European Economic
and Social Committee
Libertés des médias: la législation européenne sur la liberté des médias s’impose comme un élément essentiel pour les défendre
Face à l’augmentation des menaces tant internes qu’extérieures qui pèsent sur la démocratie libérale européenne, il est de plus en plus important de protéger le pluralisme et l’indépendance des médias
Le Comité économique et social européen (CESE) accueille favorablement les initiatives de la Commission européenne en faveur de la liberté des médias, mais avertit que de simples recommandations et une approche non contraignante ne suffiront pas à garantir que les médias en Europe restent libres et indépendants des ingérences politiques, commerciales et d’autre nature.
Dans son avis relatif à la législation européenne sur la liberté des médias, qui est composée d’une proposition de règlement accompagnée d’une recommandation, et consiste en un nouvel ensemble de règles proposées par la Commission pour protéger le pluralisme et l’indépendance des médias dans l’Union, le CESE souligne que la liberté et le pluralisme des médias revêtent une importance capitale pour l’état de droit et la démocratie libérale.
L’Union est, de manière croissante, confrontée à des ingérences extérieures qui cherchent à manipuler les débats publics en Europe, en particulier dans le contexte des tensions géopolitiques récentes. Il est d’autant plus urgent de renforcer la liberté et le pluralisme des médias, car ils contribuent grandement à rendre l’Union plus résiliente face à ces menaces.
La liberté des médias est en danger. L’autoritarisme est en hausse, y compris en Europe. Le “quatrième pouvoir” constitue un pare-feu contre ce fléau illibéral. Il est donc de la plus haute importance de renforcer la liberté des médias. Le CESE soutient la Commission et les législateurs européens dans la défense du pluralisme des médias. Ni les gouvernements ni les intérêts privés ne doivent contrôler le paysage médiatique. Les médias publics qui ne sont pas totalement indépendants deviennent un instrument de propagande. Les magnats du secteur des médias, qui disposent de monopoles de l’information, ouvrent la voie à des forces antidémocratiques. La législation européenne sur la liberté des médias constitue donc une initiative importante et qui arrive à point nommé
. Telle a été la déclaration de Christian Moos, rapporteur de l’avis du CESE.
Pour sa part, Tomasz Andrzej Wróblewski, corapporteur de l’avis, a déclaré: Nous observons une influence politique et économique croissante dans plusieurs pays de l’UE, tant dans les médias publics que dans les médias privés très proches du pouvoir. Cette situation est incompatible avec la mission des médias en tant que quatrième pouvoir
.
Dans cet avis, le CESE soutient pleinement les propositions destinées à renforcer et à défendre l’indépendance éditoriale, tant celle des journalistes que celle des éditeurs. Il accorde également une attention particulière à l’indépendance et à l’impartialité des médias publics, en soulignant à cet égard la nécessité qu’ils disposent de ressources financières suffisantes et stables.
Ainsi l’avis affirme-t-il que les médias publics n’ont de sens que s’ils sont impartiaux et parfaitement indépendants de toute influence politique, faute de quoi le financement public peut conduire à toutes sortes d’abus et de manipulations de la part des gouvernements. Tout projet de financement des médias devrait reposer sur des règles particulièrement transparentes et sur des garanties d’indépendance politique pour les journalistes.
Un autre problème alarmant identifié par l’avis est la menace que la concentration du marché des médias fait peser sur leur pluralisme. Le CESE accueille donc favorablement les mesures proposées pour accroître la transparence en matière de concentration sur le marché. Si cette concentration ne porte pas nécessairement atteinte à la liberté et à la diversité des médias, dans la mesure où elle peut aider les petits médias à survivre, les monopoles de l’information constituent quant à eux une menace certaine. Il faut notamment lutter contre la captation de médias par des magnats et oligarques du secteur des médias, qui entretiennent souvent des relations étroites avec des responsables politiques nationaux de premier plan, voire avec des gouvernements de pays tiers. Lorsque les organismes nationaux de régulation s’abstiennent d’agir sur la concentration du marché des médias, il convient de recourir à la législation de l’UE en matière de lutte contre cette concentration.
La propriété des médias devrait en tout état de cause être transparente et les exigences en matière de transparence devraient être contraignantes, sans pour autant entraîner de charge administrative excessive pour les petits médias. Le CESE salue par ailleurs le caractère contraignant des dispositions relatives à la transparence en matière d’allocation des dépenses pour la publicité d’État.
Il se déclare préoccupé par le manque d’indépendance de certains organismes de régulation nationaux et recommande de définir un cadre pour y remédier. Les autorités ou organes nationaux qui ne jouissent pas d’une indépendance totale ne devraient pas participer au comité européen pour les services de médias que la proposition entend instituer, lequel devrait promouvoir l’application cohérente du cadre législatif de l’UE sur les médias. L’indépendance de ces organismes devrait être évaluée au moyen des critères qu’il reste à définir dans le règlement.
Selon le CESE, le comité européen pour les services de médias devrait lui-même être totalement indépendant, y compris de la Commission européenne, ce qui n’est pas le cas dans la proposition actuelle. Si cet objectif n’est pas atteint, le comité ne peut exercer aucune mission de surveillance ou de régulation, comme le fait valoir le CESE dans son avis.
Le CESE souligne l’importance du fait que la législation européenne sur la liberté des médias, en tant que règlement, aura un effet direct. Dans le même temps, il se demande si l’approche non contraignante de la recommandation est un moyen efficace d’atteindre les objectifs de ladite législation.
De simples recommandations ne sauraient suffire à garantir la liberté et le pluralisme des médias dans les États membres. La liberté et l’indépendance des médias doivent être des critères contraignants lorsqu’il s’agit d’établir le rapport sur l’état de droit et de déclencher le mécanisme prévu pour les États membres où des gouvernements bafouent ces deux principes
, a souligné M. Moos.
L’avis vient compléter les travaux antérieurs du CESE dans le domaine de la liberté des médias, comprenant notamment son avis d’initiative intitulé Garantir la liberté et le pluralisme des médias en Europe
et son avis relatif aux poursuites stratégiques altérant le débat public (poursuites-bâillons
).