Recyclage durable, utilisation des matières premières secondaires et transition juste dans l’industrie européenne des métaux ferreux et non ferreux

EESC opinion: Recyclage durable, utilisation des matières premières secondaires et transition juste dans l’industrie européenne des métaux ferreux et non ferreux

Les secteurs des métaux ferreux et non ferreux constituent une partie importante de l’écosystème industriel de l’Union européenne. Les métaux sont largement présents dans une grande variété de produits utilisables sur le court comme le long terme. L’acier fait partie des secteurs stratégiques essentiels de l’Europe et joue un rôle crucial dans la fourniture de produits et de services à un large éventail d’écosystèmes industriels européens. L’industrie européenne de l’acier est à l’origine de 330 000 emplois directs et de quelque 2,27 millions d’emplois indirects. On estime que 12 tonnes d’acier par personne sont actuellement utilisées dans l’Union. Cette industrie est présente partout en Europe, avec plus de 500 sites de production dans 23 États membres.

L’Union souhaite atteindre la neutralité climatique d’ici 2050. L’objectif d’une économie avec zéro émission nette de gaz à effet de serre (GES) se trouve au cœur du pacte vert pour l’Europe et est conforme à l’engagement en faveur d’une action mondiale pour le climat que l’Union a pris dans le cadre de l’accord de Paris.

Parallèlement aux efforts déployés pour atteindre cet objectif, il convient également de s’efforcer de veiller à ce que ces objectifs ambitieux ne viennent pas compromettre la compétitivité voire l’existence même de l’industrie européenne et de ses chaînes de valeur, car cela aurait pour résultat de mettre en danger ses employés ainsi que, du fait des conséquences très diverses qui en découleraient, la société européenne dans son ensemble.

La stratégie industrielle de l’Union admet que les secteurs à forte intensité énergétique sont indispensables à l’économie européenne et indique que la Commission soutiendra les technologies de pointe pour la production d’acier propre, l’objectif étant un procédé d’élaboration de l’acier «zéro carbone». Elle met également en évidence l’importance de la création de nouveaux marchés pour les produits neutres pour le climat issus de l’économie circulaire, tels que l’acier.

Une augmentation substantielle des matières premières minérales sera nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques de l’Union. Selon l’Agence internationale de l’énergie, d’ici à 2050 la demande devrait être multipliée par six par rapport à la situation actuelle. Pour atteindre ces objectifs, cet approvisionnement doit être durable. De ce fait, plutôt que de se reposer sur les matières premières primaires, il convient de favoriser autant que possible le recyclage dans l’Union.

Le récent pacte vert pour l’Europe, le nouveau plan d’action pour une économie circulaire et la résolution A9-0008/2021 du Parlement européen sur le même sujet donnent des indications sur la manière dont l’Union peut atteindre ses objectifs en matière de circularité, d’efficacité des ressources et de climat. À cet égard, le pacte vert et le plan d’action pour une économie circulaire mettent en évidence l’importance de la transformation intérieure des déchets produits dans l’Union — le recyclage des déchets.

La disponibilité de matières premières secondaires récupérées à partir de déchets est en réalité fondamentale pour que l’Union puisse i) satisfaire la demande intérieure, ii) réduire sa dépendance aux matières premières vierges et iii) garantir une transition effective vers une économie neutre pour le climat et véritablement circulaire.

À ce titre, la stratégie industrielle de l’Union et la communication sur la résilience des matières premières critiques soulignent toutes deux l’importance du maintien et de la poursuite des activités de la chaîne de recyclage européenne — des déchets jusqu’aux nouveaux produits finis — sur le continent.

Le secteur de l’acier contribuera en effet grandement à l’accomplissement des objectifs que l’Europe s’est fixés pour 2050. Grâce à leurs propriétés uniques, les métaux ferreux et non ferreux peuvent être recyclés à l’infini. Leur forte capacité de recyclage est largement reconnue et durable. En outre, le modèle économique de l’industrie est en réalité circulaire par nature, car la ferraille d’acier est un composant nécessaire à la fabrication d’acier neuf dans chacune des quelque 500 aciéries d’Europe. Plus la quantité de ferraille de qualité pouvant être utilisée dans la production d’acier est importante, moins il faut recourir à des matières premières et de l’énergie, ce qui permet de réduire les émissions. L’acier, par exemple, est naturellement circulaire puisqu’il peut être recyclé encore et encore sans perdre en qualité. Actuellement, 84 % de l’ensemble des emballages en acier mis sur le marché en Europe sont recyclés en de nouveaux produits en acier (2019).
Les métaux ont, par conséquent, le potentiel de boucler complètement la boucle, pour autant que la ferraille ne soit ni exportée ni mise en décharge. En outre, l’efficacité de la collecte et du tri des matériaux constitue encore une autre condition préalable à la disponibilité, tout comme la qualité de la ferraille en Europe ainsi que l’efficacité et la durabilité du recyclage.

