Lors de sa session plénière de juillet, le Comité économique et social européen (CESE) a adopté un avis sur le dernier rapport annuel de la Commission européenne concernant la mise en œuvre des accords de libre-échange (ALE), qui porte sur l’année 2018. Le CESE y souligne le rôle essentiel du commerce pour «promouvoir une reprise économique durable, et permettre aux entreprises de reconstruire et de réorganiser leurs chaînes de valeur mises à mal». Dans le même temps, il regrette que les travaux de suivi menés par la société civile restent «largement absents» du rapport de mise en œuvre.
La pandémie de COVID-19 a des retombées sans précédent sur l’économie mondiale, et en particulier sur les échanges et l’investissement. Selon les estimations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le commerce mondial devrait enregistrer un recul de 13 % à 32 % en 2020. Toutefois, au-delà de ces chiffres, ce à quoi nous avons assisté ces derniers mois, ce sont des perturbations de grande ampleur dans les chaînes d’approvisionnement, des restrictions ponctuelles à l’exportation de biens importants en situation de crise, comme les fournitures médicales, un renforcement des contrôles douaniers et des contrôles aux frontières, ainsi que des restrictions à la libre circulation des travailleurs et des prestataires de services.
Dans son avis, le CESE enjoint aux institutions européennes de tirer certaines leçons importantes de la situation actuelle, concernant notamment la nécessité de restaurer des chaînes d’approvisionnement mondiales plus résilientes, plus diversifiées et plus responsables, et de mettre au point des mécanismes plus robustes afin d’«obtenir des résultats» dans le cadre d’une stratégie de commerce et d’investissement durables, dans toutes ses dimensions. Le CESE souligne aussi que la nouvelle stratégie commerciale de l’Union doit être «cohérent[e] avec le pacte vert et afficher une égale ambition en ce qui concerne la mise en œuvre et l’application effectives des dispositions en matière de travail».
La rapporteure du CESE, Mme Tanja Buzek, insiste sur ce point: Le CESE tire les leçons de la COVID-19 et préconise un nouveau modèle commercial qui soit économiquement résilient, plus respectueux de l’environnement, socialement durable et responsable.
Dans le même esprit, le corapporteur, M. Alberto Mazzola, met en avant la nécessité d’infléchir certaines tendances dangereuses qui mettent en péril la fluidité des échanges commerciaux mondiaux: Cette crise souligne l’importance d’une coopération mondiale et du processus de réforme de l’OMC pour assurer une organisation forte et efficace qui puisse agir face au protectionnisme et à l’unilatéralisme.
Des points à améliorer dans la mise en œuvre et les rapports des ALE
Dans son avis, le CESE demande à la Commission et aux États membres d’agir de concert pour améliorer l’utilisation des préférences commerciales, et il préconise une transparence accrue pour étendre l’accès des entreprises européennes aux marchés publics dans les pays partenaires.
Le CESE fait un accueil favorable au rapport annuel de la Commission sur la mise en œuvre des ALE, dans la mesure où il fournit une «vue d’ensemble complète et visible du réseau commercial de l’Union». Les membres du Comité estiment toutefois qu’il faudra en renforcer le potentiel informatif à l’avenir. Par exemple, la section consacrée au commerce des services n’est pas assez étoffée compte tenu de l’importance de ce secteur pour l’Union (25,2 % de son PIB) et elle n’est pas suffisamment détaillée. Il faudrait également porter une attention accrue à certains domaines ou groupes spécifiques, comme les consommateurs.
Recommandations en vue de renforcer le rôle de la société civile et le respect des dispositions en matière de commerce et de développement durable
Le CESE déplore tout particulièrement que les travaux menés par les groupes consultatifs internes (GCI) pour surveiller les effets des accords sur le commerce et le développement durable soient «largement absents» du rapport. Les GCI sont des organes à composition mixte qui incluent des représentants des organisations de la société civile et sont chargés de surveiller la mise en œuvre des chapitres consacrés au commerce et au développement durable dans les ALE signés par l’Union et ses partenaires.
Le CESE demande que les GCI soient «renforcés pour s’acquitter avec succès de leurs tâches de suivi» et fait part de ses inquiétudes «sachant que les chapitres sur le commerce et le développement durable ne comportent pas à ce jour d’instruments contraignants en matière de mise en œuvre». «Il faut donner bien plus d’effet aux recommandations formulées par les GCI et les mettre en relation avec le nouveau responsable européen du respect des règles du commerce. Les institutions compétentes de l’Union doivent par ailleurs mettre en place un dialogue structuré avec les GCI en matière de suivi», a indiqué Mme Buzek.
Les membres du CESE estiment que les prochains rapports pour 2020 et 2021 devraient contenir une évaluation «complète» des politiques dans l’environnement commercial de l’après-COVID-19 et des moyens de s’assurer que «celui-ci profite à tous». À cette fin, la Commission européenne devrait ériger en priorité la consultation des organisations de la société civile pour les futurs rapports sur la mise en œuvre des ALE, et le CESE se tient «prêt à y contribuer par son expérience sur le terrain».
Éléments de contexte
Dans sa communication de 2015 intitulée «Le commerce pour tous», la Commission européenne s’est engagée à rendre compte annuellement de la mise en œuvre des principaux accords commerciaux de l’Union européenne. Elle publie à présent le troisième rapport en la matière, et, pour la première fois, le CESE a formulé des recommandations.
Le rapport de 2019 fait le point sur la mise en œuvre de 35 accords commerciaux majeurs avec 62 partenaires, y compris sur la première année complète d’application de l’accord économique et commercial global (AECG) entre l’UE et le Canada. En outre, le rapport décrit les travaux entrepris avant l’entrée en vigueur de l’accord de partenariat économique UE-Japon, et comporte des chapitres consacrés spécifiquement aux PME, aux services et au commerce agroalimentaire.
À ce jour, l’Union dispose du plus vaste réseau commercial au monde, avec 44 accords commerciaux préférentiels couvrant 76 pays.
Le rapport vise à examiner l’effet des dispositions figurant dans les chapitres consacrés au commerce et au développement durable, lesquels font partie de tous les accords commerciaux de nouvelle génération conclus par l’Union, ainsi que les rapports sur les recours formés pour faire appliquer ces accords.