European Economic
and Social Committee
Les médias ont un rôle majeur à jouer dans la réduction de la stigmatisation liée au handicap liée au handicap
Une audition du CESE attire l’attention sur la nécessité d’adopter une approche fondée sur les droits de l’homme en matière de handicap dans les programmes d’information et de divertissement, afin de construire une société plus inclusive qui voit la personne, et non son handicap
Les médias européens proposent souvent une image des personnes handicapées qui ne présente qu’une dimension et qui suscite un sentiment de pitié, une image forgée par des mythes et des idées fausses. En outre, leur offre de programmes d’information et de divertissement répondant aux critères de pleine accessibilité est encore insuffisante. Il leur reste dès lors un long chemin à parcourir pour qu’on puisse dire qu’ils communiquent de manière exacte et inclusive au sujet du handicap.
L’audition publique intitulée «Communiquer les droits des personnes handicapées», qui s’est tenue au Comité économique et social européen (CESE) à Bruxelles, a porté principalement sur le rôle pivot joué par les médias en matière de sensibilisation aux droits des personnes handicapées et de lutte contre la stigmatisation et les préjugés dont ces personnes sont victimes, qui s’insinuent toujours dans tous les aspects de la société européenne.
La communication sur les droits des personnes handicapées doit être considérée comme une partie importante d’une problématique plus large concernant la manière dont nous représentons la diversité de notre société dans son ensemble. Il s’agit de l’épicentre de nos valeurs démocratiques
, a déclaré Ioannis Vardakastanis, membre du CESE, qui ouvrait l’événement.
L’audition a réuni des membres du CESE et des représentants des différentes organisations non gouvernementales qui défendent les intérêts des personnes handicapées. L’Union européenne de radio-télévision (UER) et l’institut pour la diversité des médias (MDI), un organe de surveillance des médias qui encourage une couverture médiatique responsable de la diversité, étaient également représentés.
L’une des principales critiques formulées par les intervenants à l’égard des médias est qu’ils ne s’investissent pas suffisamment pour rendre compte de manière pertinente et exacte des problèmes qui touchent les personnes handicapées et ont une incidence directe sur elles-mêmes ou leurs familles.
À l’inverse, les médias abordent généralement le handicap sous l’angle de la charité, pour susciter un sentiment de pitié. On observe également une tendance à dépeindre ces personnes de manière puérile ou stéréotypée, voire à en faire des super-héros aux prises avec la vie quotidienne, pour que le public s’inspire de leurs exploits.
Lorsqu’il y a un vide d’informations sur un sujet particulier dans le discours public, c’est la porte ouverte aux inexactitudes, stéréotypes et généralisations, qui s’enracinent et créent des dommages considérables
, a déclaré Adam Harris, de l’association AsIAm.ie, une organisation caritative nationale irlandaise qui vient en aide aux personnes autistes.
Par exemple, si une personne apprend que vous êtes autiste, elle va soit mettre immédiatement un plafond de verre au-dessus de votre tête et présumer que vous êtes inapte à faire certaines choses, soit imaginer que vous disposez d’une sorte de super-pouvoir, et qu’il est probable que vous décrochiez un prix Nobel,
a déclaré M. Harris.
Les histoires exagérément inspirantes ne sont là que pour faire en sorte que les personnes sans handicap se sentent elles-mêmes mieux. Il s’agit d’une pratique discriminatoire, mais qui est très répandue et nous éloigne des véritables enjeux
, a ajouté André Felix, du Forum européen des personnes handicapées (FEPH).
Il a souligné l’importance des programmes de divertissement, car les émissions télévisées peuvent influencer la manière dont les gens façonnent leur vision du monde. Selon M. Felix, l’emploi d’un nombre accru de personnes handicapées dans les médias, tant à l’image qu’hors de l’écran, pourrait contribuer à faire mieux entendre leur voix et à décrire leur réalité avec plus d’exactitude.
