Maria Walsh, députée au Parlement européen élue en Irlande, mène la lutte pour mettre un terme à la précarité menstruelle. Son plan pour une politique menstruelle est un appel à l’action, une feuille de route jalonnée de mesures concrètes pour que la pauvreté menstruelle soit reléguée à un passé révolu dans l’ensemble des 27 États membres de l’Union européenne. Si certains de ces derniers ont pris des mesures en ce sens, telles que la réduction de la «taxe sur les tampons hygiéniques» ou la mise à disposition de produits d’hygiène menstruelle dans les écoles, nombreux sont ceux dont les gouvernements n’ont toujours pas fait de la précarité menstruelle une priorité de premier plan. En finir avec ce phénomène ne consiste toutefois pas seulement à distribuer des tampons et des serviettes hygiéniques, mais aussi à permettre à des millions de femmes et de filles de vivre dans la dignité et l’égalité.
Par Maria Walsh, députée au Parlement européen
Lorsque l’on parle de précarité, ce sont les pénuries alimentaires, les problèmes ou les charges pour se loger qui viennent immédiatement à l’esprit. Toutefois, les discussions sur la précarité omettent trop souvent l’un de ses aspects, à savoir la précarité menstruelle.
Ce terme de précarité menstruelle désigne l’absence de moyens pour acheter des produits menstruels et l’incapacité à y accéder. Elle frappe plus fréquemment les personnes à faibles revenus, les réfugiés, les jeunes et les personnes handicapées.
Malheureusement, ce problème est encore aggravé par la stigmatisation implacable et criante associée aux menstruations, qui prive nombre de personnes concernées du soutien dont elles ont besoin et réduit la marge de manœuvre nécessaire pour agir.
Trop longtemps, la santé menstruelle est restée à l’écart des grands sujets de préoccupation, demeurant souvent traitée comme une question marginale. Puisque la précarité menstruelle touche quelque 10 % des personnes menstruées dans l’Union européenne, il est temps de dépasser le discours qui la cantonnait à une simple «affaire de femmes» pour la hisser au rang d’impératif de santé publique et la traiter comme un problème de droits humains fondamentaux.
J’ai été élue à deux reprises députée au Parlement européen, et au cours de ces deux mandats, je n’ai eu de plus grand souci que de faire en sorte que l’égalité ne demeure pas un simple sujet de conversation mais devienne une réalité dans tous les pans de la société.
C’est pourquoi j’ai proposé mon plan pour une politique menstruelle («Plan for Periods»), une feuille de route qui définit des mesures concrètes pour éliminer la précarité menstruelle dans l’Union européenne. Pour y parvenir dans l’ensemble des 27 États membres, ceux-ci devront en fin de compte prendre des engagements politiques forts et agir pour se coordonner.
Cette proposition vise à mettre un terme à la précarité menstruelle, et pour ce faire, elle prend en compte les aspects de politique et de gouvernance, de l’accès et du caractère abordable, de l’éducation et de la sensibilisation, de la recherche et de la consultation des parties intéressées. Elle repose sur une approche intersectionnelle et inclusive et définit la manière dont l’Union européenne peut se placer en tête de l’action mondiale en faveur de la santé menstruelle.
Mon plan pour une politique menstruelle demande notamment d’agir dans les domaines suivants:
- élaborer un plan d’action de l’Union européenne pour la santé menstruelle, à savoir créer une stratégie officielle qui intègre cette question dans les cadres de l’Union en matière d’égalité hommes-femmes, d’éducation, de santé et de réduction de la pauvreté;
- réduire à zéro la TVA sur les produits menstruels, et pour ce faire, encourager les États membres à exempter complètement ces produits de la TVA à l’occasion de la révision de la directive sur la TVA de 2022;
- lancer des campagnes de sensibilisation du public, et ce dans les 24 langues officielles de l’Union européenne;
- investir dans la recherche, car il importe de garantir le financement de la recherche scientifique sur les menstruations, sur les problèmes de santé qui y sont liés, tels que l’endométriose, ainsi que sur la sécurité des produits et l’innovation dans ce domaine;
- établir des lignes directrices en matière de congés menstruels. Il s’agit d’encourager les États membres à concevoir des cadres volontaires pour le congé menstruel ou des assouplissements à ce titre de l’organisation du travail;
- intégrer la santé menstruelle dans la politique d’aide au développement et l’action humanitaire de l’Union européenne.
