Le Comité économique et social européen (CESE) a organisé un événement pour étudier quelles méthodes de mesure autres que le produit intérieur brut (PIB) pourraient aider l’Union européenne à réussir son redressement et à bâtir une économie durable et résiliente.
L’Union européenne a besoin d’indicateurs susceptibles de compléter le PIB pour affronter et surmonter les défis mondiaux du XXIe siècle, tels que le changement climatique, la pauvreté et l’épuisement des ressources, tout en favorisant la santé et en améliorant la qualité de vie. De tels indicateurs devront constituer des instruments aussi bien pour le présent que pour l’avenir car ils ne devront pas seulement servir à suivre et mesurer l’état actuel des choses mais aussi à informer la prise de décision, améliorer la communication et aider à formuler des objectifs.
La section «Union économique et monétaire et cohésion économique et sociale» (ECO) a ainsi procédé le 3 novembre à une audition au cours de laquelle des experts issus de la société civile organisée et du monde universitaire, ainsi que des décideurs politiques, ont débattu des indicateurs de bien-être et de développement qu’il conviendrait d’envisager pour compléter les indicateurs économiques plus traditionnels.
Donnant le ton de la manifestation, Stefano Palmieri, président de la section ECO, a fait état de la nécessité de mieux intégrer de nouveaux indicateurs dans la prise de décision politique à l’échelon européen et national pour permettre à l’Union européenne de sortir plus forte de la crise de la COVID-19, tout en étant capable d’affronter les chocs futurs grâce à une résilience accrue: Les nouvelles priorités européennes qui se sont cristallisées au cours de l’année passée, telles que la transition numérique et climatique et la nécessité d’incorporer des critères d’ordre environnemental, social et de gouvernance à tous les niveaux de la prise de décision, ont déjà mis en relief combien sont nécessaires des indicateurs “qui vont au-delà du PIB”. La crise de la COVID-19 et les mesures de relance font de cette nécessité une urgence en vue de bâtir un avenir européen résilient et durable.
Dans le monde, le PIB est la principale mesure de l’activité macroéconomique, à laquelle les décideurs politiques et sociaux n’ont cessé de recourir des années durant dans le débat public. Toutefois, il n’a pas été conçu pour mesurer de manière exhaustive la prospérité et le bien-être.
Faisant état des nouveaux défis qui se présentent et de la nécessité d’asseoir la résilience face à de nouvelles crises et menaces, Janusz Pietkiewicz, président du groupe d’étude pour l’avis que le CESE élabore actuellement sur cette question, a fait valoir: Dans un monde actuel caractérisé par un large accès aux outils numériques dans la communication sociale, de nouveaux indicateurs sont essentiels pour mieux poursuivre les objectifs de développement durable ambitieux que se sont fixées les Nations unies, pour évaluer les incidences des activités économiques sur l’environnement et pour lutter contre le changement climatique. Ils jouent également un rôle déterminant pour numériser et écologiser l’économie et pour programmer les changements fondamentaux dans le cadre de la cohésion sociale en faveur du bien-être et d’une meilleure qualité de vie.
En bref, de nouveaux indicateurs pourraient aider l’Union européenne à réussir à se redresser et lui permettre de se doter d’une économie durable et résiliente. Dans ce contexte, Petru Sorin Dandea, rapporteur de l’avis du CESE mentionné précédemment, a relevé que les investissements dans la cohésion de la société, le développement durable, le capital humain et social et la qualité de vie seront essentiels pour ouvrir des perspectives aux entreprises modernes, en stimulant à l’avenir l’emploi, la richesse et la croissance durable. Ceci implique que des indicateurs qui vont au-delà de PIB doivent pouvoir faire davantage que de simplement suivre et mesurer: ils doivent informer la conception des politiques, améliorer la communication et aider à formuler des objectifs
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Prenant la parole au nom de la DG ECFIN de la Commission européenne, Alessio Terzi a déclaré qu’il était indispensable de se départir d’une exploitation intensive des ressources de notre planète et que de nouveaux indicateurs étaient nécessaires pour mesurer la qualité de la croissance, laquelle se doit d’être écologique.
Dans le même ordre d’idées, Romina Boarini, du centre pour le bien-être, l’inclusion, la soutenabilité et l’égalité des chances de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a souligné que la notion de prospérité au-delà du PIB impliquait de mesurer ce qui importe réellement, à savoir qu’en sus de la performance économique, elle doit prendre en compte le bien-être et le progrès social, l’inclusion, les politiques centrées sur les personnes et en fin de compte, la durabilité.
Pour ce qui est des partenaires sociaux, Malthe Munkøe, de BusinessEurope, a mis en avant la nécessité de disposer d’une gamme d’indicateurs qui correspondent à nos priorités et qui nous donnent une image claire de ce qui nous intéresse, à savoir l’état du monde, sans pour autant perdre de vue que le PIB est un moyen important de mesurer la capacité d’une économie à créer de la valeur ajoutée.
Liina Carr, représentante de la Confédération européenne des syndicats (CES), a relevé que s’il existait d’ores et déjà beaucoup d’indicateurs qui vont au-delà du PIB, les politiques actuelles n’en tenaient toutefois pas vraiment compte et qu’il importait par conséquent de s’accorder sur une panoplie de tels indicateurs pour les intégrer dans la nouvelle architecture de la gouvernance économique et sociale de l’Union européenne.
Jonathan Barth, de l’institut allemand ZOE pour des économies prêtes pour l’avenir, a ajouté que la tâche de dépasser le cadre du PIB consistait à créer une économie du bien-être capable de se régénérer et résiliente, et il a esquissé, en s’appuyant sur le modèle économique de la théorie du donut, un cadre susceptible de réussir à concilier la durabilité, le bien-être et la résilience et les priorités du progrès économique.
En dernier lieu, Ester Asin, du bureau des politiques européennes du Fonds mondial pour la protection de la nature (WWF), a mis en évidence les limites des méthodes de mesure qui se fondent uniquement sur le PIB et elle a fait valoir que pour reconstruire en mieux après la pandémie, nous devions faire en sorte de ne pas revenir aux anciennes routines mais plutôt de nous engager sur la voie d’un changement fondamental de nos modes de vie. Au regard des liens très étroits qu’entretiennent les aspects sociaux et environnementaux, progresser et réussir ne consiste pas seulement à produire mais aussi à faire valoir ce qui nous est cher au sein de la société, à savoir la qualité de vie et le bien-être.
Les constats et les conclusions de cette audition iront à présent nourrir l’avis du CESE dont les recommandations seront reprises dans le débat organisé à l’échelle européenne dans le cadre de la conférence sur l’avenir de l’Europe.