen, mais bien plus nombreux sont ceux qui font observer que le cadre en vigueur pour consulter la société civile organisée au cours de la procédure ordinaire du Semestre européen n’est pas utilisé aux fins de la procédure concernant la reprise et la résilience.

4.5 Question 5: Dans quelle mesure le plan de votre pays pour la reprise et la résilience correspond-il aux objectifs politiques de sa société civile organisée?

4.5.1 Les réponses à cette question se répartissent de manière à peu près égale dans trois grandes catégories. Un premier groupe de répondants estime que ces objectifs concordent de mani ère générale soit du fait d’une procédure de consultation soit que les intérêts en jeu étaient d’ores et déjà les mêmes. Un deuxième groupe déplore que les gouvernements aient négligé lors de l’élaboration de leurs plans les intérêts déclarés publiquement et bien connus de la société civile organisée, tandis qu’un troisième et dernier groupe n’est pas en mesure de se prononcer, soit que des informations fondées fassent défaut soit que le processus se trouve encore à un stade trop précoce.

5. Conclusions

5.1 Bien que les processus de consultation dans le cadre des plans nationaux pour la reprise et la résilience avec les partenaires sociaux et les organisations de la société civile se soient en général améliorés par rapport à ceux prévus par la procédure ordinaire du Semestre européen de ces dernières années, le Comité estime que dans la plupart des États membres, ces processus sont loin d’être satisfaisants au regard des revendications justifiées de la société civile et même au regard des dispositions du règlement relatif à la facilité pour la reprise et la résilience. Alors qu’en général, les partenaires sociaux ont davantage d’occasions de participer, que ce soit au moyen du dialogue social ou des procédures spécifiques des plans nationaux pour la reprise et la résilience, d’autres organisations de la société civile ne disposent que de possibilités plus limitées.

5.2 Les résultats de l’étude sur lesquels se fonde la présente résolution sont cohérents avec ceux d’autres études[4] menées par des organisations paneuropéennes de la société civile sur la participation des organisations de la société civile des États membres aux plans nationaux pour la reprise et la résilience. Selon ces études, une majorité des pays se caractérise par le peu ou l’absence de véritable participation des organisations de la société civile. Les données que le Comité a recueillies au mois de janvier aux fins de son étude ne manifestent qu’une légère amélioration à cet égard. La consultation menée par le Comité européen des régions[5] fait ressortir un degré similaire de mécontentement pour ce qui est de la participation des institutions politiques régionales et locales aux plans nationaux pour la reprise et la résilience.

5.3 Le Comité estime qu’une véritable participation intervient lorsque dans le cadre de processus officiels de consultation fondés sur des règles de droit et des procédures publiques et transparentes, les organisations de la société civile sont dûment informées au moyen de documents écrits et disposent de suffisamment de temps pour analyser les propositions du gouvernement et pour élaborer leurs propres propositions, qui sont soit prises en compte soit rejetées pour des motifs justifiés, et qui font l’objet dans tous les cas de comptes rendus ou de documents publics. Si de nouvelles conditions s’appliquent à ce cadre, il convient de réitérer cette consultation. La participation de la société civile ne vise aucunement à se substituer aux institutions démocratiques parlementaires ni à en remettre la primauté en question mais seulement à les compléter en œuvrant avec elles.

5.4 Le Comité demande aux gouvernements des États membres qui n’ont pas mis en place de procédures adéquates afin de consulter les partenaires sociaux et les organisations de la société civile d’y remédier de manière urgente et de se mettre en conformité avec le règlement relatif à la facilité pour la reprise et la résilience. Le Comité demande aux institutions européennes, et notamment à la Commission, de faire usage de leurs pouvoirs pour exiger des gouvernements nationaux qui n’y auraient pas procédé d’accomplir leurs obligations à cet égard. Il est encore possible d’agir en ce sens dans les délais impartis pour l’adoption des plans nationaux pour la reprise et la résilience. Le Comité partage l’avis des autres acteurs politiques et sociaux selon lequel il est indispensable que les ressources prévues pour financer l’investissement dans la reprise et la transformation des économies et des sociétés européennes parviennent dès que possible aux États membres et à leurs sociétés.

5.5 Il s’impose de tirer parti de l’expérience de la participation de la société civile à la phase d’élaboration des plans nationaux pour la reprise et la résilience, ainsi que de l’évaluation des déficits et des lacunes en la matière, afin de faire précisément en sorte d’y remédier au cours des étapes de la mise en œuvre desdits plans nationaux et dans la perspective de l’élaboration de ceux qui s’ensuivront pour 2022. Plus généralement, une participation affirmée des partenaires sociaux et des organisations de la société civile constitue une garantie pour des changements menés du bas vers le haut qui seront de ce fait durables et efficaces. Les organisations de la société civile doivent aussi être prises en compte dans la mise en œuvre de ces plans au titre des nombreux services sociaux qu’elles fournissent.

5.6 Parmi les risques qui découlent de la nécessité pour les acteurs publics et sociaux d’investir des ressources financières considérables en un bref laps de temps, figurent l’incapacité à absorber et à dépenser les fonds selon le calendrier prévu, ainsi qu’une utilisation inefficace de ces ressources. Un risque encore plus grave est celui de la corruption. Tout en demandant aux gouvernements nationaux de mettre en place, pour faire face à ces risques, les mesures nécessaires afin d’améliorer les capacités de gestion et de favoriser la transparence et le rôle de contrôle des administrations et des parlements, le Comité souligne que la participation d’organisations représentatives de la société civile au suivi de la mise en œuvre des plans nationaux pour la reprise et la résilience constitue un puissant instrument pour lutter contre la corruption et l’inefficacité.

