Lancement du 1er Forum de la société civile européenne sur le commerce et le développement durable

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En cette période cruciale pour le commerce et le développement durable, le Comité économique et social européen (CESE) a organisé le premier Forum de la société civile européenne sur le commerce et le développement durable (CDD). Cette plateforme réunissait des représentants de la société civile, du monde universitaire et des institutions européennes et internationales afin de débattre d’idées innovantes et de formuler des recommandations concrètes sur l’avenir de la politique commerciale de l’UE. L’événement a consisté en une série de séances de travail par petits groupes, portant sur des sujets liés au commerce et au développement durable, allant des droits substantiels à la bonne exécution, en passant par la surveillance, et plus encore. Les participants étaient invités à exprimer leur point de vue dans le double cadre du réexamen du plan d’action en 15 points et des derniers développements en matière de commerce et de durabilité dans les pays partenaires de l’UE.

Christa Schweng, la présidente du CESE, a réaffirmé l’engagement de celui-ci à jouer un rôle moteur dans un débat ambitieux sur le commerce et le développement durable, qui soit à la hauteur des attentes — importantes — de la société civile. Elle a par ailleurs fait référence aux défis géopolitiques actuels: La guerre en Ukraine, comme tant d’autres conflits, a un lien avec le développement durable: elle présente des enjeux en matière de ressources et de rapports de dépendance, dans un monde touché par le changement climatique. Mme Schweng a aussi fait remarquer qu’investir du temps et des efforts dans le commerce et le développement durable, qu’il s’agisse de mettre l’accent sur l’environnement, le travail ou le changement climatique, signifie investir dans notre sécurité collective.

Bernd Lange, président de la commission du commerce international du Parlement européen, a souligné quant à lui que le cadre mondial a changé, en raison de la pandémie de COVID-19 et de l’agression de l’Ukraine par la Russie. Le système multilatéral est en danger et il est clair qu’il convient de mettre davantage l’accent sur les accords commerciaux bilatéraux, a-t-il déclaré. Toutefois, il a fait valoir qu’il est d’une importance capitale d’apporter des améliorations au commerce et au développement durable, par exemple de ratifier les conventions fondamentales du travail de l’Organisation internationale du travail (OIT), de mettre en œuvre des feuilles de route concrètes sur le commerce et le développement durable (absentes de certains accords), de prévoir des sanctions dans le cadre de leur mécanisme d’application et de renforcer les groupes consultatifs internes (GCI), dont le rôle est unique en son genre.

Luisa Santos, de BusinessEurope, a souscrit à ce point de vue concernant une crise du multilatéralisme, mais a ajouté que nous ne devons pas renoncer, car nous avons besoin d’institutions multilatérales pour maintenir le dialogue, en soulignant que l’OMC a récemment pris un certain nombre d’initiatives en matière d’environnement. Elle a préconisé de garantir des conditions de concurrence équitables et souligné l’importance que revêtent le commerce et le développement durable pour les entreprises, en insistant sur le fait que celles-ci ont des ambitions élevées en ce qui concerne le changement climatique et les aspects sociaux. Revenant sur un point polémique soulevé précédemment dans le débat sur le commerce et le développement durable, elle a confirmé: Nous sommes prêts à parler de sanctions. Elle a également soulevé la question de l’équilibre, en s’interrogeant en ces termes: Que pouvons-nous obtenir de plus et comment pouvons-nous convaincre les pays tiers que les accords commerciaux leur sont également profitables? Mme Santos a par ailleurs plaidé en faveur d’une approche pluridisciplinaire pour intégrer les initiatives autonomes, les droits de l’homme et la protection de l’environnement en tant que principaux outils de la politique extérieure de l’Union, afin de promouvoir la durabilité au niveau mondial.

Daniele Basso, de la Confédération européenne des syndicats (CES), a plaidé en faveur d’une approche plus audacieuse en matière de droit du travail dans les accords commerciaux, qui, selon lui, sont encore loin de représenter une politique commerciale équitable pour les travailleurs. Un mécanisme amélioré de plainte en matière de commerce et de développement durable doit prévoir des sanctions à titre de dernier recours ainsi que des outils permettant de changer les choses sur le terrain, a souligné M. Basso, qui a par ailleurs exhorté l’Union à s’inspirer des modèles d’autres partenaires commerciaux, qui prévoient des clauses exécutoires en matière de droit du travail. Il convient d’accorder la même attention à l’amélioration des relations avec l’OIT en ce qui concerne les accords commerciaux, en œuvrant à des normes internationales. Toujours selon M. Basso, la crise de la COVID-19 et la guerre en Ukraine ne justifient pas de se précipiter vers davantage d’accords commerciaux bilatéraux sans un examen attentif des engagements en matière de commerce et de développement durable.

