La répression du dialogue avec la société civile ne saurait avoir droit de cité dans l’Union européenne

Le Comité économique et social européen (CESE) a exhorté les institutions de l’UE à faire preuve d’une tolérance zéro à l’égard de l’attitude et des pratiques des États membres qui entravent le travail de la société civile et réduisent l’espace civique en Europe.

Pour contrer cette tendance, garantir la pleine participation de la société civile à toutes les étapes de l’élaboration des politiques et préserver la démocratie participative en Europe, le CESE invite l’UE à prendre un certain nombre de mesures, comme le non-versement des fonds européens aux États qui ne respectent pas les valeurs de l’Union.

Dans un avis intitulé Le rôle des organisations de la société civile en tant que gardiennes du bien commun dans le cadre de la relance à l’issue de la pandémie, qui a été adopté lors de sa dernière session plénière en mai, le CESE a déclaré que la société civile européenne demeurait confrontée à de nombreux obstacles majeurs et que son espace était considérablement réduit dans certaines contrées de l’UE, alors même qu’elle a joué un rôle essentiel pour atténuer les effets de la pandémie et qu’elle a apporté une aide exemplaire aux réfugiés ukrainiens dès le premier jour de l’agression russe.

La société civile a joué un rôle moteur pour aider notre société à traverser la pandémie de COVID-19. Et aujourd’hui, la crise ukrainienne met clairement en évidence la valeur et l’importance qu’elle revêt pour nos démocraties. La société civile a montré à quel point elle pouvait être réactive, flexible et créative. Crise après crise, nous constatons qu’elle s’adapte, qu’elle est réceptive aux besoins des citoyens, qu’elle ne craint pas le danger et qu’elle est prête à relever tout défi, quelle que soit son ampleur, a déclaré Ioannis Vardakastanis, rapporteur de l’avis.

Maintenant que la société civile est sur le point de jouer un rôle essentiel dans l’élimination des effets désastreux de la crise de la COVID-19, opération qui nécessitera la participation de toutes les composantes de la société, l’UE doit veiller à ce qu’un dialogue s’instaure avec les décideurs politiques, l’absence d’un tel dialogue étant l’un des principaux obstacles auxquels la société civile européenne est confrontée à tous les niveaux.

Un autre obstacle est l’absence de participation significative de la société civile aux processus décisionnels relatifs aux grandes politiques et à la législation. Dans le cadre de l’élaboration de son avis, le CESE a organisé des auditions dans plusieurs États membres, lesquelles ont fourni de précieuses informations sur la coopération entre les autorités nationales et locales d’une part, et les acteurs de la société civile d’autre part.

Dans certains États membres, il existe une longue tradition en matière de coopération entre les décideurs politiques, la société civile et les partenaires sociaux, alors que dans d’autres, ce n’est pas le cas. Certains États membres tentent même de restreindre l’espace dévolu à la société civile, a déclaré M. Vardakastanis.

Le CESE considère que les institutions de l’UE doivent faire preuve d’une «tolérance zéro» à l’égard de cette attitude et réagir «avec fermeté et sans compromis», étant donné que l’inclusion de la société civile dans le processus d’élaboration des politiques est indissociable des valeurs et des traités de l’UE. Il convient de mettre en place des règles juridiques aux niveaux européen et national afin d’éliminer ces pratiques.

Dans l’Union européenne, le dialogue social et le dialogue avec la société civile ne doivent subir aucune forme de répression. Le respect des valeurs de l’Union devrait être une condition préalable pour que les États membres reçoivent un financement européen», a souligné M. Vardakastanis.

Parmi les autres mesures que propose le CESE figurent l’adoption d’un accord interinstitutionnel sur le dialogue civil, l’élaboration de lignes directrices et de normes communes en matière de droit d’association et la définition du statut participatif, dont l’UE n’a pas encore doté les associations et ONG européennes.

La reconnaissance et la promotion du rôle des associations et des ONG dans le cadre de l’Union européenne seraient également très bénéfiques pour améliorer le partenariat entre les décideurs politiques et la société civile au niveau de l’UE. Les organisations de la société civile devraient bénéficier d’un soutien financier et technique de la part des autorités européennes, locales et nationales pour développer leurs activités sans pour autant compromettre leur indépendance.

De l’avis du CESE, pour respecter les valeurs de l’Union européenne, il ne suffit pas de s’ouvrir au dialogue avec la société civile; il faut également soutenir ses travaux, même lorsqu’elle émet des critiques concernant les politiques menées par le gouvernement ou qu’elle s’oppose à lui sur le plan politique. Selon le CESE, les États membres qui n’acceptent le dialogue qu’avec des organisations spécialement sélectionnées et favorables au gouvernement, en se contentant de “cocher des cases”, sont aussi coupables de pratiques non démocratiques que les gouvernements qui ne s’engagent pas du tout avec la société civile.

Plans nationaux pour la reprise et la résilience — un exemple

La situation actuelle est loin d’être idéale.

Le dialogue entre la société civile et les décideurs politiques est souvent superficiel, car ces derniers ne comprennent pas les différents besoins des divers groupes sociaux, en particulier ceux des personnes issues de milieux vulnérables et défavorisés, dont ils sont dès lors incapables de servir les intérêts.

En outre, la consultation de la société civile et des partenaires sociaux est trop souvent réduite au rang de formalité, quand ces acteurs ne sont pas purement et simplement invités à entériner des propositions une fois que le processus est déjà quasiment achevé.

Les plans nationaux pour la reprise et la résilience (PNRR) en sont un exemple. En dépit de l’obligation claire qui leur est faite d’associer la société civile à l’élaboration de ces plans, de nombreux États membres ont semblé réticents à le faire et sont passés outre ou n’ont associé la société civile que de manière superficielle.

Nous sommes confrontés à des évolutions inédites et nous nous trouvons à l’aube d’une ère nouvelle dans laquelle le rôle de la société civile et des partenaires sociaux doit faire l’objet d’un examen et d’un suivi continus afin de garantir qu’ils se trouvent au cœur de ces évolutions, a conclu M. Vardakastanis.