Au cours des quelques dernières décennies, la technologie, la réglementation, ainsi que les changements dans les besoins et les attentes des consommateurs, n’ont cessé de réinventer le secteur des banques et assurances. De nouveaux modèles d’investissement, d’épargne, d’assurance et de transfert de fonds permettent au plus grand nombre de participer à des projets de différentes tailles.
Les entreprises de technologie financière (FinTech) et de technologie des assurances (InsurTech) sont les catalyseurs et souvent les partenaires des établissements de services financiers lorsqu’il s’agit de moderniser leurs prestations, en combinant leurs forces et leurs faiblesses respectives et en créant entre eux des synergies. De l’avis du CESE, le développement d’un écosystème de «coopétition» novateur recèle un potentiel de création de valeur considérable.
Il est absolument nécessaire de rétablir la confiance et la stabilité au sein du secteur financier et la gestion de la transition de l’ancien système (système bancaire traditionnel) au nouveau revêt une importance cruciale à cet égard. Sur ce point, le CESE réclame qu’une législation adéquate soit mise ne place dans le contexte européen d’un processus d’intégration de l’union bancaire et du marché unique numérique, de manière à soutenir la croissance et l’innovation tout en garantissant la protection des consommateurs et des travailleurs de l’industrie financière.
Pour réaliser un marché financier européen qui soit véritablement unique, la politique de la Commission européenne doit favoriser des conditions de concurrence équitables en matière d’innovation. Sur un plan de principe et en ce qui concerne tant la réglementation que les droits des consommateurs, les conditions de travail et les obligations de surveillance, des conditions largement analogues sont nécessaires pour le secteur financier traditionnel comme pour les FinTech, conformément à la règle selon laquelle, pour une industrie donnée, une réglementation et une surveillance identiques doivent s’appliquer. De manière plus spécifique, il y a lieu de citer les éléments ci-après.
Une approche réglementaire fondée sur les risques devrait être cohérente tout au long du cycle de vie de l’innovation, en fournissant un cadre réglementaire proportionnel et simplifié, afin que les établissements traditionnels et les nouveaux acteurs du marché puissent, les uns comme les autres, expérimenter les nouvelles technologies et nouveaux modèles d’entreprise en interaction avec les autorités de réglementation. La création d’un cadre européen pour l’expérimentation, en collaboration avec l’industrie et les parties prenantes au sens large, y compris les représentants des consommateurs et ceux des travailleurs, fournirait les outils requis pour être paré à soutenir l’innovation dans toutes leurs activités («bac à sable» pour l’innovation au sein des FinTech).
Afin que les conditions de ce secteur correspondent à celles des tierces parties, il est nécessaire d’envisager de traiter les logiciels comme un actif immatériel, pour éviter de déduire des fonds propres de base les importants investissements dans l’informatique déjà réalisés par les entités installées dans l’Union européenne et de suivre ainsi l’exemple des systèmes bancaires suisse et américain ou du secteur des assurances.
La Commission européenne, l’Autorité bancaire européenne et les États membres doivent s’engager fermement à mettre en œuvre, de manière harmonisée et efficace, la directive révisée sur les services de paiement (DSP2), qui établit des critères de sécurité très stricts concernant l’introduction et l’exécution des paiements électroniques et la protection des données financières des consommateurs, en portant une attention toute particulière aux médias sociaux et aux géants du commerce.
Il convient que le plan d’action pour les services financiers de détail et le groupe ad hoc sur les services financiers (taskforce FinTech) examinent soigneusement les difficultés et les risques que la numérisation des services financiers induit pour les consommateurs, en garantissant une étroite coordination entre les directions générales de la justice et des consommateurs (JUST) et de la stabilité financière, des services financiers et de l’union des marchés des capitaux (FISMA), en particulier pour ce qui concerne les questions relatives à la protection des consommateurs, lorsqu’il s’agit, par exemple, de déterminer les types de données à utiliser pour évaluer la solvabilité, des moyens de garantir la compréhension des informations précontractuelles ou de la réalisation de contrôles d’identité efficaces, par une procédure de vérification.
