Il ne faut négliger la moindre mesure pour garantir l’accessibilité de tous aux élections européennes

Une audition du CESE a mis en évidence que presqu’un million de citoyens de l’Union étaient susceptibles d’être privés de leur droit de vote en raison de leur handicap et qu’ils sont encore bien plus nombreux à rencontrer des difficultés lors du vote.

En dépit du cadre juridique international en vigueur visant à protéger les droits des personnes handicapées, il persiste dans tous les États membres de l’UE des obstacles légaux et techniques susceptibles d’empêcher de nombreux Européens handicapés de voter ou de se présenter aux élections européennes qui auront lieu ce printemps ou de leur poser des difficultés dans ces démarches.

Ces électeurs doivent faire face à des obstacles aussi divers que nombreux, notamment des barrières techniques telles que des bureaux de vote mal adaptés à leurs besoins, une information et des campagnes électorales inaccessibles aux sourds et aux aveugles, ainsi que des barrières juridiques telles que la perte automatique du droit de vote en cas de retrait de la capacité juridique ou de désignation d’un tuteur légal, pour n’en citer que quelques-unes.

La participation des personnes handicapées aux élections européennes était le thème central de l’audition organisée par le Comité économique et social européen (CESE) le 5 février. À moins de quatre mois de la tenue de l’élection des nouveaux députés au Parlement européen, cette audition visait à étudier la situation qui prévaut sur le terrain dans l’UE en matière de droit des personnes handicapées à participer à ces élections. Elle a été également l’occasion de débattre de l’accessibilité des campagnes électorales.

Cette audition rassemblait des membres du CESE, des députés au Parlement européen, des ONG représentant les personnes handicapées, le Forum européen des personnes handicapées et l’Agence européenne des droits fondamentaux.

L’UE et tous ses États membres ont ratifié la convention internationale sur les droits des personnes handicapées, qui vise très clairement leurs droits civiques et politiques. De ce fait, l’UE dans son ensemble et chacun de ses États membres se sont soumis à l’obligation de mettre en œuvre des changements pour permettre aux personnes handicapées aussi bien de voter que de participer aux élections, a fait valoir M. Marek Plura, député polonais au Parlement européen et membre de l’intergroupe de cette institution sur le handicap, lors de ses observations liminaires.

Tout ceci doit être en place pour les élections européennes de 2019. Nous devons ne pas omettre la moindre mesure pour faire de ces prochaines élections un exemple à suivre en matière d’accessibilité, a souligné M. Plura.

Toutefois, la situation qui se présente sur le terrain est loin d’être idéale, en dépit des quelques bonnes pratiques et solutions en vigueur dans plusieurs États membres.

En tant qu’électeurs, les personnes handicapées ne sont pas traitées sur un pied d’égalité, et encore moins en tant que candidats. Nous en avons fait directement l’expérience, a déclaré Mme Gunta Anča, membre lettone du CESE et elle-même une personne handicapée, qui a récemment annoncé sa candidature aux élections au Parlement européen en mai.

Elle a ajouté que le nouveau rapport d’information du CESE que ce dernier devrait examiner lors de sa session plénière de mars, illustre de manière probante les nombreuses difficultés qu’affrontent les personnes handicapées. Ce rapport intitulé «La réalité du droit de vote aux élections européennes pour les personnes handicapées» a été élaboré par M. Krzysztof Pater, membre du CESE, sur la base de deux enquêtes qu’il a conduites entre 2016 et 2018 dans 27 États membres. Ce rapport présente plus de 200 exemples d’obstacles juridiques et techniques auxquels se heurtent les personnes handicapées qui veulent exercer leur droit de vote, mais aussi des exemples de solutions trouvées dans différents États membres.

Selon les principales conclusions de ce rapport, que M. Pater a présenté lors de l’audition, il existe dans chacun de ces 27 États membres de l’Union des lois ou des dispositions organisationnelles qui excluront certains électeurs handicapés de la participation aux élections européennes.

La grande majorité des bureaux de vote dans l’UE n’est pas adaptée, pour tout ou partie, aux besoins des personnes atteintes de différents types de handicap. Dans huit États membres, il n’existe pas d’autres formes de vote, ce qui signifie que toute personne qui se trouve dans l’impossibilité de se rendre au bureau de vote ne pourra pas participer au scrutin. Dans pas moins de 18 États membres, les électeurs aveugles ne peuvent voter par leurs propres moyens sans assistance, tandis que dans près d’un tiers des pays de l’UE, les personnes qui reçoivent des soins à long terme dans les hôpitaux n’ont aucune possibilité de participer aux élections.

Les intervenants ont particulièrement insisté sur le caractère inquiétant de la privation du droit de vote.

Quelque 800 000 citoyens de l’Union dans 16 de ses États membres sont privés par les règles nationales de leur droit de participer aux élections au Parlement européen en raison de leur handicap ou de problèmes liés à leur santé mentale, a fait valoir M. Pater. Dans neuf États de l’Union, ils perdent automatiquement leur droit de vote lorsqu’ils se voient retirer leur capacité juridique ou lorsqu’il leur est désigné un tuteur.

Dans sept pays, c’est-à-dire en Belgique, en République Tchèque, en France, en Hongrie, à Malte, au Portugal et en Slovénie, leur capacité à voter fait l’objet d’une évaluation au cas par cas.

Cet état de fait peut produire des situations absurdes, comme l’a souligné M. Alejandro Moledo, du Forum européen des personnes handicapées. Il a fait état du cas d’un citoyen espagnol qui lors de l’évaluation de l’opportunité de lui restituer son droit de vote, a dû répondre à des questions telles que: Quelle est la vitesse de la lumière?.

Sensibiliser davantage à la situation des personnes privées de leur droit de vote constitue l’un des objectifs de la campagne #EUDisabilityVote du Forum européen des personnes handicapées, a ajouté M. Moledo. Parmi d’autres campagnes lancées par ce même Forum, il convient de relever celle sur les efforts déployés pour rendre les élections européennes accessibles à tous, ainsi que sur les histoires vécues par les personnes handicapées et ce qu’elles ont entrepris pour exercer leur droit de vote.

M. Sephen Clark, qui est chargé de la campagne «Cette fois, je vote» du Parlement européen, a déclaré que ce dernier veillait soigneusement à faire en sorte que ladite campagne soit accessible à tous, en prévoyant des sous-titres pour son matériel vidéo, ainsi qu’en mettant à disposition des versions doublées et une interprétation en langue des signes pour tous les types d’information. De même, des lignes directrices sont fournies au personnel et aux bénévoles de manière à prévenir tout type de discrimination à l’encontre des personnes handicapées.

M. Pater a indiqué qu’en dépit du sombre tableau de la situation de l’UE que brossait son rapport en matière de participation des personnes handicapées aux prochaines élections, l’avenir n’est pas encore compromis. Plusieurs États membres ont proposé des solutions qui permettent aux personnes handicapées d’exercer ce droit. Par exemple, dans huit pays de l’UE, ces dernières sont autorisées à voter par correspondance; en outre, l’Estonie et la Belgique ont mis en place un vote électronique.

Nous devrions nous attacher à ces réalisations positives. Si l’on mettait en œuvre les bonnes pratiques de tous les pays, l’on obtiendrait un système idéal dans lequel chaque citoyen de l’Union handicapé jouirait non seulement de la plénitude de son droit de vote, mais serait également en mesure de choisir la manière qui lui convient le mieux de participer au scrutin, a déclaré M. Pater.

Il est temps de nous mettre à l’ouvrage. À présent, il est temps d’agir, a-t-il conclu.