Le volontariat: une chance pour la société, mais aussi pour chacun d’entre nous

L’action des bénévoles va bien au-delà des services apportés à la population, elle joue aussi un rôle essentiel pour promouvoir les valeurs européennes et créer de meilleures perspectives d’avenir pour l’Union européenne.

Partout dans l’Union européenne, les activités bénévoles se sont multipliées durant la pandémie de COVID-19, et de nouvelles évolutions sont apparues en matière de volontariat qui vont dans le sens de l’évolution du monde du travail. Une audition organisée au CESE a mis en lumière le fait que les responsables politiques européens avaient dû intervenir pour soutenir le travail bénévole, et veiller à ce que celui-ci profite autant que possible à la société, tout en respectant le droit du travail et en protégeant les bénévoles.

L’audition intitulée Le volontariat – les citoyens construisent l’avenir de l’Europe a été organisée dans le contexte de la préparation de l’avis sur cette même thématique, dans lequel le CESE entend mettre en évidence le potentiel du volontariat pour le développement social et économique, et faire un certain nombre de suggestions quant à la manière d’améliorer les conditions du volontariat pour amplifier autant que possible son impact.

Le temps est venu d’ouvrir grand nos yeux et de clamer haut et fort que l’avenir de l’Europe ne sera pas construit par des décideurs, des responsables politiques ou des organisations de la société civile, mais par des citoyens et des citoyennes, des bénévoles actifs – par des personnes qui consacrent leur temps libre au profit de la société, a déclaré Krzsysztof Pater, rapporteur de l’avis.

L’objectif de l’avis sera également d’inciter la Commission, le Parlement, le Conseil et les États membres à agir davantage pour élaborer et adopter des politiques qui soutiennent plus efficacement les activités des bénévoles au sein de l’Union.

Le volontariat n’est pas un sujet neuf, mais nous voulons le voir figurer en meilleure place dans l’ordre des priorités, a jugé Gabriela Civico, directrice du Centre pour le volontariat européen (CEV) et experte pour l’avis.

De l’adoption de la première résolution du Parlement européen sur le volontariat en 1983 à la mise en place du corps européen de solidarité en 2017, le chemin parcouru est considérable. Le champ d’application du volontariat s’étend désormais officiellement aux bénévoles âgés via une plateforme spécialement dédiée. Ce faisant, l’on s’écarte de la perception selon laquelle le volontariat serait principalement l’apanage des jeunes, pour s’orienter vers une approche qui veut que chacun soit partie prenante.

En 2021, qui marque le dixième anniversaire de l’Année européenne du volontariat, le CEV a élaboré un projet pour le volontariat européen 2030 dans le but de faire avancer le programme politique et de mieux faire comprendre aux responsables l’importance capitale du bénévolat pour la société européenne.

Le volontariat est un acteur essentiel de la transformation sociale. Il accompagne l’inclusion sociale et la solidarité. Il est le support d’une citoyenneté active, de la résilience des populations et de l’engagement social. Il met en valeur le partage des responsabilités et porte haut les valeurs européennes, a fait observer Gabriela Civico. Il permet à chacun de contribuer sans intermédiaire au développement de l’Europe à laquelle il aspire.

Le bénévolat bénéficie aussi directement aux volontaires eux-mêmes, en particulier lorsque ceux-ci sont défavorisés ou appartiennent à des groupes potentiellement menacés, tels que les chômeurs, les demandeurs d’asile, les réfugiés, les migrants, les personnes âgées ou handicapées.

Le volontariat contribue à améliorer la santé et le bien-être des volontaires, et il leur donne la possibilité d’acquérir des compétences et des connaissances susceptibles d’améliorer leur carrière et leurs perspectives d’emploi, a rappelé Mme Civico.

Par exemple, le modèle pour les CV Europass contient désormais une section où les demandeurs d’emploi peuvent rendre compte de leur expérience en tant que bénévoles, ce qui devrait contribuer à enrichir l’expérience professionnelle acquise dans l’exercice d’un emploi rémunéré.

Toutefois, un cadre juridique approprié devrait être mis en place pour veiller au respect du droit du travail, de sorte que le travail bénévole ne vienne pas remplacer les emplois rémunérés, contribue à réduire le revenu des salariés ou devienne une source de profit pour les employeurs. Il convient également de veiller à ce que le volontariat soit inclusif, de sorte que chacun se voit reconnaître le droit d’y accéder. À ce propos, Mme Civico a expliqué que les chômeurs devraient être autorisés à se porter volontaires sans perdre leurs allocations sociales, et qu’il conviendrait d’allouer suffisamment de ressources pour le volontariat en investissant suffisamment en amont pour assurer une bonne gestion des volontaires et garantir un service de qualité.

Cet aspect est d’autant plus important que de nouvelles formes de volontariat sont apparues en conséquence de l’évolution de la société et du monde du travail. Il s’agit, par exemple, du volontariat non formel, du volontourisme, du volontariat auto-organisé assisté par des solutions numériques ou encore du volontariat familial.

Nos cadres juridiques devraient être adaptés à ces nouvelles formes de volontariat — un volontariat de qualité doit rester notre horizon d’attente, a affirmé Tina Divjak, l’autrice principale de l’étude du CESE sur L’évolution future de la société civile dans l’Union européenne d’ici 2030(2018), et la cheffe de plaidoyer pour CNVOS (Slovénie).

