L’avenir de l’Europe dépendra de la manière dont traitons les zones rurales: le CESE préconise davantage de coopération avec les zones urbaines pour une plus grande durabilité

Les territoires ruraux et urbains d’Europe ne se développent pas de manière uniforme. Il est essentiel de promouvoir des politiques qui freinent cette tendance, de garantir une transition équitable et durable vers une économie du bien-être dans tous les territoires et d’encourager un rééquilibrage de la population. En particulier, les zones rurales, qui jouent un rôle primordial dans la cohésion économique et sociale des territoires, leur résilience et l’apport d’un nombre incalculable de services par les différents écosystèmes locaux, y compris la production alimentaire, devraient être rendues plus attrayantes pour les jeunes et les entreprises. Cela améliorerait la qualité de vie et le bien-être de tous les citoyens de l’Union, en leur permettant de choisir où ils veulent vivre et travailler. C’était l’une des principales conclusions tirées du débat sur le thème «Vers une stratégie globale en matière de développement rural et urbain durable», organisé le 8 mars par la section NAT (Agriculture, développement rural et environnement) du Comité économique et social européen (CESE), auquel a participé un large éventail de parties prenantes et de décideurs politiques.

Depuis des années, le CESE insiste sur la nécessité de réduire l’écart de développement entre les différents territoires. Dans un récent avis d’initiative intitulé Une approche intégrée pour les zones rurales de l’UE, avec une attention particulière pour les régions vulnérables, il a attiré l’attention sur les régions actuellement menacées par la stagnation, le dépeuplement ou la désertification. Dès lors, il est primordial de remédier aux deux types de dégradation de l’environnement d’une égale nocivité, à savoir, d’une part, une pression excessive sur l’air, l’eau et les sols, qui résulte de la concentration de l’activité économique dans le milieu urbain et, d’autre part, l’abandon de vastes étendues du territoire, dont la diversité biologique et paysagère déclinera irrémédiablement.

Comme l’a fait remarquer Peter Schmidt, président de la section NAT du CESE. La relance après la COVID-19 offre une occasion parfaite d’élaborer des stratégies garantissant qu’aucun citoyen ne soit laissé pour compte au cours de la transition équitable vers une Union européenne climatiquement neutre, durable et prospère, conformément aux objectifs du pacte vert et social pour l’Europe, du plan de relance Next Generation EU, de l’agenda territorial 2030 et des 17 objectifs de développement durable. La contribution de la société civile revêt une importance cruciale. La société civile locale, les travailleurs et les entreprises, ainsi que les citoyens, doivent s’engager pour libérer l’immense potentiel des communautés rurales/urbaines, prendre part à la conception de leur développement durable et l’encourager.

L’agenda territorial 2030 et un développement territorial équilibré

L’UE est extrêmement diversifiée d’un point de vue territorial et c’est l’une de ses forces. Mais si nous ne gérons pas correctement les choses, cela peut devenir une faiblesse. Il est urgent de mettre en œuvre des politiques qui permettent à chaque région d’exploiter pleinement son potentiel. Des politiques de cohésion territoriale ont précisément été mises en place afin de réduire les disparités de développement entre les régions et de veiller à ce que chacune d’entre elles ait accès aux services publics, aux soins de santé, au logement et au travail, sans laisser personne de côté.

La pandémie a creusé les écarts entre les territoires de l’UE, a affirmé Stefano Palmieri, président de la section ECO (Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale) du CESE. Maintenant que l’UE a approuvé un train de mesures courageux pour la relance, avec le nouveau cadre financier pluriannuel, Next Generation EU et, dans le cadre de ce plan, les plans nationaux de relance et de résilience, ces lacunes doivent être prises en compte lors de l’allocation des fonds. L’agenda territorial doit continuer à mettre l’accent sur certains points fondamentaux: une Union placée sous le signe de l’équilibre, au sein de laquelle les régions fonctionnent correctement, les zones urbaines et rurales sont reliées entre elles et qui garantit une existence digne à l’ensemble de ses citoyens.

Ulrika Landergren, présidente de la commission NAT du Comité européen des régions, a soutenu cette idée en affirmant que laisser les zones rurales de côté n’a jamais été une option et que la pandémie a démontré que c’était encore moins envisageable aujourd’hui: La crise de la COVID a dévoilé la fragilité sous-jacente des grandes zones métropolitaines d’Europe et l’absence de liens territoriaux avec leur voisinage rural. Une vision à long terme des zones rurales et urbaines pour l’Europe doit créer de nouvelles structures pour une coopération plus étroite. Nous devons également assurer une répartition équitable des fonds du plan de relance entre les zones urbaines et rurales.