Pour Anaïs Berthier, de Client Earth, la politique commerciale de l’UE est trop isolée des autres politiques, comme celles en matière d’environnement et de climat. Elle a vivement plaidé pour que l’Union veille à ce que les décisions commerciales tiennent compte des normes en matière de droits de l’homme et réduisent l’empreinte environnementale. Les initiatives entreprises de manière autonome doivent garantir que les produits mis sur le marché de l’UE répondent aux critères de durabilité, a-t-elle souligné.

Maria Martin-Prat, directrice générale adjointe de la DG TRADE de la Commission européenne et responsable des travaux en cours sur le réexamen des chapitres CDD, a déclaré que la cohérence, si elle n’est pas l’objectif en soi, est ce qui est efficace et permet le changement. La préoccupation centrale est de garantir le respect des normes internationales telles que les conventions fondamentales de l’OIT ou l’accord de Paris, afin d’appliquer des normes à nous-mêmes et à nos partenaires, a précisé Mme Martin-Prat. Elle a insisté sur la nécessité d’un engagement mutuel fort, en soulignant qu’il n’y a pas lieu de rechercher une approche uniforme, et a fait valoir le rôle que joue le commerce dans la contribution au développement, étant donné que les pays en développement souhaitent également se développer de manière durable.

Jean-Marie Paugam, directeur général adjoint de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a souligné que les échanges commerciaux ne doivent pas constituer un obstacle aux politiques environnementales. En ce qui concerne le développement durable, nous disposons d’un mécanisme de notification des mesures commerciales et avons constaté que des mesures commerciales massives ont été mobilisées pour atteindre les objectifs environnementaux, a précisé M. Paugam, pour qui cela est révélateur d’un mouvement dans une direction plus durable. Il a également souligné l’importance, pour l’OMC, de la participation des parties prenantes et de la consultation de la société civile, domaine qui doit encore être amélioré, et il a dit accueillir favorablement toute idée qui permettrait de progresser à cet égard.

Tanja Buzek, présidente du comité de suivi du CESE sur le commerce international et rapporteure de l’avis du CESE sur le réexamen des chapitres CDD, a placé haut la barre concernant les attentes, en déclarant que nous devons adopter un nouvel état d’esprit pour atteindre nos priorités en matière de réexamen des chapitres sur le commerce et le développement durable, ce qui implique également de briser les cloisonnements. Un réexamen ambitieux doit comporter une approche rénovée de l’application de la législation passible de sanctions, avec un suivi renforcé par la société civile, l’utilisation d’instruments innovants et un renforcement de l’effet de levier pour le commerce et le développement durable. Mme Buzek a résumé les recommandations du CESE en ajoutant que cette fois, un document officieux ne sera pas suffisant. En particulier, renforcer le rôle de surveillance des GCI exige d’adopter un langage plus fort dans les accords eux-mêmes, un suivi régulier et structuré des recommandations et des canaux institutionnels ouverts, ainsi que de garantir les ressources nécessaires.

Ce n’est que le début de la conversation, ont conclu Mme Martin-Prat et Mme Buzek, en raison de l’importance qu’il y a de travailler et de se coordonner avec la société civile, mais aussi parce que nous devons réfléchir à comment la soutenir et comment elle peut elle-même soutenir les travaux de la Commission, faisant ainsi écho à l’ambition du CESE de transformer ce forum en un événement récurrent.

 

*Les enregistrements de l’événement seront bientôt disponibles sur le site web du Forum, ainsi qu’un résumé des principaux enseignements à tirer. Nous remercions les rapporteurs expérimentés et compétents des groupes de réflexion, du monde universitaire et des médias, qui ont veillé à ce que les problèmes et questions soulevés figurent dans le rapport.

 

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Launch of the 1st European Civil Society Forum on TSD