Toutefois, le volontariat est fortement affecté par les différentes évolutions qui ont une incidence sur la société civile. Mme Divjak souligne que le rétrécissement de l’espace civique dans le contexte de montée du populisme en Europe entraîne une chute des possibilités de volontariat, et tend à rendre les gens plus individualistes et plus enclins à s’engager dans un travail bénévole ponctuel.

Nous constatons une véritable flambée du volontariat spontané stimulée par l’internet et les médias sociaux, mais surtout démultipliée par les différentes crises qui se sont succédées, a expliqué Lucas Meijs, professeur à l’École de gestion de Rotterdam (université Erasmus), et auteur de l’étude sur le volontariat européen commandée par le CESE. Une autre tendance que l’on observe de plus en plus, ce sont les offres de volontariat initiées par des tiers, tels que des entreprises ou des établissements d’enseignement, auxquelles chacun peut répondre en fonction de ses disponibilités ou du type de compétences recherchées.

Le volontariat familial a également le vent en poupe. Il s’agit de situations où plus d’une personne par ménage participe à des activités de volontariat menées dans une gamme variée de domaines, tels que les arts ou la culture, l’action de proximité, l’aide aux personnes vulnérables ou encore le soutien à diverses activités environnementales.

Diana Bere, directrice de projet Erasmus+ pour Pro Vobis en Roumanie, a expliqué que le volontariat familial nous aidait à mieux comprendre les perspectives intergénérationnelles et interculturelles. Il se révèle particulièrement bénéfique pour les enfants, car il leur permet de se familiariser avec différents problèmes et, en leur donnant les moyens de grandir en citoyens actifs, de devenir partie intégrante de la recherche de solutions.

Nous sommes amenés à mieux connaître des questions qui concernent de près nos territoires, mais aussi celles qui touchent le monde entier. Le volontariat familial peut contribuer à l’apprentissage tout au long de la vie, car il est indissociable de notre capacité à apprendre. En soutenant une cause, nous exprimons notre engagement passionné pour une valeur que nous défendons, a-t-elle souligné.

Toutefois, si le volontariat est une idée générale, la participation volontaire est elle déterminée par le nombre de bénévoles, ou d’énergies bénévoles, disponibles dans un pays donné, lesquels peuvent être influencés par un certain nombre de facteurs institutionnels.

Les taux de volontariat qui sont traditionnellement hauts ou bas selon les pays ne vont pas changer du jour au lendemain. Ils reflètent une tendance à long terme, et il est impossible pour les gouvernements de les modifier par la politique, a déclaré M. Meijs. Dans de nombreux pays, un certain nombre de contraintes légales s’imposent aux organisations qui souhaitent travailler avec des bénévoles, et elles ont pour conséquence d’empêcher bon nombre d’entre elles d’avoir recours à leurs services.

Un exemple remarquable de bonnes pratiques en matière de volontariat nous est donné par la ville de Gdańsk, qui sera la capitale européenne du volontariat en 2022, et qui compte un nombre impressionnant de bénévoles pour une ville d’un demi-million d’habitants. Gdańsk dispose d’un centre régional pour le volontariat financé par le budget de la ville. Des services de volontariat sont régulièrement proposés et les bénévoles reçoivent une formation. Il existe également une application mobile qui met en relation les bénévoles et les services de volontariat.

L’idée du volontariat à Gdańsk est quelque chose que nous pensons pour notre ville en termes de stratégie. C’est un aspect très important de notre politique sociale, qui permet notre développement et donne aux habitants de notre ville le sentiment de pouvoir agir, a souligné Aleksandra Dulkiewicz, maire de Gdańsk et membre du Comité européen des régions.

Toutefois, malgré tous ses apports pour la société, ainsi que les actions et bonnes intentions des bénévoles, il existe un certain nombre de cas où le volontariat cause plus de mal que de bien. Un des exemples les plus emblématiques de certaines dérives nous est donné par le bénévolat mené dans les orphelinats, qui s'inscrit dans le cadre du volontourisme, un travail bénévole effectué pendant les vacances dans un pays étranger.

Lilith Alink de la fondation Lumos, une organisation caritative internationale luttant pour le droit de chaque enfant à avoir une famille, a expliqué que le placement de jeunes volontaires inexpérimentés dans des orphelinats pour travailler durant de brèves périodes avec des enfants vulnérables ne pouvait que heurter voire blesser les enfants, en les empêchant de se constituer des attaches sécurisées. De surcroît, peut parfois entrer en jeu un risque d’encouragement au trafic d’orphelins – des enfants victimes de la traite sont placés dans des institutions uniquement à des fins lucratives pour soutirer divers dons ou financements destinés aux orphelins.

En tant que volontaire, pouvez-vous répondre à des questions telles que: serai-je autorisé à effectuer un tel travail à titre bénévole dans mon pays d’origine? Ai-je les compétences nécessaires pour le faire? Ai-je une compréhension suffisante de la culture et des besoins locaux? En tant que responsable politique, êtes-vous certain de ne pas financer une action de volontariat préjudiciable. Au vu de ces questions, il me semble que le volontariat dans les orphelinats et institutions similaires pour enfants devrait être explicitement exclu du corps européen de solidarité 2021-2027, a conclu Mme  Alink.

L’avis du CESE sur le volontariat sera débattu et adopté lors de la session plénière de décembre.