L’adaptation au changement climatique est essentielle pour protéger la vie et les moyens de subsistance des citoyens européens – Le CESE plaide en faveur d’une approche ambitieuse et systémique afin de veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte

L’Europe et le monde doivent se préparer aux effets inévitables du changement climatique. Si la COVID-19 a rendu les choses plus difficiles, elle a également créé une occasion sans précédent: la possibilité d’utiliser les fonds de relance de l’UE pour revitaliser l’économie tout en veillant à ce que l’UE soit résiliente au changement climatique et pleinement adaptée, et en assurant la neutralité climatique.

Le grand test commence cette semaine, le 22 avril, avec le sommet des dirigeants sur le climat, organisé par le président Biden à l’occasion de la Journée de la Terre, et le 23 avril, avec la réunion du Conseil des ministres de l’environnement de l’UE. Tous les regards se tournent vers nous. Le sommet virtuel vise à stimuler les efforts déployés par les grandes économies mondiales pour faire face à la crise climatique. Il est à espérer que les discussions se concentreront sur l’urgence et les avantages économiques d’une action plus forte en faveur du climat. Le 15 mars, le Comité économique et social européen (CESE) a organisé une audition à distance sur la Nouvelle stratégie de l’UE relative à l’adaptation au changement climatique, dans le cadre de la préparation du prochain avis du CESE sur le sujet, qui sera mis aux voix lors de la session plénière des 8 et 9 juin.

Il est clair que la Nouvelle stratégie d’adaptation de l’UE de la Commission est plus que bienvenue, conformément au pacte vert pour l’Europe, et montre que la transformation écologique est une opportunité. Nous disposons de plusieurs outils. Nous avons les ressources financières, il convient maintenant de commencer à investir dans l’adaptation. Toutefois, quatre choses nous font défaut: le temps, qui est épuisé; la coopération internationale, les États-Unis et la Chine devant encore se joindre au mouvement; les nouvelles technologies, dont nous ne savons toujours pas quelle influence elles auront sur l’adaptation; et le secteur privé, dont il convient d’encourager sérieusement l’investissement. La clé est de trouver des solutions concrètes pour adapter notre politique climatique, a souligné le rapporteur du CESE, Dimitris Dimitriadis.

La nouvelle stratégie d’adaptation est-elle suffisamment ambitieuse?

La Commission européenne a adopté cette nouvelle stratégie de l’UE relative à l’adaptation au changement climatique à la suite d’une évaluation réalisée en 2018 de la stratégie précédente qui remonte à 2013. Les conclusions de cette évaluation ont mis en évidence l’insuffisance des progrès réalisés, due aux lacunes dans les données, aux faiblesses dans la planification, le suivi, l’établissement de rapports et l’évaluation, à la lenteur des mesures qui résulte d’investissements publics et privés insuffisants, à l’incapacité à lutter contre les effets du changement climatique produits en dehors de l’UE, et à la nature non contraignante de l’engagement des États membres à l’époque. Cette fois, l’Europe n’a pas droit à l’erreur.

Lídia Pereira, députée au Parlement européen, a souligné certaines des lacunes de la nouvelle stratégie, affirmant qu’elle aurait dû aller plus loin: Il existe un important déficit de financement pour les investissements en faveur de la résilience au changement climatique en Europe. À l’instar du Fonds pour une transition juste, qui soutient la transition des régions vers l’abandon du charbon, le Fonds pour une adaptation juste devrait soutenir les régions touchées par le changement climatique, qui ne sont même pas responsables des dommages causés.

Le CESE demande que l’on accorde une importance égale au financement de l’atténuation et à celui de l’adaptation. Il est essentiel que toutes les politiques relatives au climat à tous les niveaux combinent des stratégies d’atténuation et d’adaptation, a expliqué Kęstutis Kupšys, corapporteur du CESE.

Sergiy Moroz, expert en adaptation au changement climatique au Bureau européen de l’environnement (BEE), a mis en évidence les préoccupations les plus notables exprimées dans le rapport d’évaluation du BEE: La stratégie ne prévoit pas les objectifs concrets et mesurables, les mesures et les délais juridiquement contraignants qui sont nécessaires à sa mise en œuvre effective et à la résilience de l’Union européenne au changement climatique.

La stratégie ne prévoyant pas de financement supplémentaire pour l’adaptation, nous devons absolument mieux utiliser les fonds existants (par exemple ceux de la politique agricole commune) et éviter toute mauvaise adaptation dans l’ensemble des secteurs, en particulier dans le secteur agricole. En substance, la stratégie d’adaptation est bonne, mais nous avons besoin d’outils supplémentaires. Si ces outils nous font défaut, ils peuvent toutefois encore être mis en place dans le cadre de législations à venir, telles que le paquet «Ajustement à l’objectif 55», la loi sur le climat, le train de mesures climatiques et la loi sur la restauration de la nature, a-t-il conclu.

