Priorité à la démocratie : ce programme européen renforce le rôle du CESE

Le lancement du «bouclier de la démocratie européenne», le 12 novembre dernier, marque un tournant dans la défense par l’Union européenne de ses infrastructures démocratiques face à la désinformation, aux ingérences étrangères et à la manipulation de l’opinion publique. À une époque où, de plus en plus souvent, les plateformes numériques et l’IA générative déterminent la manière dont les Européens pensent, votent et s’engagent, la démocratie elle-même a besoin de nouvelles formes de protection.

Les opérations de manipulation de l’information et d’ingérence de l’étranger, en particulier celles qui sont menées depuis la Russie, se sont sophistiquées et mêlent désormais propagande, tactiques informatiques et manipulation des médias sociaux. Ces campagnes ne se contentent pas de dénaturer les faits: elles sont conçues pour miner la confiance de l’opinion publique dans les institutions démocratiques. Dans le même temps, les plateformes dirigées par des algorithmes privilégient le scandale par rapport à l’exactitude, et amplifient le tapage en étouffant les débats qui reposent sur la raison. La désinformation voyage désormais plus vite que la vérité, abandonnant les sociétés à la polarisation et les citoyens au cynisme.

La réponse de l’Europe réside dans ce bouclier de la démocratie européenne: il s’agit d’un cadre destiné à réparer, renforcer et pérenniser la démocratie. Il ancre la liberté d’expression dans la responsabilité, la transparence et l’intégrité numérique, ce qui témoigne de la détermination de l’Union européenne à protéger la sphère publique aussi bien des ingérences malveillantes que de l’opacité systémique.

Reposant sur trois piliers, à savoir préserver l’intégrité de l’espace de l’information, renforcer les institutions démocratiques et l’indépendance des médias et favoriser la résilience de la société et l’engagement civique, ce bouclier précède le Centre européen pour la résilience démocratique, un nouveau pôle créé pour détecter les menaces et coordonner les réactions entre les États membres. Le système d’alerte rapide sera également mis à niveau au moyen d’outils plus rapides et plus intelligents, pour lutter contre les prochaines vagues de désinformation.

Et, point essentiel, le bouclier s’attaque à un sujet tabou: celui de l’intelligence artificielle (IA). De nouvelles lignes directrices européennes fixeront des limites à l’utilisation de l’IA dans les campagnes politiques, en restreignant la manipulation algorithmique avant qu’elle ne puisse fausser les résultats électoraux.

Lancée parallèlement au bouclier, la stratégie de l’Union européenne pour la société civile répond à la préoccupation démocratique plus profonde concernant le rétrécissement de l’espace dévolu à la société civile en Europe. Les organisations de la société civile de tout le continent font l’objet de lois restrictives, de déficits de financement et de harcèlement. Cette nouvelle stratégie réagit par des garanties juridiques plus solides, des cadres de financement pluriannuels et des mécanismes destinés à structurer le dialogue et la participation.

À cet égard, le Comité économique et social européen (CESE) joue un rôle central, en contribuant à l’organisation de la plateforme de la société civile et en établissant des liens entre les citoyens, la société civile organisée et les responsables politiques de l’Union européenne. Son engagement souligne un principe fondamental: la résilience démocratique repose non seulement sur des garanties institutionnelles, mais également sur une participation civique active.

Le bouclier de la démocratie européenne est un appel à agir collectivement. Aucune institution ni aucun État membre ne peut lutter seul contre la désinformation numérique. Celle-ci exige une approche sociétale globale, qui rassemble les gouvernements, les institutions européennes, les médias, les entreprises technologiques et la société civile.

Le modèle démocratique de l’Europe repose sur la transparence, l’équité et les droits, et il ne saurait être considéré comme acquis. Il doit être défendu et réinventé, pour s’adapter à une ère numérique où la confiance est fragile et l’information volatile. Dans ce nouveau climat géopolitique, le bouclier sert à la fois de blindage et de feuille de route, qui permettent de tester la capacité de l’Europe à s’adapter, à innover et à garantir que la démocratie se développe dans un contexte de révolution numérique.

Christa Schweng, membre du groupe des employeurs du CESE