Il conviendrait de transposer sur-le-champ les mesures reprises dans la proposition de modification de la directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux (directive antiblanchiment), en particulier celles contrant les risques de financement du terrorisme qui sont liés aux monnaies virtuelles et les dangers en rapport avec les dispositifs prépayés anonymes.
Il y a lieu d’encourager le financement participatif et d’autres pistes relevant de l’économie collaborative en explorant la possibilité de créer un «label de qualité» qui favorise la confiance des utilisateurs, afin de mieux développer les communautés virtuelles et de faciliter les interactions entre les clients coopératifs.
Il s’impose de soutenir l’introduction de solutions logicielles libres dans le secteur financier, afin de renforcer une concurrence commerciale saine, de réduire les coûts, et d’éviter la dépendance vis-à-vis des fournisseurs dans le secteur.
Afin de favoriser une réduction de la taille des bilans, il convient de traiter simultanément les règlements relatifs au crédit entre pairs.
La Commission doit soutenir le crédit hybride (fondé sur les exigences de fonds propres établies par Bâle 3).
Le CESE tient à souligner que la numérisation ne doit jamais se substituer aux conseils judicieux et personnalisés d’un conseiller humain compétent (il convient que le service de proximité, reposant sur un réseau d’agences adaptées, ne disparaisse pas!).
La maîtrise du domaine des FinTech requiert l’acquisition de nouvelles compétences par toutes les parties concernées, qu’il s’agisse des autorités de réglementation et de surveillance, des acteurs de l’écosystème financier ou de l’ensemble de la population. Afin de tirer parti de l’un des principaux avantages potentiels qu’offrent ces entreprises du point de vue de l’inclusion financière, les États membres de l’UE doivent développer l’éducation en matière de finances et les compétences numériques, en anticipant les nouveaux scénarios. Cette formation doit débuter dès l’école et inclure une information sur les produits financiers concernant la manière dont ils se présentent en ligne et leur relation avec le développement de l’internet des objets.
La numérisation du secteur financier menace de nombreux emplois, contraignant les travailleurs à mettre à jour leurs compétences et leurs qualifications. Le CESE recommande de prévoir l’apprentissage et le perfectionnement à deux niveaux: d’une part, en interne, en permettant aux travailleurs d’effectuer de nouvelles tâches et en jetant des passerelles entre les salariés du secteur financier qui travaillent actuellement dans les établissements «classiques» et ceux des FinTech et InsurTech, et, d’autre part, en externe, en préparant les salariés qui ne peuvent rester dans le secteur à décrocher un emploi dans d’autres domaines.
Le CESE demande que le Fonds social européen offre des programmes spécifiques de formation au titre de la nouvelle initiative phare «Coalition en faveur des compétences et des emplois numériques», afin de soutenir la remise à niveau et le recyclage de la main-d’œuvre du secteur financier et de la préparer ainsi à l’utilisation des nouvelles technologies numériques.
Le CESE invite les entreprises à imiter les codes de conduite et bonnes pratiques en matière de règlements internes qui posent des limites à l’obligation pour les salariés d’être en ligne à tout moment de la journée, ainsi qu’à émettre des recommandations qui les dissuadent de travailler durant les fins de semaine ou pendant leurs congés. Si les approches à base volontaire sont inopérantes, le CESE demande que des règles contraignantes soient édictées dans ce domaine.
Pour parvenir à relever tous ces défis, il est essentiel d’informer et de consulter en temps voulu, dans le respect des directives de l’UE sur l’information et la consultation des travailleurs. La Commission et les États membres se doivent de garantir le respect de la législation applicable et, en particulier, du droit des représentants du personnel à être associé aux changements mis en œuvre au sein des entreprises.
Le CESE recommande de renforcer et de compléter la proposition de directive sur la restructuration préventive et la seconde chance, car une entreprise pourra ainsi accéder plus facilement aux procédures de restructuration avant d’être déclarée insolvable d’une quelconque manière.