European Economic
and Social Committee
La gouvernance budgétaire de l’UE doit être révisée pour soutenir une reprise durable et une transition juste
Il est ressorti d’une audition organisée par le Comité économique et social européen (CESE) que les règles budgétaires de l’Union européenne applicables dans les États membres devaient être réformées pour assurer une reprise durable après la pandémie de COVID-19 et garantir les investissements publics nécessaires à la transition écologique et numérique.
Une refonte des règles budgétaires européennes est indispensable pour ouvrir la voie à une reprise durable et renforcer les investissements publics afin que l’Union soit en mesure de réaliser sa transition écologique et numérique. Telle était l’idée phare de cette audition, qui a été organisée le 10 septembre 2021 par la section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» (ECO), à la fois à Bruxelles et en ligne, dans le cadre de l’élaboration de l’avis du CESE intitulé «Repenser le cadre budgétaire de l’Union européenne pour une reprise durable et une transition juste».
La révision des règles de gouvernance économique avait déjà commencé avant la pandémie de COVID-19, mais elle a été suspendue en raison de l’aggravation de la crise et de l’activation de la clause dérogatoire générale prévue dans le pacte de stabilité et de croissance. Il était donc essentiel de reprendre cette révision dès que possible
, a déclaré Stefano Palmieri, président de la section ECO. Cependant, au lieu d’un “retour à la normale”, l’Union a besoin d’un “tournant” vers un cadre de gouvernance économique révisé, rééquilibré et axé sur la prospérité, qui accorde la même importance à une série d’objectifs politiques clés tels qu’une croissance durable et inclusive, le plein emploi et un travail décent, une économie sociale de marché compétitive et des finances publiques stables
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Luca Jahier, président du groupe d’étude chargé de l’avis du CESE, a appuyé les propos de M. Palmieri, faisant observer qu’il était temps d’œuvrer à une révision des règles budgétaires européennes pour les rendre plus équilibrées et plus propices à une croissance durable. D’abord la pandémie, puis désormais la mise en œuvre de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) ont changé radicalement la donne par rapport aux années précédentes: nous avons besoin d’une approche différente pour pouvoir stabiliser nos économies à moyen terme, financer leur transition écologique et numérique et adopter des trajectoires d’ajustement de la dette souples et spécifiques à chaque pays
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Des réformes possibles sans modifier les traités
Des experts issus de la société civile organisée et du monde universitaire, de même que des décideurs, ont débattu de la manière de concevoir le nouveau cadre de gouvernance économique pour que les politiques budgétaires visent aussi bien la durabilité à long terme que la stabilisation à court terme.
Sebastian Dullien, représentant l’Institut de politique macroéconomique (IMK), a planté le décor sur le plan économique, en décrivant les principaux chantiers qui attendent le cadre budgétaire actuel: les règles budgétaires ne sont pas suffisamment favorables aux investissements, tendent à être procycliques, pourraient imposer une austérité outre mesure dans les années à venir et sont excessivement complexes. Par ailleurs, M. Dullien a avancé des propositions concrètes de réforme, parmi lesquelles l’introduction d’une règle d’or en matière d’investissements publics, une règle de dépenses applicable aux catégories budgétaires non cycliques et un ancrage renforcé de la dette.
René Repasi, de l’université Erasmus de Rotterdam, a complété ces propositions de réforme par une analyse juridique, soulignant qu’il était possible de les mettre en œuvre dans le cadre des traités actuels et qu’une marge de manœuvre existait en matière de réformes, pour autant que l’objectif principal consistant à éviter les déficits excessifs soit atteint.
MM. Dullien et Repasi, aux côtés d’autres collègues, ont travaillé sur une étude interdisciplinaire commandée par le CESE, portant à la fois sur la nécessité économique d’éventuelles réformes et sur leur viabilité juridique. Cette étude sera publiée au mois d’octobre.
Évoquant la consultation publique lancée en février 2020 sur l’examen de la gouvernance économique, Marco Buti, chef de cabinet de Paolo Gentiloni, commissaire européen à l’économie, a déclaré que la Commission était prête à la relancer, après avoir dû la mettre en suspens en raison de la pandémie. L’examen en question a permis de faire le point sur les enseignements tirés de la crise financière mondiale et de la crise de la dette souveraine, et un constat est clair comme de l’eau de roche: après la pandémie, les règles budgétaires n’ont plus été considérées uniquement comme un moyen de contrôler la dette publique, mais aussi comme un moyen de réaliser des investissements publics, éléments centraux de l’avenir de notre société.