Ne laisser personne de côté – Une adaptation au changement climatique fondée sur la justice climatique

Il est urgent de rechercher un meilleur alignement des politiques d’adaptation au changement climatique sur la justice climatique. Les défis à venir appellent à ne laisser personne de côté et à répondre d’abord aux besoins des plus vulnérables. À cet égard, le rôle actif des syndicats et du dialogue social dans l’action pour le climat est crucial, a souligné Isabel Caño Aguilar, présidente du groupe d’étude pour l’avis du CESE.

Ludovic Voet, secrétaire confédéral de la CES, a souligné que la stratégie ne protège pas les travailleurs et que la CES lutte pour qu’on y ajoute un chapitre sur l’adaptation liée au monde du travail. La santé et la sécurité des travailleurs en extérieur seront particulièrement touchées par la hausse des températures et de la fréquence des vagues de chaleur. En plus des nouveaux besoins en matière de compétences, une étude de la DG CLIMA montre que si aucune mesure d’adaptation n’est prise pour protéger l’emploi, 410 000 emplois pourraient être menacés d’ici à 2050.

Léna Prouchet, de Generation Climate Europe, a souligné que, bien que la stratégie indique clairement que l’exposition et la vulnérabilité inégales aux incidences du changement climatique aggravent les inégalités et les vulnérabilités préexistantes, elle ne les aborde pas comme il se doit.

La jeunesse sera l’une des catégories de la société les plus touchées par les conséquences du changement climatique. Néanmoins, la stratégie ne fait référence à la jeunesse qu’à deux reprises, et jamais en tant que partie de la solution. Nous avons recueilli les réflexions des jeunes de l’UE dans le cadre de l’élaboration d’un rapport de 2020 intitulé «Young Voices on Climate Justice» (Les jeunes s’expriment sur la justice climatique), et l’une des principales préoccupations des jeunes dans ce domaine est l’éco-anxiété.  Ils craignent pour leur avenir si le monde politique et la société dans son ensemble n’agissent pas maintenant, a-t-elle expliqué.

Antoine Lucic, analyste politique junior à l’Institut pour une politique européenne de l’environnement (IPEE), a souligné l’importance de ne plus attendre pour agir. Les conséquences seront différentes pour les personnes selon l’endroit où elles vivent et qui elles sont... les pays du sud subiront le changement climatique de plein fouet et les plus vulnérables seront les plus durement touchés. Pour vous donner un exemple: en Hongrie, pendant les vagues de chaleur de 2013 et 2017, l’approvisionnement public en eau d’une communauté rom a été coupé, touchant environ 2 000 personnes à chaque fois, a-t-il souligné.

Nous avons besoin de solutions davantage fondées sur la nature. Cependant, ces solutions étant dans l’air du temps, nous devons être vigilants et éviter les systèmes de compensation des entreprises. Lorsque les communautés ne sont pas associées à la conception des solutions (approche ascendante), le risque existe, même si l’intention est louable, de se retrouver dans des situations moins favorables qu’auparavant. À titre d’exemple, la plantation forestière en monoculture non indigène en Irlande n’a pas été considérée comme bénéfique ni pour la communauté, ni pour la biodiversité, a-t-il fait remarquer.

Principaux volets de la nouvelle stratégie d’adaptation – Proposer des solutions

La mise en œuvre de la stratégie d’adaptation de l’UE, ainsi que celle du pacte vert pour l’Europe, devrait faire l’objet d’une approche systémique tendant à poursuivre simultanément des objectifs multiples et à promouvoir des instruments politiques et des solutions technologiques susceptibles d’être utilisés dans les différents secteurs de l’économie.

Oana Neagu, représentante du COPA-COGECA, souligne que nous savons que la production de denrées alimentaires et de biomasse sera exposée à l’avenir à des phénomènes météorologiques encore plus extrêmes et à une hausse des températures. C’est la raison pour laquelle nos communautés agricoles et forestières ont déjà commencé à déployer des efforts considérables pour s’adapter à ces conditions climatiques en constante évolution, tout en garantissant la sécurité de la biomasse et la production de denrées alimentaires abordables. L’agriculture de précision en est un exemple. Pour pouvoir continuer à agir en ce sens à l’avenir, il est essentiel de veiller à ce que nous ayons des politiques cohérentes. Nous devons également investir, innover et coopérer plus intelligemment et plus rapidement, a-t-elle souligné.

Nos secteurs ont le potentiel d’intensifier considérablement les efforts d’adaptation et d’atténuation, d’absorber le CO2, de réduire les émissions et de stimuler durablement les économies rurales, et nous ne devons pas oublier qu’en Europe, nous avons les normes de durabilité les plus strictes. Pour cette raison, l’avenir de l’UE ne peut reposer sur une diminution de notre productivité et un déplacement de la production et de son impact sur le climat vers les pays tiers, a-t-elle déclaré.

