Fonds européen pour la compétitivité : un tremplin pour des champions européens et des conditions de concurrence équitables

La mise en place d’un instrument de financement au service de politiques qui favorisent la compétitivité était depuis longtemps une demande du monde de l’entreprise en Europe. La compétitivité est enfin devenue la boussole pointant la direction vers laquelle l’économie de l’Union européenne doit faire cap. Dans le prolongement de la «boussole pour la compétitivité» et d’initiatives concrètes telles que les trains de mesures omnibus sur la simplification, la proposition relative au Fonds européen pour la compétitivité (FEC) marque pour l’Europe un pas en avant important pour retrouver sa place aux premiers rangs de l’économie mondiale.

L’approche globale qui est celle du FEC, à savoir agir pour la prospérité en soutenant la compétitivité, la durabilité des entreprises et la résilience de l’économie, doit être considérée comme hautement louable, car elle est ambitieuse et pourrait permettre d’apporter des réponses aux problèmes qui se posent pour l’Union. Le financement vise donc, à juste titre, à renforcer l’innovation, les compétences, les capacités technologiques et la productivité, mais aussi l’accès aux ressources, l’adoption de solutions par le marché et leur développement à plus grande échelle. Cependant, il faudra aussi que cette orientation soit maintenue avec constance dans les futures décisions de financement.

Le FEC est un instrument flexible et innovant, conçu pour relever rapidement des défis communs. Sa réussite dépendra de l’équilibre qui sera trouvé entre une approche axée sur les résultats et l’intégration de plusieurs programmes existants dans quatre volets d’action. Toutefois, de tels volets ont souvent pour effet de cloisonner l’action, ce qui pourrait limiter les perspectives intersectorielles, s’agissant par exemple des technologies de rupture et des innovations à double usage. Pour que le FEC reste efficace, il faudra coordonner l’approche de ces quatre volets, en assurant focalisation et prévisibilité pour les bénéficiaires. Cela ne pourra se faire qu’en coopération étroite avec les représentants des entreprises, dont la voix devra être entendue au moment de prendre les décisions. Leur contribution doit aider à définir des critères d’attribution communs et transparents, fondés sur la compétitivité, l’excellence et le potentiel économique, et complétés par des critères spécifiques pour chaque domaine thématique.

Le FEC a pour objectif d’augmenter son impact en catalysant les investissements d’acteurs privés et institutionnels, et de rendre les instruments de financement plus flexibles et mieux intégrés. Pour combler le déficit de financement, le FEC doit travailler de concert avec les investisseurs privés et dans un environnement qui encourage l’innovation, l’investissement et le commerce. Établir un lien entre le financement du FEC et les fonds levés sur les marchés financiers et les marchés des capitaux — dans une logique de validation par le marché — pourrait contribuer à mobiliser davantage de capitaux. Ce faisant, le FEC pourrait aussi contribuer à l’intégration des marchés des capitaux et à la création d’une union de l’épargne et de l’investissement. Les organisations professionnelles jouent un rôle essentiel dans le bon fonctionnement de ce processus.

Outre le fait qu’elle ne prévoit pas de critères généraux d’attribution, la proposition reste vague à plusieurs endroits en ce qui concerne les objectifs spécifiques du soutien, laissant le champ libre à des décisions arbitraires et à des manœuvres pour défendre des intérêts particuliers. Dans le même temps, le FEC devrait s’abstenir de favoriser des secteurs ou des entreprises spécifiques, ce qui pourrait fausser la concurrence. Le FEC devrait au contraire promouvoir des conditions de concurrence équitables dans l’ensemble de l’Union et entre les acteurs économiques. Les «compléments en faveur des projets importants d’intérêt européen commun» sont un bon outil pour garantir que les États membres bénéficient des mêmes possibilités et pour encourager la coopération.

L’objectif premier du FEC est de promouvoir des champions européens. Or, celui-ci ne pourra être atteint qu’à la condition que la participation des PME à leurs chaînes de valeur soit rendue possible et encouragée. Si la priorité donnée aux PME et aux petites entreprises à moyenne capitalisation est louable, une segmentation plus précise est nécessaire pour pouvoir répondre à leurs besoins spécifiques. Avec pour visée de mieux protéger les intérêts des PME dans l’accès au financement, un réseau de «médiateurs financiers» devrait être créé dans les États membres et coordonné au niveau de l’Union. Le «conseil en matière de projets» doit être développé avec le réseau des représentants des PME et leurs organisations représentatives, tant au niveau européen qu’au niveau national. Dans ce contexte, on ne voit pas clairement quel type de valeur ajoutée la création d’un nouveau «Réseau de l’UE pour les entreprises» pourrait offrir.

Qui plus est, le rôle et l’utilisation de l’outil de coordination de la compétitivité dans le contexte du FEC appellent davantage de clarté. Les partenaires sociaux devraient aussi être associés au processus de coordination, y compris lorsque des décisions de partenariat public-privé sont adoptées. Il convient par ailleurs de définir clairement les rôles et mécanismes de sélection des différents comités et conseils consultatifs.

En conclusion, le FEC constitue un instrument innovant pour promouvoir la compétitivité. Pour en libérer tout le potentiel, il convient, dans le cadre de sa mise en œuvre, d’y définir clairement les rôles décisionnels et la coopération entre la Commission européenne et les États membres. La simplification doit être intégrée dans tous les éléments du FEC — dans sa structure, dans les programmes de travail, dans les procédures de demande et d’attribution — et facilitée par de solides systèmes numériques. Pour profiter au mieux de la conception tout en souplesse du FEC, il faudra aussi changer les mentalités au niveau de l’administration et y associer activement les parties prenantes.

Par Milena Angelova, membre du groupe des employeurs du CESE et Rapporteur de l'avis INT/1101 Fonds pour la compétitivité.