Une approche ascendante du développement rural et urbain est essentielle pour répondre aux besoins réels des communautés

Les initiatives locales, municipales et régionales devraient être au cœur de toutes les politiques de développement rural et urbain. Le CESE a toujours plaidé en faveur d’une approche ascendante et de la responsabilisation des communautés pour qu’elles trouvent les bonnes réponses pour elles-mêmes. Une telle approche est soutenue avec vigueur par Meera Ghani, coordinatrice politique au sein d’ECOLISE (réseau européen pour les initiatives citoyennes locales sur le changement climatique et le développement durable), qui a souligné que Les citoyens, les groupes et les communautés locales comprennent mieux que quiconque leurs besoins qui s’inscrivent dans leur contexte. C’est pourquoi toute solution viable et durable devra venir directement de ces communautés, qu’elles soient situées dans un environnement rural ou urbain. Bien que nous soyons tous confrontés aux mêmes défis, notre contexte local est différent et unique. Seule une approche globale mais aussi intersectorielle nous permettra d’instaurer les cultures de la régénération auxquelles nous aspirons. Quant à Staffan Nilsson, président de l’Alliance européenne des communautés rurales et membre du groupe de pilotage du Parlement rural européen, il a indiqué que: Partout, l’engagement est présent au niveau local et nous devrions en tirer parti!

Mme Ghani a également souligné qu’un autre obstacle de taille est lié au financement de projets. Le fonctionnement des instruments financiers au sein de l’UE a engendré une approche fragmentée et un manque de cohérence quant à la manière dont les fonds sont dépensés: C’est la raison pour laquelle nous préconisons la création d’un Fonds de développement unique consacré à durabilité et à l’action pour le climat au niveau local, où les zones urbaines et rurales peuvent relever tous les défis communs, tels que la crise climatique, le manque d’investissements, les inégalités, le manque d’accès aux services, à l’emploi, aux soins de santé et au logement.

Christian Jonet, coordinateur de l’organisation à but non lucratif «Ceinture Aliment-Terre Liégeoise» (CATL), a également souligné qu’il n’existe actuellement aucun soutien en faveur des programmes reliant les zones urbaines et rurales ainsi que les collectivités locales et régionales. Comme il l’a expliqué: En ce qui concerne les projets collectifs dans le domaine de l’alimentation durable, la création d’alliances entre citoyens engagés, entreprises coopératives et pouvoirs publics est, comme le montre l’expérience de la CATL, un moyen extrêmement puissant de lancer une dynamique de transition.

La complémentarité, la coopération et l’engagement étaient également au cœur du message de Rosa Gallardo Cobos, directrice du département d’économie, de sociologie et de politique agricole, de l’université de Cordoue, qui a souligné le fait que La durabilité (économique, sociale et environnementale) des territoires européens, ruraux comme urbains, sera fondée sur la complémentarité entre les deux zones et nécessitera des politiques intégrales dotées d’une vision globale, qui promeuvent la coopération et l’engagement entre les différents acteurs économiques et sociaux qui y sont présents.

Comment les institutions de l’UE peuvent-elles contribuer concrètement à une approche globale au service des zones rurales et urbaines?

25 ans après la déclaration de Cork de 1996 (conférence européenne sur le développement rural), lorsque la société civile a attiré l’attention sur les problèmes des zones rurales, la plupart des préoccupations restent les mêmes et il est donc désormais essentiel de faire des «meilleures conditions de vie dans les zones rurales» une réalité. Deša Srsen, membre du cabinet de Dubravka Šuica, vice-présidente de la Commission européenne chargée de la démocratie et de la démographie, a expliqué la manière dont la Commission s’engage à proposer un certain nombre de mesures: Avec la vision rurale à long terme, que la Commission prépare actuellement et qui devrait être adoptée en juin, notre ambition est d’insuffler une nouvelle dynamique aux zones rurales et de les rendre attractives pour les jeunes, les entreprises et les entrepreneurs innovants, tout en leur donnant les moyens d’agir grâce aux transitions verte et numérique. Cela permettra aux citoyens qui vivent et font des affaires dans les zones rurales de mieux faire entendre leur voix et de s’assurer qu’ils ne sont pas laissés pour compte dans le processus.

Pour Niklas Nienass, député au Parlement européen, coprésident de l’intergroupe «Zones rurales, montagneuses et isolées (RUMRA) et villages intelligents», les changements ne sont pas assez rapides et la Commission européenne devrait prendre des mesures pour résoudre les problèmes au cours des cinq prochaines années: Dans les zones rurales, les infrastructures et la connectivité doivent être de bonne qualité pour attirer les citadins, mais les personnes qui emménagent dans ces régions devraient être conscientes qu’elles arrivent dans un village vivant, qui a sa propre culture, et pas uniquement dans une maison, pour intégrer et construire une communauté.

Dans ses observations finales, Josep Puxeu Rocamora, vice-président de la section NAT du CESE et rapporteur de l’avis NAT/790, a souligné que l’intégration des zones rurales et vulnérables est très complexe, car elle a trait à l’ensemble des politiques existantes de l’UE (emploi, accès aux services, transports, numérisation, etc.). Pour développer ces régions, nous proposons un contrat territorial entre la société urbaine et le monde rural; ce contrat devrait être participatif, adapté aux spécificités des différents territoires et préserver leur patrimoine historique, culturel et naturel. Le CESE pourrait ensuite développer une approche globale du développement durable urbain et rural, en coopération avec l’ensemble des acteurs concernés et contribuer de manière active à la vision de long terme que prépare la Commission européenne, y compris aux manifestations qui doivent être organisées durant sa Semaine de la vision rurale, du 22 au 26 mars.