La coopération internationale est également essentielle et doit être fondée sur les engagements de l’accord de Paris, sans compromettre la sécurité alimentaire.

Jean-Eudes Moncomble, président du conseil du développement durable, SGI Europe (services d’intérêt général), a expliqué que lorsque nous parlons d’adaptation, nous sommes à la traîne en matière de connaissances, raison pour laquelle il est si important de partager les connaissances et le savoir-faire afin de trouver les meilleures solutions. Il est clair que réduire les émissions de carbone implique de devoir faire moins d’efforts en termes d’adaptation. Malheureusement, nous sommes à un stade où nous ne pouvons pas non plus éviter de mettre en œuvre des politiques d’adaptation.

Une autre préoccupation importante en matière d’adaptation concerne les ressources en eau. L’eau est vitale pour la vie humaine, l’agriculture et l’énergie. Le changement climatique a une incidence sur la production d’énergie chaque fois que, par exemple, des sécheresses surviennent, mettant en péril la fourniture de ces services d’intérêt général aux citoyens et à la société dans son ensemble. Cela donne une idée de l’importance du problème. Les politiques doivent être plus inclusives.

L’adaptation devient une priorité dans la prise de décision politique

Cette stratégie dote l’UE des outils, des objectifs et de la vision nécessaires à l’émergence d’une société européenne résiliente au changement climatique et pleinement adaptée à celui-ci d’ici à 2050, a souligné Elena Višnar Malinovská, chef de l’unité «Adaptation» à la DG CLIMA. Elle poursuit quatre objectifs principaux: une adaptation plus intelligente, plus rapide et plus systémique, et le renforcement de l’action internationale en faveur de la résilience au changement climatique. Elle est combinée à plusieurs instruments, tels que la loi sur le climat (qui statue sur des dispositions très importantes en matière d’adaptation), le pacte pour le climat (qui nous permet d’approfondir l’intégration verticale, du niveau urbain au niveau individuel) et les stratégies en faveur de la biodiversité, pour les forêts et de protection des sols, pour boucler la boucle. En imaginant un nuage de mots relatif à la stratégie, cela donnerait: eau, impact, action, risques et solutions, autant de mots qui constituent l’essence même de la stratégie, a-t-elle ajouté.

La stratégie de l’UE relative à l’adaptation au changement climatique est également un dossier très important pour la présidence portugaise du Conseil, dont elle est l’une des priorités, mais aussi pour le trio de présidences (Allemagne, Portugal, Slovénie).

Patrícia Lopes, attachée à l’environnement de la présidence portugaise du Conseil, a souligné que l’adaptation n’est plus une question qui ne concerne que les pays du Sud, c’est un problème européen et mondial. Nous avons un calendrier très ambitieux, avec une réunion informelle des ministres de l’environnement le 23 avril, axée sur l’adaptation et la gestion de l’eau, au cours de laquelle nous invitons les États membres à partager des exemples concrets et à passer d’un point de vue théorique à un point de vue pratique. Nous accorderons également de l’importance à l’aspect international. De plus, le sommet UE-États-Unis sur le climat débutera le 22 avril et il est temps que l’Europe prenne l’initiative en matière d’adaptation, comme nous l’avons déjà fait avec l’atténuation, et qu’elle commence à préparer la COP 26.

Markku Markkula, rapporteur de l’avis du Comité des régions sur l’adaptation au changement climatique, souligne que l’action locale est essentielle. La clé est de créer une feuille de route pratique qui définisse de nombreuses actions à entreprendre dans le cadre d’un engagement politique aux niveaux national, régional et municipal avec les industries. C’est par exemple ce que nous avons fait dans la région d’Helsinki en vue de se débarrasser du charbon en moins de dix ans. Nous continuons à l’utiliser, mais nous augmentons la part des biocarburants et de la géothermie, renouvelons les procédés et récupérons la chaleur provenant des centres de données et des eaux usées. En Finlande, la moitié des fonds destinés à la relance seront verts, et nous visons la neutralité carbone d’ici à 2035, a-t-il conclu.

Phoebe Koundouri, professeur d’économie environnementale à l’université d’Athènes, a formulé quelques observations finales en soulignant que pour être en mesure d’accélérer l’adaptation, il est nécessaire de se concentrer sur l’aspect financier. Nous devrions utiliser les structures existantes, le pacte vert et les fonds pour la reprise et la résilience pour financer l’adaptation. Nous avons également besoin d’une approche fondée sur l’innovation systémique et de la participation des parties prenantes. Les mesures juridiquement contraignantes sont essentielles et devraient faire l’objet d’un suivi, et le financement devrait être lié aux fonds, de manière à ce que la mise en œuvre soit finalement réalisée.