Le projet multimédia appelé «Heartbreakers», géré par la fondation tchèque de soutien à l’emploi des personnes handicapées, constitue un bon exemple d’illustration de la réalité vécue par les personnes handicapées. Il a été présenté au cours de l’audition par Zdena Štěpánková. Il consiste en une série de vidéos de courte durée racontant l’histoire d’une personne handicapée à la fois de son point de vue et de celui de son employeur.
Les personnes handicapées sont également victimes de discrimination en ce qui concerne le droit à l’accès à l’information, car de nombreux médias ne sont toujours pas accessibles aux personnes présentant divers types de handicaps. Toutefois, le nombre de médias offrant des services accessibles est en augmentation, du moins en ce qui concerne les radiodiffuseurs publics des États membres.
Une enquête réalisée en 2016 auprès de la moitié des membres de l’UER a révélé que 80 % de leurs programmes étaient sous-titrés et que beaucoup s’engageaient à atteindre 100 % des programmes dans un proche avenir, a rapporté Wouter Gekiere, de l’UER.
Sur les 36 radiodiffuseurs sondés, 30 ont indiqué qu’ils offraient une audiodescription de 13 % de leurs programmes en moyenne, et 32 ont spécifié que 4 % de leurs programmes pouvaient être visionnés en langue des signes. Douze membres de l’UER ont rendu compte, dans leurs rapports annuels, de la prise en considération du handicap et de l’accessibilité.
M. Gekiere a souligné l’importance des financements de l’UE, tels que ceux d’Horizon Europe, qui devraient être utilisés pour promouvoir l’innovation dans le domaine de l’accessibilité.
Si la BBC sert de référence aux autres radiodiffuseurs pour ce qui est d’offrir des services accessibles et d’augmenter le taux d’employés handicapés, d’autres radiodiffuseurs publics peuvent également se vanter d’avoir des programmes non seulement accessibles, mais aussi de qualité, qui combattent la stigmatisation et créent des récits positifs dans le but de favoriser l’inclusion. On peut citer notamment le programme comique belge intitulé «Taboe» (Tabou) ou le documentaire irlandais de la RTÉ «What makes my day».
Les intervenants ont convenu qu’il reste encore beaucoup à faire aux niveaux réglementaire et politique en ce qui concerne la communication des droits des personnes handicapées. Il serait notamment souhaitable d’adopter un code de conduite sur la manière de rendre compte du handicap et de réglementer les médias sociaux aux niveaux européen et national.
Il est essentiel de former les journalistes. Il importe de travailler avec les universités et les départements de journalisme pour enseigner le journalisme inclusif
, a déclaré Milica Pešić, du MDI.
Les journalistes devraient également apprendre à utiliser un langage approprié et une terminologie correcte lorsqu’ils interviennent sur le handicap.
Au niveau de l’UE, toutes les institutions devraient avoir une politique spécifique sur la manière de communiquer sur les droits des personnes handicapées, dans le plein respect de la Convention des Nations unies relative à ces droits. Il devrait y avoir des initiatives pour enseigner aux journalistes la façon de faire des reportages sur le handicap.
De même, les organisations qui luttent pour faire entendre la voix des personnes handicapées doivent s’adapter aux contraintes du journalisme actuel, où des journalistes moins nombreux s’efforcent de couvrir toujours plus d’informations et de respecter davantage les délais pour un salaire moindre.
C’est la raison pour laquelle les informations fournies aux journalistes doivent être claires et intéressantes, et autant que possible dénuées de jargon compliqué.
Nous avons un sérieux problème lorsque nous présentons notre matériel aux organes de presse, car il est souvent considéré comme trop compliqué ou ennuyeux
, a déclaré Andrew Stroehlein, de Human Rights Watch. Les questions dont nous parlons sont trop importantes pour que nous les dévalorisions. Il est possible d’offrir des actualités intéressantes qui briseront le moule et empêcheront les médias de parler du handicap à travers des clichés
, a-t-il conclu.