La crise des prix des denrées alimentaires: rôle de la spéculation et propositions concrètes d’action dans un contexte de guerre en Ukraine

EESC opinion: La crise des prix des denrées alimentaires: rôle de la spéculation et propositions concrètes d’action dans un contexte de guerre en Ukraine

Points clés

Le CESE:

  • attire l’attention sur la crise mondiale des prix alimentaires, qui a été exacerbée par la guerre en Ukraine. Les denrées alimentaires ne devraient pas être traitées comme un actif financier, étant donné qu’il ne s’agit pas d’un simple produit de base au même titre que beaucoup d’autres;
  • fait observer que la structure actuelle du marché des produits de base n’est pas à la hauteur de l’«économie durable dont nous avons besoin». Elle ne permettra pas d’atteindre les objectifs liés au développement durable, à l’ambition climatique et à la transition juste inscrits dans le programme des Nations unies à l’horizon 2030 et le pacte vert pour l’Europe, et joue en fait activement en leur défaveur. Il convient donc de la modifier par voie de réglementation afin de contribuer au bien-être de la population et au développement sociétal, en vue de la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD);
  • insiste sur la nécessité de traiter la question de la concentration dans la chaîne alimentaire et de la propriété financière; souligne que le commerce physique mondial de céréales est très concentré;
  • note que les fonds indiciels cotés et les fonds indiciels mutualisés, y compris ceux qui sont spécifiquement liés à l’alimentation et à l’agriculture, ouvrent de nouvelles filières d’investissements et de bénéfices financiers largement utilisées;
  • constate que les prix élevés et en hausse rapide ainsi que le secret qui entoure les actifs de stock créent de l’incertitude et alimentent la peur et la panique;
  • invite les États membres et les institutions de l’UE à renforcer la transparence du marché, notamment en incitant les acteurs participant à la spéculation à publier des déclarations ESG et des informations non financières, en s’assurant que chaque acteur à l’échelle mondiale fournisse des informations au système d’information sur les marchés agricoles (AMIS), y compris les pays et les acteurs privés, et en examinant plus en détail les transactions de gré à gré;
  • attire l’attention sur le fait que les marchés dérivés sur produits de base fournissent des services essentiels aux producteurs et aux utilisateurs de produits alimentaires de base, s’agissant notamment de la gestion des risques et de la fixation des prix, et que le fonctionnement de ces marchés est compromis par des activités spéculatives; invite instamment les États membres et les institutions de l’Union à prendre les mesures nécessaires pour enrayer la spéculation excessive sur les produits de base, notamment en: -

- réglementant le marché à terme, par exemple: réintroduire un marché réglementé pour les instruments dérivés basés sur des denrées alimentaires; introduire des restrictions strictes aux mouvements de prix et des limites de position quotidiennes dès que les activités de négoce sur les marchés à terme de produits de base présentent des anomalies; limiter l’accès aux instruments dérivés/à la couverture aux investisseurs et opérateurs du marché qualifiés et avertis qui sont réellement préoccupés par les produits de base agricoles sous-jacents; introduire des obligations contractuelles à court/moyen/long terme afin d’accroître la stabilité; et mettre en place des mesures d’incitation visant à encourager un renoncement des banques et des sociétés de fonds de gestion à toute spéculation financière sur les produits alimentaires de base;

- réglementant les indices (indices de produits de base et indices alimentaires), par exemple: réglementer et interdire les fonds indiciels sur les matières premières et la reproduction au moyen d’opérations d’échange et de produits indiciels cotés; mettre un terme à l’accès des acteurs impliqués dans la spéculation sur les denrées alimentaires aux fonds de placement publics/fonds mutualisés[1]; et interdire les opérations sur des produits de base d’origine agricole (par exemple les fonds, les fonds indiciels cotés) dans les portefeuilles d’acteurs institutionnels (par exemple les fonds de pension, les compagnies d’assurances);

- s’attaquant au problème de la financiarisation du secteur alimentaire, une activité extrêmement lucrative qui se fait au détriment des populations, par exemple en instaurant une taxation des bénéfices exceptionnels avant dividendes réalisés par les sociétés et une taxe sur la spéculation alimentaire[2] afin d’endiguer les transactions à haute fréquence, et en brisant les oligopoles à tous les niveaux de la chaîne et des intérêts financiers.

 


[1]            Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM).

[2]            Une taxe sur les transactions financières portant exclusivement sur la spéculation sur les denrées alimentaires. Voir ECO/321 «Taxe sur les transactions financières».