Le CESE réclame des sanctions sévères et cohérentes à l’encontre des employeurs de migrants en séjour irrégulier

Souvent source d’exploitation par le travail, l’emploi de migrants en séjour irrégulier constitue aussi un facteur d’attraction pour les activités de trafic de migrants, qui, chaque année, coûtent la vie à des milliers de personnes qui entreprennent de périlleux voyages pour rejoindre l’Europe. Face à ces deux pratiques criminelles, il convient d’agir avec détermination au niveau national comme européen.

Le Comité économique et social européen (CESE) a appelé les États membres à intensifier leurs efforts et à mettre en œuvre la directive de l’Union qui prévoit des sanctions à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

Dans l’avis qu’il a récemment adopté, le CESE a mis en garde contre les lacunes liées à la transposition et à la mise en œuvre de cette directive au sein de l’Union. La sévérité des sanctions varie considérablement d’un État membre à l’autre et, dans la plupart des cas, elles ne découragent guère le recrutement de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

La directive présente une autre faiblesse, à savoir qu’elle ne parvient pas à inciter les migrants à porter plainte officiellement contre leurs employeurs, du fait de leur crainte légitime et justifiée d’être renvoyés dans leur pays d’origine. En effet, les mécanismes de dépôt de plainte restent généralement inefficaces, en raison de l’absence d’informations détaillées ou utiles fournies dans les langues des migrants et parce que les inspections du travail sont trop rares.

Nous soutenons fermement la volonté de la Commission d’engager des procédures d’infraction à l’encontre des États membres s’ils persistent à ne pas fournir toutes les informations pertinentes sur la mise en œuvre des principales obligations énoncées dans la directive en matière de sanctions, d’inspections et de protection des droits des migrants, a déclaré Carlos Manuel Trindade, le rapporteur de l’avis.

Nous proposons également à la Commission d’examiner quelles sanctions peuvent être établies ou prises à l’encontre d’entreprises qui tirent sciemment profit des résultats d’activités illégales et criminelles, a-t-il ajouté. Cette réflexion peut être menée au titre de l’évaluation de la mise en œuvre de la directive, prévue d’ici à 2024.

Initialement adoptée en 2009, cette directive a récemment fait l’objet d’une communication de la Commission, qui vise à renforcer son application et à évaluer la nécessité de mesures supplémentaires, et s’inscrit dans l’approche plus générale du nouveau pacte sur la migration et l’asile.

Le CESE préconise que les pays de l’Union tirent parti du potentiel de toutes les sanctions prévues par la directive, en particulier les mesures administratives telles que la perte d’avantages publics, l’exclusion des marchés publics, le remboursement de subventions publiques, la fermeture temporaire ou définitive d’établissements, et le retrait des licences d’exploitation.

Le Comité estime que les États membres doivent appliquer des sanctions dissuasives, proportionnées et intégrées à leur cadre juridique. Les sanctions financières imposées aux employeurs de migrants en séjour irrégulier doivent être au minimum supérieures aux profits tirés de l’activité illégale.

À l’heure actuelle, ces pénalités varient entre 3 000 EUR et 43 000 EUR, tandis que les peines d’emprisonnement vont de 8 jours à 12 ans. Depuis 2014, pas moins de 11 pays de l’Union ont modifié leur législation pour augmenter le montant de l’amende infligée.

Le CESE recommande par ailleurs que les migrants qui signalent un emploi illégal aient accès à des permis de séjour et de travail réguliers, ce qui pourrait les inciter à coopérer avec les autorités afin de lutter contre le travail irrégulier et, ainsi, de mettre fin à leur exploitation.

En outre, il serait envisageable de veiller à ce que les inspections du travail ne soient pas menées en conjonction avec les autorités chargées de la migration, de sorte que les inspecteurs ne soient pas tenus de signaler la présence de migrants en situation irrégulière qui pourraient se trouver sur les lieux de travail inspectés.

Le CESE recommande également que les inspections du travail soient dotées des ressources nécessaires pour s’acquitter efficacement de leurs tâches, en renforçant les inspections dans les secteurs à risque.

Si, dans l’Union, l’emploi informel est estimé à 16,8 % de l’emploi total en moyenne, le nombre de travailleurs issus de pays tiers en séjour irrégulier est difficile à estimer et varie d’un pays à l’autre. Il semblerait que ce chiffre augmente lorsque la part de l’activité informelle est élevée.

S’il faut renforcer la directive relative aux sanctions à l’encontre des employeurs, c’est parce que le travail irrégulier attire souvent une migration irrégulière et qu’il peut être lié au trafic de migrants.

Dans un autre avis, le CESE a examiné le plan d’action renouvelé de l’UE contre le trafic de migrants (2021-2025). Il s’est félicité de l’approche globale proposée en la matière et a salué ce plan qui vient prolonger les travaux de l’Union pour lutter contre cette activité dangereuse et criminelle. Selon les données d’Europol, plus de 90 % des personnes entrées illégalement dans l’Union ont fait appel à des réseaux de passeurs à un moment ou à un autre.

Le nouveau pacte de l’UE sur la migration et l’asile fait de la lutte contre le trafic de migrants une priorité, car celui-ci a coûté la vie à des milliers de migrants, qu’il s’agisse de femmes, d’enfants ou d’hommes. Ce trafic bafoue les droits des migrants, tire profit des personnes qui cherchent à entrer dans l’Union et fait peser une menace sur la sécurité européenne.

La lutte contre le trafic de migrants ne peut jamais être dirigée contre les migrants eux-mêmes, ni contre l’aide humanitaire et l’assistance qui leur sont apportées. La solidarité ne saurait être criminalisée, a déclaré José Antonio Moreno Díaz, le rapporteur de l’avis. Nous avons conscience que la protection des frontières extérieures de l’Union est une priorité, mais elle doit toujours se faire dans le respect des droits de l’homme.

Le CESE estime qu’il est essentiel de lutter contre le trafic de migrants au moyen d’une approche axée sur l’ensemble de la route. Cela implique d’améliorer la coopération judiciaire et policière entre pays et avec les pays voisins, de renforcer les actions visant à prévenir l’exploitation des personnes victimes de trafic et à assurer leur protection, et de combattre l’emploi illégal et l’exploitation par le travail.

Le CESE a ainsi conclu que l’existence de canaux légaux et sûrs, ainsi que la défense du droit d’asile, étaient essentielles pour enrayer une grande partie de cette activité illicite.