European Economic
and Social Committee
«Sans les migrants, le modèle économique et social européen est en danger», affirme le CESE
Le 13 décembre 2018, le Comité économique et social européen (CESE) a adopté un avis d’initiative sur les coûts de la non-immigration et de la non-intégration. Cet avis se concentre sur l’impact de l’immigration et de l’intégration des migrants sur la société européenne dans la vie courante.
L’essor de la société européenne sans l’immigration, en tant que processus d’apport de main-d’œuvre sûr, structuré, régulier et accompagné par l’UE, est impensable. Les données disponibles montrent que le manque de migrants pourrait avoir une incidence négative sur la croissance de la population et de la main-d’œuvre et contribuer à exacerber davantage le racisme et la xénophobie, affirme le CESE dans l’avis.
«Changeons le discours européen sur la migration et utilisons de vrais arguments», déclare Pavel Trantina, rapporteur de l’avis. «Un certain nombre de responsables politiques ont abusé du sujet de la migration, mais d’entrée de jeu, le Comité a fait valoir la nécessité de revenir à un discours rationnel et d’agir». Selon lui, c’est avec une connaissance basée sur des données factuelles que l’on peut le mieux détruire les mythes.
Les coûts de la non-immigration
Le débat européen se polarise souvent sur les inconvénients de l’immigration, mais le scénario contraire est rarement inscrit à l’ordre du jour.
La principale question en jeu est le vieillissement de la population de l’UE. En 2060, on ne comptera pour chaque personne âgée que deux personnes en âge de travailler, contre quatre aujourd’hui. Cela présente de sérieux risques critiques pour la préservation du modèle social européen. Et même si l’immigration n’est pas la solution idéale pour faire face aux conséquences du vieillissement démographique en Europe, elle peut permettre de remédier à la pénurie de main-d’œuvre en général et de compétences spécifiques en particulier.
Comme expliqué dans l’avis, un scénario de non-immigration en Europe aurait les conséquences suivantes:
- les économies des États membres pâtiraient de manière substantielle: les marchés de l’emploi seraient probablement soumis à une pression insupportable, des industries entières feraient faillite, la production agricole chuterait et le secteur de la construction ne réussirait plus à satisfaire la demande;
- les systèmes de retraite pourraient devenir insoutenables, le secteur de la santé et des soins risquerait de s’effondrer, le dépeuplement de certaines zones se poursuivrait à un rythme soutenu; par conséquent, la cohésion sociale serait fragilisée;
- le racisme et la xénophobie se développeraient plus encore qu’à l’heure actuelle.
Le CESE reconnaît que la pénurie de compétences, autant que l’écart de pension, auxquels est actuellement confrontée l’Europe, pourraient être partiellement résolus par la migration de main-d’œuvre.
«Il n’est possible de combler en partie ce déficit que si les migrants obtiennent la validation de leurs compétences et qualifications. À cet égard, l’UE et les États membres ont encore beaucoup à faire», avertit M. Trantina. Des chiffres récents indiquent que l’économie européenne accuse chaque année une perte de plus de 5 % de productivité du fait de l’inadéquation entre les compétences des travailleurs et les besoins du marché du travail.
Dans le même temps, les pénuries de main-d’œuvre dans le secteur des soins de santé constituent une «bombe à retardement» dans de nombreux États membres. Les systèmes de santé du Sud de l’Europe, en particulier, s’appuient massivement sur des prestataires de services à la personne logés à domicile issus de l’immigration. Ce secteur va se développer à mesure que la population européenne vieillit.
Les zones rurales, montagneuses et insulaires sont de plus en plus dépeuplées. Dans certaines régions de l’UE, comme en Irlande ou au Brandebourg, en Allemagne, ce phénomène est contrecarré grâce à l’installation de migrants.