Pour sa part, Thierry Philipponnat, s’exprimant au nom de Finance Watch, a affirmé qu’il ne pouvait y avoir de viabilité de la dette sans durabilité sociale et environnementale, et il a suggéré de transformer la discipline budgétaire en un outil de développement et d’investir ainsi pour un avenir durable.
Marcello Messori, de l’université LUISS, a fait valoir que le développement durable de l’Union lors de la période d’après-pandémie était incompatible avec l’application mécanique des règles budgétaires en vigueur avant la pandémie, et qu’il importait par conséquent d’exploiter le potentiel des «arrangements contractuels» du Conseil européen de 2013, précédemment rejetés, pour simplifier et modifier les anciennes règles budgétaires.
Dans un message vidéo, Alicia Hinarejos, représentante de l’université McGill, a convenu que les traités offraient une certaine latitude et que les règles de dépenses pouvaient être changées par une simple modification du droit dérivé, sans qu’il soit nécessaire de réformer les traités.
Vers une gouvernance budgétaire de l’Union plus démocratique et plus efficace
Dans ce contexte, l’un des enjeux est de savoir comment renforcer le rôle des parlements, rendre les règles budgétaires de l’Union plus démocratiques et permettre aux citoyens de l’Union de se les approprier davantage, et établir un dialogue clair avec les organisations de la société civile.
Philip Gerson, du Fonds monétaire international (FMI), a souligné que le cadre budgétaire de l’UE présentait une marge considérable d’amélioration, puisqu’il comportait un risque d’incohérence et de chevauchement entre ses différentes parties.
James Watson, représentant BusinessEurope, était sur la même longueur d’onde: il a reconnu que les règles étaient devenues trop complexes et a plaidé pour leur simplification et pour une meilleure communication, ce qui faciliterait également le respect de leur application. Il est primordial que les règles soient crédibles et applicables.
Lukas Oberndorfer, intervenant au nom de la Chambre fédérale autrichienne du travail (AK), a déclaré que le futur cadre budgétaire devait permettre une transformation sociale et écologique et qu’il était nécessaire de changer de direction, à savoir de la croissance économique vers le bien-être humain, la réduction des inégalités aussi bien entre les pays qu’à l’intérieur de chacun d’entre eux, et la mise en place de gouvernements collaboratifs et démocratiques hautement efficaces.
À ce sujet, Päivi Leino-Sandberg, de l’université d’Helsinki, a mis l’accent sur le lien entre la démocratie et les parlements, soulignant qu’il serait possible de rendre les règles actuelles plus démocratiques en renforçant leur appropriation au niveau national, c’est-à-dire en expliquant les raisons qui sous-tendent les mesures prises et en clarifiant la structure des compétences (qui fait quoi).
Enfin, Margarida Marques, députée au Parlement européen et rapporteure du rapport sur l’examen des règles de gouvernance économique de l’UE, approuvé en juillet 2021, a conclu qu’il était de la plus haute importance de dégager un consensus entre les différents points de vue, les diverses familles politiques et les partenaires sociaux. La réalité d’aujourd’hui étant totalement différente de celle qui prévalait à l’époque du traité de Maastricht, il importe désormais de déterminer si ces règles ont fonctionné ou non. Étant donné qu’elles manquent clairement de souplesse, de nouvelles règles sont nécessaires.
En guise de conclusion, Dominika Biegon, rapporteure de l’avis du CESE, a tenu les propos suivants: Contrairement à l’opinion communément répandue, l’audition a révélé que l’on pouvait améliorer considérablement le cadre budgétaire de l’Union sans modifier les traités européens. Nous pouvons mettre un terme au manque chronique d’investissements publics et donner aux États membres une plus grande marge de manœuvre pour faire face de manière adéquate aux ralentissements économiques qui se produiront à l’avenir. Les institutions européennes ne devraient plus temporiser davantage, mais proposer, dès que possible, des réformes pragmatiques du cadre budgétaire de l’Union afin d’ouvrir la voie à une reprise durable et à une transition juste
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Toutes ces contributions viendront désormais alimenter l’avis du CESE, dont l’adoption est prévue lors de la session plénière d’octobre et dont les recommandations nourriront également le débat organisé à l’échelle européenne dans le cadre de la conférence sur l’avenir de l’Europe.