Les prestataires de services à la personne logés à domicile sont soumis à des conditions précaires malgré la pénurie de prestataires de soins sur le marché du travail de l’Union

Le CESE investit l’échelon local afin de recueillir des informations de première main sur le secteur des prestataires de services à la personne logés à domicile en Europe

Le Comité économique et social européen (CESE) a organisé mercredi, à Londres, la première de ses réunions «Going local»(Investir l’échelon local) sur le thème de l’avenir des prestataires de services à la personne logés à domicile en Europe. L’objectif est d’approfondir les recherches sur les conditions d’emploi auxquelles ces travailleurs sont confrontés et de mettre en lumière leur situation précaire sur les marchés du travail.

Hormis celle organisée au Royaume-Uni, le CESE organisera également des réunions «Going local» en Allemagne, en Suède, en Italie et en Pologne, soit quelques-uns des pays d’origine et de destination des prestataires de services à la personne logés à domicile.

Ces visites dans des États membres s’inscrivent dans le cadre du suivi de l’avis d’initiative du CESE sur les droits des prestataires de services à la personne logés à domicile, adopté en septembre 2016 en tant que premier document politique au niveau de l’UE concernant le secteur des prestataires de services à la personne logés à domicile en Europe, secteur qui est longtemps resté pratiquement invisible aux yeux des décideurs politiques de l’UE et des États membres.

Faute de données, il n’est pas possible de connaître le nombre exact de prestataires de services à la personne logés à domicile, ni de déterminer leur contribution à l’économie britannique et aux économies d’autres États membres, comme l’ont confirmé les participants à la réunion de Londres.

L’Organisation internationale du travail (OIT) estime que le travail domestique représentait entre 5 et 9 % de l’emploi total dans les pays industrialisés en 2012. Dans une Europe vieillissante, minée par les pénuries de main-d’œuvre dans le secteur des soins et le manque d’infrastructures adéquates permettant d’offrir des soins de longue durée, l’on s’attend à une augmentation du nombre des prestataires de services à la personne logés à domicile.

Ces derniers constituent l’un des segments de main-d’œuvre dont la mobilité est la plus élevée au sein de l’UE, l’Europe orientale continuant à fournir bon nombre de ces travailleurs à d’autres pays de l’UE.

Toutefois, il est fréquent que leur statut professionnel ne soit pas réglementé, que leur travail ne soit pas déclaré, ou qu’ils aient un statut d’indépendant fictif. Ils travaillent en outre souvent dans des conditions très difficiles.

«Les prestations de services à la personne sont très exigeantes, tant physiquement qu’émotionnellement. Les conditions de travail de ces personnes peuvent parfois s’assimiler à de l’esclavage moderne dans la mesure où elles doivent être disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et ne sont pas libres de leurs mouvements comme les autres travailleurs», a affirmé Mary Honeyball, députée au Parlement européen.

Dans le même temps, les bénéficiaires des services à la personne et leurs familles ne disposent d’aucune garantie quant à la qualité des prestations dispensées puisque, souvent, le recrutement s’effectue par le canal de réseaux informels de parents ou d’amis ou par l’internet.

Le CESE propose, entre autres, que l’existence des prestataires de services à la personne logés à domicile sur le marché européen du travail soit reconnue par l’introduction d’une définition commune de cette profession, ainsi que par leur intégration aux systèmes de protection sociale de longue durée, avec tous les droits découlant des réglementations pertinentes de l’UE et des États membres en matière d’emploi.

«Ces travailleurs devraient avoir droit à une rémunération décente, à une protection en matière de santé et de sécurité, et à la sécurité sociale, et devraient jouir de la liberté d’association et de négociation collective», a déclaré le rapporteur de l’avis du CESE, Adam Rogalewski (groupe des travailleurs).

En outre, les États membres devraient offrir un soutien financier et organisationnel aux bénéficiaires de services à la personne qui, souvent, ne sont pas conscients qu’en faisant appel à un prestataire de services logé à domicile, ils deviennent de véritables employeurs, avec leur juste part de responsabilités.

Concernant la situation au Royaume-Uni, M. Rogalewski a affirmé: «Nous avons constaté que le secteur des services sociaux au Royaume-Uni avait énormément pâti de réductions de financements atteignant 6 milliards de livres sterling depuis 2010, qui ont eu une incidence grave sur la disponibilité et la qualité des prestations. Les pénuries de main-d’œuvre, dues au faible niveau de rémunération et aux conditions de travail déplorables dans ce secteur, ont entraîné une augmentation importante des modèles de services informels. La société civile en Europe, en particulier au Royaume-Uni, plaide depuis longtemps déjà pour qu’il soit mis fin à la logique d’austérité. Il est urgent d’investir davantage dans le secteur des services à la personne».

Les avis divergent en revanche en ce qui concerne la régulation de ce secteur – qui est actuellement très fragmenté et dans lequel bon nombre d’agences proposent des prestations de services à la personne par des travailleurs logés à domicile à des conditions pouvant être qualifiées de dumping social. John Walker, membre de la délégation du CESE (groupe des employeurs), a mis en garde contre tout excès de réglementation du secteur, ce qui augmenterait les coûts pour le contribuable. Marina Yannakoudakis (groupe des activités diverses du CESE) a pour sa part mis en garde contre l’économie souterraine et a plaidé pour la professionnalisation des prestataires de services à la personne logés à domicile, et préconisé des mesures de soutien à leurs employeurs, par exemple des allègements fiscaux.

Contexte

L’avis du CESE adopté l’année dernière présentait huit recommandations à l’adresse des États membres et douze recommandations aux législateurs de l’UE en vue d’améliorer la capacité globale du secteur à créer des emplois de qualité et à offrir des prestations de services de qualité. Ces recommandations comprennent l’application de procédures de reconnaissance des qualifications et de l’expérience acquises par les prestataires de services à la personne logés à domicile, l’amélioration du détachement de ces prestataires, et la prise en compte de leurs droits dans le semestre européen. Une application rigoureuse des dispositions de la directive sur les droits des victimes lorsque des travailleurs sont exploités et l’amélioration des garanties prévues par la directive sur les sanctions à l’encontre des employeurs, afin de protéger les droits des travailleurs sans-papiers, doivent également constituer des priorités. Il convient par ailleurs de recueillir des données adéquates sur les prestataires de services à la personne logés à domicile ainsi que de mener des recherches sur leurs conditions de travail et de vie.

Les conclusions des visites du CESE dans les États membres seront présentées dans un rapport qui sera publié dans le courant de l’année 2018.

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PR 65/2017