Les coûts de la non-intégration
L’immigration ne peut fonctionner de manière satisfaisante si les migrants ne sont pas bien intégrés dans la société d’accueil. Dans son avis, le CESE inventorie les risques et les coûts d’un scénario de «non-intégration des migrants»:
- exclusion des migrants de la main-d’œuvre formelle (et explosion du travail non déclaré);
- incapacité des migrants à réaliser pleinement leur potentiel (souvent transféré aux générations suivantes);
- absence d’identification avec les valeurs et les normes du pays d’accueil et manque d’acceptation de celles-ci;
- aggravation des différences socioculturelles entre les migrants et les communautés d’accueil;
- montée accrue de la xénophobie et de la méfiance réciproque;
- ségrégation spatiale conduisant tout droit à la ghettoïsation;
- augmentation des discours et crimes de haine;
- baisse de l’application de la loi et augmentation possible des taux de criminalité, en particulier dans les zones d’exclusion sociale;
- radicalisation potentielle et soutien accru aux idéologies extrémistes (tant au sein des communautés de migrants que dans la société d’accueil).
Le CESE estime que l’intégration des migrants est «étroitement liée à une multitude de politiques sociales en matière de protection sur le lieu de travail, de logement, de soins de santé, d’éducation, de droits des femmes, d’égalité et de non-discrimination pour ne citer que quelques exemples».
Comment éviter ces deux scénarios
Le CESE fait valoir que «la meilleure garantie contre d’éventuels problèmes et tensions à l’avenir consiste à investir dans l’intégration des migrants», et il invite les États membres à en faire une priorité, recommandant un soutien ciblé et s’appuyant sur les communautés plutôt qu’une approche universelle. Le CESE insiste sur la responsabilité qui incombe aux États membres d’améliorer les canaux légaux d’entrée en Europe et souligne que des voies sûres et légales peuvent réduire la pression que subit le régime d’asile de l’UE.
Les États membres devraient coopérer à l’échange de bonnes pratiques pour la mise en œuvre d’un système d’immigration et d’intégration qui fonctionne de manière efficace et bénéfique pour tous. En Suède, par exemple, les entreprises qui recrutent des travailleurs migrants se développent plus rapidement que les entreprises comparables. Chaque année, le travail des immigrés non issus de l’UE ou de l’EEE contribue pour plus de 1 000 millions d’euros au PIB suédois et plus de 400 millions d’euros aux recettes fiscales du pays.
«Il est nécessaire d’aborder le débat social avec des arguments et des données pour contrer les fausses informations et les stéréotypes sur les migrations», ajoute José Antonio Moreno Díaz, corapporteur de l’avis. «Montrons aux sociétés de l’Union européenne ce que les immigrés apportent maintenant et devraient apporter dans un proche avenir à nos sociétés. Il s’agit d’une mission collective et commune à laquelle tous les secteurs de la société civile doivent être associés.»
Dans le contexte de l’adoption du pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières à Marrakech, au Maroc, l’appel du CESE aux États membres à redonner aux migrations leur importance et leur sens est plus que jamais opportun. Les forces extrémistes ne devraient pas pouvoir faire de l’immigration un problème: celle-ci constitue une ressource et il appartient aux États membres de l’utiliser comme telle.
Contexte:
Le CESE a toujours considéré la question des migrations comme une priorité. En effet, cet avis s’inscrit dans le cadre d’une série d’avis adoptés sur le sujet, dont: «Fonds “Asile et migration” (FAM) et Fonds de gestion intégrée des frontières», adopté lors de la dernière session plénière du CESE; «Les entreprises de l’économie sociale / migrants»; «Le rôle de la Turquie dans la crise des réfugiés»; «Mise en place d’un nouveau cadre de partenariat avec les pays tiers dans le cadre de l’Agenda européen en matière de migration»; «Vers une politique cohérente de l’UE en matière d’immigration de main-d’œuvre sous l’angle de la carte bleue européenne»; «L’immigration irrégulière par voie maritime dans la région euro-méditerranéenne».