Conférence du CESE à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes: la pauvreté a un visage féminin

Les inégalités en matière de prise en charge d’autrui, les écarts de rémunération et de retraite entre les hommes et les femmes, les normes et stéréotypes culturels continuent d’avoir pour conséquence que la pauvreté touche davantage les femmes que les hommes

À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le Comité économique et social européen (CESE) a organisé une conférence intitulée La pauvreté sous l’angle de l’égalité entre les hommes et les femmes afin de souligner à quel point les femmes et les filles sont surreprésentées parmi les pauvres dans le monde entier.

La conférence, organisée par le groupe ad hoc du CESE sur l’égalité, était liée au thème prioritaire de la 68e session de la Convention des Nations unies sur la condition de la femme (UNCSW), principale instance internationale et intergouvernementale de lutte pour l’égalité entre les hommes et les femmes, qui a débuté le 11 mars dernier à New York.

Cette 68e session de l’UNCSW porte en effet sur les liens entre genre et pauvreté, ainsi que sur les moyens de renforcer les institutions et de les doter des nécessaires ressources financières qui leur permettront d’aider les femmes et les filles à s’émanciper.

Le CESE assiste pour la première fois à l’UNCSW dans le cadre d’une délégation de l’Union européenne à laquelle participent également la Commission européenne, le Parlement européen et le Lobby européen des femmes.

En ouvrant la conférence, Oliver Röpke, président du CESE, a déclaré: Cette Journée internationale des droits des femmes nous rappelle avec insistance que notre responsabilité collective va bien au-delà de la simple célébration. Au CESE, nous avons suivi l’initiative des Nations unies et nous saisissons cette occasion qui nous est offerte d’examiner la charge disproportionnée pesant sur les femmes, ainsi que le défi complexe de lutter contre la pauvreté tout en tenant compte de la dimension de genre. La pauvreté n’est pas neutre du point de vue du genre, et par conséquent, notre réponse ne saurait l’être.

Les oratrices de cette conférence se sont penchées sur les interactions critiques qui se produisent entre genre, pauvreté et nécessité pressante de disposer de politiques inclusives. Elles ont attiré l’attention sur les chiffres qui dressent un tableau sombre de la pauvreté des femmes en Europe et dans le monde.

En 2022, 95,3 millions de personnes étaient exposées au risque de pauvreté ou d’exclusion sociale dans l’Union européenne, soit 21,6 % de la population de l’Union. Ce risque est plus élevé pour les femmes que pour les hommes (22,7 % pour les femmes contre 20,4 % pour les hommes). En ce qui concerne les femmes, elles sont environ 51,2 millions, a souligné María Eugenia Rodríguez Palop, députée européenne et vice-présidente de la commission des droits des femmes et de l’égalité des genres du Parlement européen.

Selon les chiffres des Nations unies, présentés au cours de la conférence par Léa Paccaud, du bureau de liaison d’ONU-Femmes à Bruxelles, une femme sur dix dans le monde vit dans une extrême pauvreté, et les projections indiquent que 342,4 millions de femmes et de filles n’en sortiront pas d’ici à 2030, à moins que l’on n’inverse les tendances actuelles.

Notre système économique mondial abandonne les femmes à leur sort. La structure économique actuelle pousse encore davantage de femmes dans la pauvreté. Les investissements financiers en faveur des femmes restent ridiculement faibles. 360 milliards de dollars supplémentaires sont nécessaires pour atteindre l’ODD 5 relatif à l’égalité entre les hommes et les femmes et à l’émancipation des femmes, a déclaré Mme Paccaud.

Les effets du changement climatique touchent aussi plus durement les femmes, en particulier au sein des ménages ruraux pauvres. Entre 2019 et 2021, l’écart entre les hommes et les femmes en matière d’insécurité alimentaire a plus que doublé. Les scénarios climatiques les plus pessimistes prévoient que 236 millions de femmes et de filles supplémentaires pourraient se retrouver en situation d’insécurité alimentaire, contre 131 millions d’hommes et de garçons supplémentaires.

Nos données montrent qu’il faudrait multiplier les progrès par 26 pour atteindre l’ODD 1 et mettre un terme à la pauvreté, a indiqué Mme Pessaud.

Le pourcentage de la population en âge de travailler dans la population active, qui est de 61,4 % pour les femmes contre 90,6 % pour les hommes, est aussi un chiffre alarmant. S’ajoute à cela le fait que les femmes gagnent 20 % de moins que les hommes.

La plupart des emplois occupés par des femmes se situent dans l’économie informelle. Au cours de la conférence, une attention particulière a été accordée à la prise en charge d’autrui, compte tenu du fait que 90 % des aidants informels sont des femmes. En grande partie en raison de leurs responsabilités familiales, 7,7 millions de femmes sont exclues du marché du travail et 9 millions sont obligées de travailler à temps partiel. Ces mêmes statistiques concernant les hommes sont bien inférieures.

Mme Rodríguez Palop a souligné la nécessité d’investir dans l’économie des soins à la personne, ce qui pourrait générer 7 millions d’emplois dans l’Union européenne. Selon l’UE, investir dans de ce type de services est susceptible de créer près de 300 millions d’emplois dans le monde d’ici à 2035.

Viviane Teitelbaum, du Lobby européen des femmes, a mis en relief le caractère inadéquat des données permettant de mesurer l’égalité entre les hommes et les femmes, qui invisibilise la pauvreté des femmes. Par exemple, une «unité de ménage» est une unité standard permettant de mesurer le revenu moyen d’un ménage, mais, en moyenne, les femmes en couple perçoivent environ 60 % de ce que gagne leur partenaire masculin.

Plus les revenus financiers apportés au foyer par une personne sont importants, plus il est probable que celle-ci dispose d’un plus grand pouvoir de décision. Il faudrait passer du modèle actuel où l’homme est soutien de famille, à un modèle égalitaire du point de vue de la prise en charge,  a déclaré Mme Teitelbaum.

Chiara Adamo, de la Commission, a souligné, en se référant aux stratégies, directives et objectifs récents, que l’Union européenne s’est engagée à combler l’écart entre les hommes et les femmes en matière de prise en charge. Elle a également mis l’accent sur l’importance d’examiner les structures sociales et économiques en vue de lutter contre la pauvreté des femmes. Adopter une perspective multidimensionnelle permet d’analyser les causes profondes qui maintiennent les femmes dans la pauvreté.

Parmi les solutions possibles figurent une budgétisation et une planification répondant mieux aux besoins des femmes et des filles, des politiques budgétaires visant à éliminer les écarts de rémunération et d’emploi entre hommes et femmes, l’adaptation des pensions de retraite ou la suppression de la TVA sur les produits d’hygiène féminine. Il est également nécessaire que les femmes jouent un rôle moteur dans la vie politique et dans les institutions économiques. Les organisations représentatives des femmes doivent disposer de ressources suffisantes pour être en mesure de défendre les droits des femmes.

Mme Pessaud a souligné qu’investir en faveur des femmes n’est pas seulement un impératif moral, mais aussi un investissement économique intelligent de nature à augmenter le PIB par habitant de 20 %. Plus de 100 millions de femmes et de filles pourraient sortir de la pauvreté si les gouvernements utilisaient une stratégie globale visant à améliorer l’accès à l’éducation et à la planification familiale, à assurer des salaires équitables et égaux et à accroître les transferts sociaux.

Être pauvre simplement parce que vous êtes une femme, c’est une injustice criante. Rester les bras croisés face à cette pauvreté abjecte constituerait une faute morale grave, a conclu Mme Rodríguez Palop.

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