Dans le cadre des efforts de décarbonation actuellement déployés par l’Union, la disponibilité de la ferraille, qui fait partie intégrante de la transition bas-carbone, est amenée à gagner en importance. Par conséquent, le succès des efforts de décarbonation de l’Europe, ainsi que la mise en place d’une véritable économie circulaire pour l’ensemble des secteurs des métaux ferreux et non ferreux dépendent également de la disponibilité suffisante des matières premières récupérées à partir de déchets qui alimentent le procédé de recyclage utilisé dans la production de nouveaux métaux. La disponibilité et la qualité constituent pour le moment des facteurs limitants pour l’utilisation à grande échelle de ferraille par les secteurs. À cet égard, les volumes exportés vers d’autres régions du monde pourraient être facilement absorbés par l’Union, ce qui permettrait d’augmenter l’autonomie de l’Europe en matière de ressources en préservant celles qui figurent dans la liste des matières premières critiques de l’Union ou qui sont utilisées dans ses chaînes de valeur stratégiques.

Toutefois, la situation est encore loin d’être idéale. L’Union reste l’un des principaux exportateurs de déchets vers des pays tiers.  En 2019, par exemple, elle a exporté près de 36 millions de tonnes de déchets. En réalité, la majorité de ces flux de déchets finissent leur voyage dans des pays où les obligations en matière d’environnement, de travail, de santé publique et de sécurité sont bien moins strictes que les normes européennes, ce qui donne finalement lieu à des émissions de GES bien plus élevées, sans compter les autres conséquences qui en découlent. Dans ce contexte, la révision en cours du règlement nº 1013/2016 sur les transferts de déchets de l’Union s’avère très importante.

Les exportations de déchets métalliques de l’Union et de leurs produits dérivés risquent ainsi de nuire à l’environnement ainsi qu’à la santé des régions en développement. La transformation à l’étranger de déchets métalliques, qui auraient pu être traités dans l’Union dans le respect de normes environnementales plus élevées en produisant moins d’émissions de CO2, ne constitue la plupart du temps pas une option durable. Il n’est pas uniquement question de la disponibilité, mais également de la qualité de la ferraille, qui, comme souligné dans le rapport du plan d’action pour une économie circulaire 2.0 adopté par le Parlement en février dernier, revêt une grande importance. Dernier point, mais non des moindres, le fait d’exporter la ferraille dans des pays tiers à des fins de recyclage plutôt que de la recycler dans l’Union n’a pas uniquement pour effet de produire des émissions supplémentaires et substantielles de CO2.

En soutenant le pacte vert pour l’Europe, les dirigeants européens se sont engagés à faire en sorte que la transition nécessaire s’accompagne d’une transition juste. Outre la nécessité pour le secteur de devenir plus écologique, celui-ci fait également face à de grandes difficultés, telles que la stagnation de la demande (une situation qui pourrait évoluer compte tenu de l’importance de l’acier pour l’écologisation de l’économie), les distorsions des échanges internationaux et la pandémie en cours qui a interrompu les chaînes d’approvisionnement et eu des répercussions sur les secteurs en aval.

L’adoption du Fonds pour une transition juste (FTJ) en juin 2021 a marqué une étape importante. Dans les rapports par pays du Semestre européen de 2020, la Commission a proposé de placer le secteur de l’acier parmi les priorités de l’aide du FTJ dans six États membres. Toutefois, la portée et l’ampleur du FTJ sont trop limitées, car les ressources ne constituent qu’une partie du problème. Le lien à une boîte à outils réelle garantissant des transitions sans heurts pour les entreprises et les travailleurs individuels est presque inexistant. Le passage de la théorie à des plans et des mesures concrets pour les secteurs s’accompagne d’un besoin urgent de soutenir ces entreprises et leurs travailleurs tout au long de la transition vers la décarbonation et la numérisation de notre économie et de notre société.

Les documents de travail des services de la Commission, publiés récemment et intitulés «For a resilient, innovative, sustainable and digital energy-intensive industries ecosystem: Scenarios for a transition pathway» (Pour un écosystème résilient, innovant, durable et numérique des industries énergivores: scénarios de trajectoires vers la transition) et «Towards competitive and clean European steel» (Cap vers un acier européen compétitif et propre) constituent des points de départ utiles. Le présent avis pourrait par conséquent également aborder la manière dont l’industrie de l’acier de l’Union peut maintenir les niveaux d’emploi, créer et établir un système professionnel et de formation visant la reconversion et le perfectionnement de la main-d’œuvre actuelle (et devenir plus attractive pour les futurs travailleurs) avec la participation des écoles et des institutions d’enseignement publiques nationales ou régionales.

La CCMI possède, grâce à l’expérience qu’elle a acquise auprès des sites de production de métal de l’Union et de leurs communautés, toutes les compétences requises pour élaborer un avis qui traite des principaux aspects et besoins des secteurs et qui contient des recommandations claires et utiles à l’intention des institutions européennes, des États membres et des gouvernements régionaux dans le cadre d’un dialogue social productif et efficace entre partenaires sociaux.