Je suis convaincue de toute l’importance d’une telle proposition sachant que le cycle menstruel est un fait physiologique qui rythme la vie de près de la moitié de la population mondiale. Il est évident que des produits d’hygiène menstruelle hors de portée entraînent pour les personnes concernées des répercussions qui se font sentir dans tous les aspects de leur vie. Ainsi, les jeunes manquent l’école parce que leurs menstruations leur posent des problèmes insolubles. Les adultes doivent s’absenter de leur travail. En outre, faute de pouvoir utiliser des produits sûrs pour faire face à leurs menstruations, ces personnes sont contraintes de mettre en jeu leur santé génésique.
Par conséquent, lutter contre la précarité menstruelle, ce n’est pas seulement permettre d’accéder aux produits d’hygiène menstruelle, mais aussi garantir la dignité, l’égalité, notamment l’égalité des chances, et la prospérité.
Je tiens à rappeler qu’une Europe qui œuvre en faveur de la compétitivité ne saurait négliger les inégalités qui empêchent les personnes d’exploiter les opportunités qui s’offrent à elles. Une véritable compétitivité n’est possible que si nous éliminons les obstacles, notamment la pauvreté menstruelle, et que si nous bâtissons une Europe où chacun peut participer pleinement et sur un pied d’égalité.
Ces dernières années ont certes été marquées par des avancées. Certains États membres de l’Union européenne ont supprimé ou réduit la «taxe sur les tampons hygiéniques», et reconnu ce faisant que les produits d’hygiène menstruelle ne sont pas des articles de luxe mais des produits de première nécessité. Dans mon État membre, en Irlande, les pouvoirs publics se sont engagés à mettre des produits d’hygiène menstruelle à disposition dans les écoles, et à suivre ainsi l’exemple donné par l’Écosse, qui a été le tout premier territoire au monde à rendre les produits d’hygiène menstruelle gratuits pour tous. L’Espagne a pris en février 2023 des mesures encadrant les congés menstruels, lorsque le gouvernement a fait voter une loi qui autorise les femmes souffrant de règles douloureuses à s’absenter du travail tout en étant rémunérées, dès lors qu’elles bénéficient d’une autorisation médicale.
De telles politiques prouvent que des changements sont possibles.
Cependant, les progrès demeurent inégaux. Nombreux sont les gouvernements qui ne reconnaissent toujours pas la précarité menstruelle comme une priorité pour leur action politique. De ce fait, dans toute l’Europe, ce sont des organisations de la société civile qui continuent d’assumer l’essentiel de la tâche sans bénéficier d’un soutien adéquat.
Aussi ma proposition est-elle en tout premier lieu un appel à l’action. Trop longtemps, les menstruations ont été passées sous silence. Mais grâce à des débats ouverts et à notre volonté d’agir, nous pouvons changer cette situation. En finir avec la précarité menstruelle ne consiste pas seulement à distribuer des tampons et des serviettes hygiéniques, mais aussi à permettre à chaque personne qui a des règles de vivre dans la dignité et l’égalité.
Pour mettre fin à la précarité menstruelle, il faut qu’elle devienne un terme normal de notre débat public. Il faut que les décideurs politiques travaillent main dans la main avec les éducateurs, les professionnels de la santé, les ONG et les militants. Pour cela, l’Union européenne doit renforcer son action et montrer la voie, tout en veillant à ne laisser personne de côté sur la route vers l’égalité. J’attends avec autant d’intérêt que d’impatience la stratégie de la Commission européenne pour lutter contre la pauvreté, dont la publication est prévue l’année prochaine, pour voir les mesures que la Commission entend prendre pour lutter contre la précarité menstruelle.
Maria Walsh a été élue députée au Parlement européen pour la première fois en 2019, avant de l’être à nouveau en 2024, sous les couleurs du parti irlandais Fine Gael. Elle représente la circonscription Midlands–North-West, qui regroupe 15 comtés de la République d’Irlande, et elle est inscrite au groupe PPE au Parlement européen. Mme Walsh siège au sein des commissions du Parlement européen chargées de l’agriculture et du développement rural (AGRI) et des droits de la femme et de l’égalité des genres (FEMM) en tant que membre de plein droit, et elle est également membre suppléante de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) et de la commission du développement régional (REGI). Parmi ses priorités figurent l’agriculture, le développement régional, les droits des femmes et la santé mentale. Aussi se fait-elle la porte-parole des agriculteurs de sa circonscription Midlands–North-West, des femmes et des jeunes filles, ainsi que de tous ceux qui ont besoin d’une aide et de services en matière de santé mentale.