Michel Barnier au CESE: «Nous devons poursuivre la discussion, car le silence est ce qu’il y a de pire pour l’Europe»

Michel Barnier, négociateur en chef de l’Union européenne pour le Brexit, a participé à la 540e session plénière du Comité économique et social européen (CESE) pour exposer le point de vue de l’UE quant aux éventuelles modifications apportées à l’accord sur le Brexit et débattre avec les représentants de la société civile européenne de l’accord et des futurs scénarios potentiels.

Luca Jahier, président du CESE, a félicité M. Barnier pour le travail accompli et a souligné que même si le Royaume-Uni ne faisait plus partie de l’Union européenne à la suite du Brexit, il ne pourrait jamais être considéré comme les autres pays tiers, après plus de 40 ans d’adhésion à l’Union. Nous avons de solides engagements envers la société civile du Royaume-Uni. Le CESE est prêt à faire face à chacun des scénarios possibles et ses membres veilleront à renforcer leur relation avec leurs homologues britanniques.

M. Barnier a commencé son discours en déclarant: L’Europe doit se préparer à l’éventualité du “no deal”. Cette préparation est absolument cruciale, même si je garde l’espoir de pouvoir éviter ce scénario.

L’accord de retrait a été établi étape par étape, en collaboration avec le Royaume-Uni, au cours de 18 mois de négociations. M. Barnier a affirmé que même s’il était important de respecter le débat qui divise actuellement le Royaume-Uni, sa responsabilité était de définir les enjeux de la situation, à savoir deux scénarios possibles:

  • un retrait ordonné sur la base de l’accord de 585 pages négocié étape par étape avec le Royaume-Uni, ou
  • un retrait désordonné, qui constitue le scénario par défaut.

Bien que la majorité des membres de la Chambre des communes semblent s’opposer au “no deal”, cette opposition n’empêchera pas le “no deal” de se produire, à moins qu’une majorité se dégage en faveur d’une autre solution, a averti le négociateur en chef.

Quelle que soit l’issue de cette situation, les représentants de la société civile organisée auront un rôle déterminant à jouer dans la sensibilisation des citoyens.

Le «backstop»

Lors du débat, les membres du CESE ont demandé une prise de position ferme sur le «backstop», considéré par certains comme un second choix pour l’Irlande du Nord, la meilleure solution étant de rester membre de l’UE.

M. Barnier a précisé que les négociations sont dénuées de toute hostilité et que l’objectif n’est pas d’infliger des sanctions, mais qu’il est chargé de résoudre les problèmes pour l’UE. Nous ne voulons pas utiliser le “backstop”. On peut le comparer à une assurance incendie: vous la payez, mais vous espérez ne jamais en avoir besoin.

Dans son discours, M. Barnier a également souligné que la volonté de quitter l’Union émanait du Royaume-Uni, et que c’était le Brexit qui occasionnait des problèmes pour l’Irlande et l’Irlande du Nord. Il a par ailleurs affirmé que la question du «backstop» va bien au-delà du commerce et des marchandises, elle concerne les hommes et les femmes qui ont besoin de certitude. Enfin, il a ajouté que la frontière irlandaise était aussi celle de 27 autres pays et du marché unique, que les marchandises en provenance d’Irlande du Nord étaient exportés dans tous les pays européens, et qu’il s’agissait dès lors d’une question européenne.

Pour conclure le débat, Michel Barnier a déclaré que le Brexit n’apportait aucune valeur ajoutée. Il a terminé sur un avertissement: Il ne faut pas confondre les conséquences du Brexit et les leçons que l’on doit en tirer. Nous devons également distinguer le populisme du ressenti du peuple. Le silence est ce qu’il y a de pire. Nous devons parler, nous devons ouvrir le débat. Nous devons poursuivre la discussion malgré nos divergences d’opinions, car le silence est l’arme utilisée par les populistes contre l’Europe.

Les participants au débat s’accordaient à dire que le «no deal» n’était pas souhaitable, puisque préjudiciable tant pour le Royaume-Uni que pour l’Union européenne.

Arno Metzler, président du groupe «Diversité Europe» du CESE, a indiqué: En tant que maison de la société civile européenne, nous nous soucions en premier lieu du bien-être des citoyens et de la société civile. C’est pourquoi notre groupe organisera un séminaire à Belfast le 15 février pour examiner les conséquences du Brexit sur la société civile et le processus de paix. Quelle que soit l’évolution de la relation entre l’UE et le Royaume-Uni, nous devons entretenir la communication avec nos homologues britanniques. Nous sommes là pour vous, aujourd’hui, demain et au-delà!

Le groupe des employeurs, représenté par son vice-président Stefano Mallia, a précisé: De nombreux efforts ont été déployés pour élaborer un accord juste et équilibré en vue du Brexit. Il est clair qu’un Brexit “dur” serait une mauvaise nouvelle pour les entreprises de l’Union comme pour celles du Royaume-Uni. Nous demandons aux négociateurs de consentir un dernier effort pour aboutir à une conclusion satisfaisante. Bien entendu, le Royaume-Uni doit aussi y mettre du sien.

Gabriele Bischoff, présidente du groupe des travailleurs, a marqué son accord avec les propos de M. Barnier: Nous ne pouvons pas nous bercer d’illusions; nous devons nous préparer à une situation de “no deal”. Il est primordial pour les syndicats de veiller à la meilleure protection possible pour les travailleurs et les entreprises de l’Union européenne.

Contexte:

Sur le papier, le Brexit (la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne) était réglé: après plusieurs mois de négociations, Michel Barnier, négociateur en chef de l’Union européenne pour le dossier de cette séparation, était parvenu à un accord avec la Première ministre britannique, Theresa May. Cet accord aurait dû garantir un retrait ordonné du Royaume-Uni de l’Union européenne et l’établissement d’une étroite relation pour l’avenir — en d’autres termes, un divorce à l’amiable.

Toutefois, l’accord de retrait de 585 pages n’a pas convaincu le parlement britannique (qui l’a rejeté par 432 voix contre 202). Le prochain vote du parlement du Royaume-Uni concernant le Brexit est prévu le mardi 29 janvier; Theresa May a promis de proposer un accord révisé.

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