Enseignements tirés de la pandémie: la conférence du CESE souligne la nécessité d’investir dans la santé publique

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L’Union européenne doit non seulement améliorer la préparation de son système de santé, mais aussi lutter contre les inégalités au sein de l’Union et au niveau mondial. Elle doit rapidement entreprendre l’évaluation des mesures prises à ce jour en matière de santé publique.

Le thème «Les défis sanitaires de l’Union européenne dans le contexte de la pandémie» a fait l’objet d’une conférence de haut niveau organisée par le Comité économique et social européen (CESE) le 31 mars, qui était axée principalement sur les enseignements à tirer de la pandémie de COVID-19.

La conférence a rassemblé de hauts fonctionnaires des institutions européennes, de hauts représentants de la présidence française du Conseil, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), des universitaires et des organisations de la société civile actives dans le domaine de la santé.

En ouverture de la conférence, Christa Schweng, présidente du CESE, a déclaré: En tout premier lieu, il est essentiel d’améliorer la capacité de l’Union à prévenir et à détecter les menaces transfrontières en matière de santé et à s’y préparer en vue de les gérer efficacement. Cet objectif peut être atteint en renforçant les systèmes de santé dans tous les pays de l’UE afin de les rendre plus résilients. Nous avons besoin d’investir davantage, y compris dans la prévention, et il nous faut accorder un rôle plus important aux soins de santé primaires.

Margaritis Schinas, vice-président de la Commission européenne et orateur principal lors de la conférence, a rappelé l’expérience amère qu’a vécue l’UE au début de la pandémie. Au moins aujourd’hui, contrairement à 2020, nous savons désormais quel cap suivre, a déclaré M. Schinas. Et d’ajouter: Mais nous devons tout d’abord continuer à œuvrer en faveur de l’autonomie stratégique de l’Europe et à garantir notre approvisionnement en ressources critiques. Il a fallu une pandémie pour se rendre compte que dans l’UE, on ne fabrique pas d’équipements de protection individuelle, de masques ni de respirateurs. Et nous ne voulons pas que de telles pénuries d’équipements de protection vitaux se reproduisent à l’avenir.

Il a souligné que l’UE avait déjà créé une Autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire (HERA), sur le modèle d’un exemple américain, qui garantira la préparation de l’UE en cas d’urgence sanitaire.

Michel Kazatchkine, membre du groupe indépendant de l’OMS sur la préparation et la riposte à la pandémie, a déploré que la communauté internationale ait tardé à mettre en œuvre les enseignements tirés de grandes épidémies antérieures, dont le SRAS et la grippe porcine. M. Kazatchkine a souligné la nécessité d’un leadership plus fort et d’une coordination à tous les niveaux, sans oublier la négociation rapide du traité sur les pandémies. Nous devons investir dans la préparation dès maintenant et non lorsque la prochaine crise éclatera, a-t-il ajouté. Nous avons besoin d’une plateforme prénégociée pour produire des vaccins, des moyens de diagnostic, des traitements et du matériel médical. Cela nous évitera de devoir négocier qu’une fois que les fournisseurs nous auront présenté des produits prêts à être mis sur le marché.

Andrea Ammon, directrice du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), a souligné que la pandémie n’était toujours pas terminée. Nous constatons toujours une circulation très élevée du virus dans plusieurs pays et un nombre élevé de cas, mais le taux de mortalité reste faible grâce aux vaccins. Cependant, le taux de vaccination stagne depuis la fin de l’année dernière, a expliqué Mme Ammon. Elle a indiqué que c’est précisément parce que de nouvelles vagues de COVID-19 peuvent survenir qu’il est d’autant plus urgent de procéder à une évaluation solide des décisions sanitaires prises à ce jour par les autorités publiques. Mme Ammon a fait valoir, par exemple, que si la vaccination obligatoire est une mesure susceptible d’entraîner une augmentation momentanée du nombre de personnes vaccinées, il s’agit à long terme d’une mesure très polarisante.