5.7 Le Comité est préoccupé par le fait qu’à la date d’élaboration des rapports nationaux sur lesquels se fonde la présente résolution, il règne dans la plupart des États membres un certain flou sur les systèmes de gouvernance des plans nationaux pour la reprise et la résilience et sur la répartition des responsabilités entre les échelons central, régional et local en vue de leur mise en œuvre. De toute évidence, ce flou n’est pas moindre quant aux mécanismes appropriés pour associer la société civile organisée et les partenaires sociaux aux phases de mise en œuvre, de suivi et d’ajustements des plans nationaux pour la reprise et la résilience.

5.8 La présente résolution s’attache à la participation des partenaires sociaux et des organisations de la société civile aux plans nationaux pour la reprise et la résilience alors que le processus d’élaboration de ces plans n’est pas encore parvenu à son terme, dans l’idée de permettre d’améliorer ces processus et également de faire pression pour que les partenaires sociaux et les organisations de la société civile soient associées de manière adéquate à la mise en œuvre, au suivi et à l’ajustement de ces plans. Le Comité connaît la teneur de ces plans, telle qu’elle transparaît des programmes-cadres et des premiers projets de plan national pour la reprise et la résilience de certains États membres. L’on peut toutefois déduire des réponses à la question 5 du questionnaire que parmi ceux qui s’expriment à cette étape du processus, dans la plupart des pays, à savoir dans dix sur seize, les objectifs des organisations de la société civile et la teneur des programmes-cadres et des projets de plan national pour la reprise et la résilience se recouvrent largement ou pour partie, dans le droit fil des objectifs et des lignes directrices assignés par la Commission et le Parlement européen à l’instrument «Next Generation EU» et à sa facilité pour la reprise et la résilience. Dans les six autres pays, les organisations de la société civile expriment des critiques à cet égard, et dans dix autres, elles ne répondent pas, le plus souvent parce qu’elles estiment que cela serait prématuré.

5.9 Le Comité entend toutefois se faire l’écho de certaines préoccupations et revendications formulées par les partenaires sociaux et les organisations de la société civile concernant la teneur des plans nationaux pour la reprise et la résilience.

  • Les investissements cohérents avec les objectifs du pacte vert et de la transition numérique, ainsi que les transitions justes y afférentes, et ceux liés à des vulnérabilités sociales nationales, à l’emploi, à la protection sanitaire et sociale, de conserve avec la mise en œuvre des réformes structurelles nécessaires stipulées par les recommandations par pays pour 2019 et 2020, devraient donner de l’élan sur la voie d’un modèle économique qui favorise davantage la productivité et qui soit plus durable sur le plan environnemental et social.
  • Les plans nationaux pour la reprise et la résilience devraient expliciter le lien entre les projets d’investissement et le programme de réforme de chaque pays en définissant des indicateurs, des calendriers et des méthodes de suivi appropriés.
  • Le programme «Next Generation EU» offre un soutien financier inédit de l’Union au profit des budgets nationaux. Lors de l’évaluation des plans nationaux, la Commission devrait exiger que les fonds européens soient aussi utilisés pour générer une véritable valeur ajoutée européenne, moyennant un soutien apporté aux investissements et projets d’infrastructures transfrontières. Les investissements transfrontières ont, sur le plan économique et social, des retombées positives évidentes qu’il conviendrait de promouvoir plus énergiquement.
  • Les investissements menés dans le cadre des plans nationaux pour la reprise et la résilience devraient servir de levier pour d’autres investissements privés dans les secteurs que ces plans désignent comme prioritaires. Les programmes d’investissement doivent tenir suffisamment compte des projets éligibles provenant de PME et d’entreprises de l’économie sociale.
  • Comme l’a très clairement déclaré le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté, M. Olivier De Schutter, dans son discours lors de la session plénière du Comité le 28 janvier 2021, il existe un risque que les plans nationaux pour la reprise et la résilience n’accordent pas toute l’importance requise aux questions sociales, y compris aux instruments pour combattre la pauvreté et les inégalités. Il importe de souligner toute l’ampleur du risque que la fracture numérique ne soit pas réduite, sachant que la numérisation de l’économie et de la société constitue l’un des principaux enjeux de l’instrument «Next Generation EU».
  • Il est essentiel d’investir dans une éducation, un apprentissage tout au long de la vie et une recherche et développement de qualité afin de guider et de compléter les changements économiques et sociaux que promeut l’instrument «Next Generation EU», ainsi que d’investir pour renforcer les systèmes de santé et les politiques de santé publique de sociétés durement frappées par la pandémie de COVID-19.

5.10 Le Comité exhorte les gouvernements nationaux et les institutions de l’Union européenne à tenir compte, au moment d’adopter les plans nationaux pour la reprise et la résilience, de ces préoccupations de la société civile européenne quant à leur teneur.

Bruxelles, le 25 février 2021

Christa SCHWENG
Présidente du Comité économique et social européen

 

Rapporteurs: 
Gonçalo LOBO XAVIER (groupe I)
Javier DOZ ORRIT (groupe II)
Luca JAHIER (groupe III)

 


[1]            SWD(2020) 205 final.

[2]            JO L 57 du 18.2.2021, p. 17..

[3]            Les rapports en provenance des différents États membres font l’objet d’une analyse dans l’annexe à la présente résolution. L’ensemble de ces matériels est disponible sur le site internet du Comité.

[4]            Civil Society Europe et European Center for Not-for-Profit Law: Participation of civil society organisations in the preparation of the EU National Recovery and Resilience Plans («Participation des organisations de la société civile à l’élaboration des plans nationaux pour la reprise et la résilience dans l’Union européenne»); décembre 2020.

 

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EESC Resolution on Recovery and Resilience Plans - February 2021

Appendix

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