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Guerre en Ukraine : “Protégez les travailleurs, sauvez la démocratie”

Oliver Röpke, président du groupe des travailleurs du Comité économique et social européen (CESE), appelle, comme tous, à l’arrêt du conflit. Mais tout en faisant valoir “le travail remarquable de la société civile”, il alerte sur les conséquences d’une guerre qui “toucheront durement les travailleurs les plus vulnérables et renforceront les inégalités”.

Selon Oliver Röpke, "l’Union européenne et ses Etats membres se doivent d’agir, en protégeant les conditions de vie de nos citoyens"
Selon Oliver Röpke, “l’Union européenne et ses Etats membres se doivent d’agir, en protégeant les conditions de vie de nos citoyens” - Crédits : CESE

La situation d’urgence dans laquelle se trouve l’Ukraine, la détresse de sa population, la résistance courageuse qu’elle a réussi à mener face à un ennemi bien plus puissant ont ébranlé jusque dans ses fondements l’ordre des choses qui, jusqu’il y a quelques mois, nous semblait être naturel en Europe. Se déroulant aux frontières mêmes de l’Union européenne, la guerre nous a rappelé qu’il existe un autre monde que le nôtre. Les images et les informations qui nous parviennent quotidiennement, notamment lorsqu’ont été découverts, voici peu, des fosses communes et des indices laissant supposer que nous sommes en présence de crimes de guerre, nous rappellent la brutalité de ce conflit à nos portes. Il a ébranlé l’Union européenne et montré, une fois de plus, le vrai visage des régimes autocratiques. Les armées et les roquettes de Poutine frappent Kiev, les offensives font rage, et les victimes civiles s’accumulent. En ce qui nous concerne, les plus vulnérables sont déjà gravement affectés par les répercussions économiques de ces affrontements.

Contacts permanents avec nos homologues ukrainiens

Heureusement passées les hésitations du début, notre riposte a été unanime et claire, prenant la forme de mesures de rétorsion envers Poutine et son régime, d’une solidarité à l’endroit des réfugiés fuyant par millions l’invasion russe et d’un soutien appuyé au peuple ukrainien. La directive relative à la protection temporaire a constitué une composante essentielle de notre réaction. La toute première priorité consiste à nous porter au secours de l’Ukraine et de ses réfugiés, et à aider les communautés qui les accueillent. De l’acheminement des dons à la fourniture d’un hébergement ou d’une assistance aux personnes que la guerre a chassées de leurs foyers, la société civile a accompli un travail remarquable, et elle poursuivra dans cette voie. Aux côtés de la Confédération européenne des syndicats, notre groupe des travailleurs du CESE condamne l’agression russe et exprime sa solidarité envers la population ukrainienne, et nous entretenons tous deux des contacts permanents avec nos homologues ukrainiens, pour veiller à ce que toute l’aide possible parvienne là où elle est le plus nécessaire.

Nous devons également nous souvenir que ce conflit n’est que l’illustration la plus récente d’une longue série d’autres confrontations, qui vont de la Tchétchénie à la Crimée, en passant par la Géorgie. Une autre facette de la guerre que mène Poutine contre sa population consiste à la maintenir dans une atmosphère de peur, à la désinformer à grand renfort de propagande, à la diviser en la polarisant, à assimiler toute dissidence à une trahison, et à éliminer purement et simplement quiconque ose s’exprimer.

S’étant produite en concomitance avec la pandémie, l’invasion nous a pris au dépourvu, dès lors que bon nombre d’Etats membres, en l’occurrence, n’avaient aucunement diversifié leurs sources d’approvisionnement en combustibles fossiles pour éviter d’être tributaires de la Russie dans ce domaine. Il convient de mettre un terme à cette dépendance imprudente, qui est aussi nuisible pour le climat que dommageable pour notre souveraineté. Il est indubitable que ce sont les Ukrainiens qui pâtiront le plus lourdement de la situation actuelle, mais d’autres ne seront pas indemnes pour autant. Les sanctions et la récession toucheront durement les travailleurs les plus vulnérables, tant en Russie que dans l’Union européenne. La flambée des prix de l’énergie, l’envolée des taux d’inflation, la hausse du prix des produits de base ne sont qu’un début : en parallèle, un risque de pénurie alimentaire et d’une crise de la faim se profile dans bien des pays, qui, pour l’heure, ne peuvent plus tabler sur les exportations ukrainiennes.

L’Union européenne et ses Etats membres se doivent d’agir, en protégeant les conditions de vie de nos citoyens, en veillant à ce que la spéculation sur les prix de l’énergie n’enfonce pas plus profondément nos familles dans la précarité énergétique et n’aboutisse pas à l’effondrement de nos industries, ainsi qu’en soutenant les sociétés qui s’emploient à accueillir des millions de réfugiés. En outre, il convient d’appliquer des réformes de long terme à un marché de l’énergie dont le dysfonctionnement est devenu patent et qui montre clairement qu’il répercute directement toute perturbation sur les travailleurs et les citoyens. La détérioration des conditions de vie de nos concitoyens a également valeur d’avertissement, car ce sont les inégalités et la pauvreté qui font le lit des régimes autoritaires. La démocratie est menacée par des individus qui, à l’instar d’un Poutine, considèrent qu’en plus de leur propre pays, un certain nombre d’autres leur appartiennent tout aussi bien, et viennent mettre la main sur les ressources de leurs voisins sous des prétextes d’identité ethnique. La démocratie est également menacée par des dirigeants politiques qui, au sein même de l’Union européenne, escomptent construire un modèle similaire à celui de Poutine et font leur miel de la montée des inégalités et de la pauvreté.

Le groupe des travailleurs, pour sa part, continuera à consacrer son attention à la situation des personnes que la guerre a contraintes de fuir l’Ukraine, à leur prise en charge dans les pays d’accueil et à leur intégration sur le marché du travail de l’Union européenne, en envisageant les mesures nécessaires pour éviter qu’ils ne tombent dans l’emploi précaire et que leur force de travail ne soit soumise à exploitation. De surcroît, nous poursuivrons notre soutien aux efforts déployés par les syndicats pour acheminer une assistance en faveur des travailleurs et des syndicats ukrainiens.

Par Oliver Röpke, président du groupe des travailleurs du Comité économique et social européen (CESE)

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