L’erreur la plus grave: confinement draconien et absence de preuves issues d’études randomisées

Les scientifiques qui ont participé à la conférence ont critiqué certaines des mesures prises pour enrayer la pandémie, telles que les confinements majeurs, les fermetures d’écoles et les obligations vaccinales, qui, selon eux, ont un effet extrêmement négatif sur l’éducation, le traitement de maladies autres que la COVID-19 et la confiance du public. Ils ont également noté que, malgré un nombre sans précédent de travaux sur la COVID-19, pour une grande partie de la recherche afférente, le niveau de qualité laissait à désirer et que des recherches des plus indispensables n’avaient jamais été réalisées.

Peter C. Gøtzsche, directeur de l’Institut pour la liberté scientifique au Danemark, a affirmé que depuis le début la pandémie jusqu’à maintenant, nous n’avons jamais réalisé un seul essai randomisé dans le cadre duquel nous avons comparé les confinements de grande ampleur avec des confinements plus limités». «C’est une occasion manquée et nous ne devrions pas reproduire cette erreur la prochaine fois, a déclaré M. Gøtzsche.

John Ioannidis, professeur à l’université de Stanford, a appelé à tirer les leçons de l’action passée et à mettre davantage l’accent sur des mesures de distanciation physique plus ciblées à l’avenir. Il est très probable que nous aurons à nouveau cet automne et cet hiver un nombre élevé de cas, mais cela ne signifie pas qu’il faudra revenir à un confinement draconien, a déclaré M. Ioannidis. Nous avons besoin de mesures que la société pourrait tolérer sur des durées beaucoup plus longues.

Tous deux se sont opposés à des approches normatives généralisées ciblant l’ensemble de la société et sont favorables à la lutte contre les facteurs associés à la mortalité du fait de la COVID-19, tels que le tabagisme, l’obésité et les dysfonctionnements des systèmes de santé. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, 8,6 millions de décès par an sont attribués à des soins de santé médiocres ou à la non-utilisation des services de santé, a fait valoir M. Ioannidis.

La conférence a mis en évidence les inégalités sociales en matière d’accès aux soins de santé dans les situations d’urgence, qui ont également une incidence sur l’efficacité du traitement des maladies non transmissibles. Il existe une forte dimension de genre dans les inégalités en matière de santé, et la pandémie a fait régresser de plusieurs années les résultats obtenus dans le domaine des droits des femmes, avec des répercussions particulières sur la santé mentale, la santé liée à la procréation et la violence fondée sur le genre, a déclaré Ines Bulic Cojocariu, directrice du Réseau européen pour la vie autonome.

La conférence a fait écho au débat mondial sur la propriété intellectuelle et les vaccins. Tania Buzek, présidente du comité de suivi «Commerce international» du CESE, a attiré l’attention sur l’inadéquation entre le cadre de la propriété intellectuelle établi au titre de l’accord sur les ADPIC (le cadre de l’OMC pour la propriété intellectuelle) et les besoins des citoyens pour ce qui est des réponses aux menaces sanitaires d’ampleur mondiale telles qu’une pandémie. Antony Taubman, de l’OMC, a quant à lui fait valoir que d’autres questions se posaient également, notamment l’approvisionnement en matériel médical et le transfert de technologies, lesquelles doivent être examinées du point de vue de l’accès aux vaccins en plus de l’aspect de la propriété intellectuelle. Seuls ces facteurs, considérés ensemble, permettent de déterminer si les pays ou les particuliers auront accès aux technologies de la santé.

L’importance de la santé en tant que bien public essentiel a également été mise en exergue, tout comme la bonne mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe, qui est susceptible d’améliorer la santé des citoyens et de contribuer à éviter de futures pandémies.

Jérôme Weinbach, du ministère français de la solidarité et de la santé, a souligné que, s’agissant de la santé, la présidence actuelle du Conseil met l’accent non seulement sur les questions liées à la COVID-19, mais aussi sur la santé au travail. Nous insistons sur la prévention et la lutte contre les cancers liés au lieu de travail, a conclu M. Weinbach. Nous voulons protéger les travailleurs, y compris leur santé mentale, aux côtés de nos partenaires sociaux.