Défis démographiques à relever: l’Europe devrait combiner une large panoplie de mesures sociales et de marché du travail pour mettre un terme à son dépeuplement et aux inégalités croissantes

Alors que la part de sa population à l’échelle mondiale est à un niveau historiquement bas et qu’un nouveau baby-boom semble hautement improbable, l’Europe devra opter pour une approche globale si elle entend endiguer son déclin démographique, stimuler l’emploi et adopter des politiques économiques et sociales fortes propres à restaurer la confiance en l’avenir de ses citoyens, a déclaré le Comité économique et social européen (CESE) le 7 mai dernier.

Dans l’avis intitulé «Les défis démographiques dans l’UE vus sous l’angle des inégalités en matière d’économie et de développement», le CESE a déclaré qu’une telle approche devrait accorder la priorité aux politiques actives du marché du travail qui luttent contre le chômage et contribuent à la création d’emplois de qualité, en particulier pour les jeunes, dont le taux de chômage dans tous les États membres demeure environ deux fois plus élevé que la moyenne.

En outre, pour garantir des évolutions démographiques positives, il semble crucial de mener des politiques familiales stables et volontaristes ainsi que des politiques du marché du travail axées sur l’humain qui favorisent l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, telles que le congé parental ou le travail flexible.

Une prise en charge et une assistance de qualité et abordables pour les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées sont d’une importance capitale, et les investissements dans des services publics efficaces sont indispensables à la mise en place de conditions de vie et de travail décentes ainsi que d’un environnement où les Européens souhaitent travailler, vivre et élever une famille.

Dans son avis, le CESE considère que l’immigration peut certes pallier les pénuries de main-d’œuvre et de compétences, mais que celle-ci ne saurait constituer la solution optimale pour faire face aux conséquences du vieillissement de la population en Europe.

L’avis, préparé à la demande de la présidence croate de l’Union européenne, a été adopté lors de la première session plénière du CESE depuis le début de l’épidémie de COVID-19 – une session qui, pour la première fois dans l’histoire de l’institution, s’est tenue à distance, les membres exprimant leurs votes par écrit.

Le CESE y met en garde contre les implications importantes de la crise de la COVID-19 pour les futures politiques européennes visant à faire face aux problèmes démographiques ainsi qu’aux inégalités croissantes entre États membres. Il invite l’Union européenne à élaborer d’urgence des politiques pertinentes dotées d’un financement ambitieux pour protéger les citoyens des effets de la pandémie ainsi que des conséquences sociales négatives de la crise économique qui devrait en découler. Cette action doit s’effectuer en concertation avec les partenaires sociaux et la société civile organisée.

Stéphane Buffetaut, rapporteur de l’avis explique à ce propos: Les États membres qui mènent des politiques familiales actives, à la fois diverses et reflétant leurs cultures respectives, affichent des taux de natalité plus élevés que ceux qui n’ont que des politiques plus faibles, voire pas de politique du tout.Ces politiques font partie d’un cadre plus large qui est le garant de leur efficacité: des emplois, une dynamique économique et sociale, une culture favorable aux familles, une politique de logement adaptée, un système éducatif efficace et des politiques environnementales.

Il insiste également sur le fait que le but poursuivi est de garantir que le fait d’avoir des enfants, qui assurent l’avenir de l’Europe, ne soit pas pénalisant sur le plan du niveau de vie et de la carrière professionnelle.

Pour Adam Rogalewski, corapporteur de l’avis, la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux est un facteur très important pour améliorer la situation démographique européenne, grâce aux fortes mesures sociales qu’il propose.

C’est du travail que la majorité de la population européenne tire ses revenus, et partant, sans création d’emploi, sans perspectives dynamiques sur le marché du travail, sans sécurité sur le marché du travail ou encore sans emplois de qualité, il est difficile de fonder une famille et de lui offrir des conditions de vie décentes, déclare M. Rogalewski. C’est la raison pour laquelle la mesure la plus réalisable et la plus efficace pour remédier aux conséquences négatives du vieillissement de la population ne se focalise pas sur des taux de fécondité plus élevés ni sur une migration accrue, mais plutôt sur l’augmentation de la participation au marché du travail.

L’avis mentionne un certain nombre de chiffres qui témoignent du déclin démographique de l’Europe et de son poids démographique relatif qui se trouve au plus bas, sa part dans la population mondiale étant passée de 21,7 % en 1950 à moins de 10 % en 2017.

Depuis 25 ans, certaines régions d’Europe ont vu leur population décroître année après année, le nombre de décès dépassant celui des naissances et le taux de fécondité dans les États membres tombant souvent nettement et durablement au-dessous du seuil de renouvellement des générations. Cette dépopulation touche un peu plus de la moitié des États membres de l’Union: l’Allemagne, la Bulgarie, la Croatie, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la Grèce, la Hongrie, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Portugal, la Roumanie et la Slovénie.

En outre, malgré les migrations, l’Europe connaît une augmentation de la proportion de personnes âgées de 65 ans et plus dans la population totale.

Le problème pourrait devenir particulièrement aigu dans le centre, l’est et le sud de l’Europe, qui sont confrontés à une fuite de main-d’œuvre à tous les niveaux de compétences ainsi qu’à une fuite des cerveaux, les travailleurs partant pour des pays économiquement plus forts. Ces travailleurs sont au premier chef les jeunes. Leurs pays d’origine, qui ont investi dans leur éducation et leur formation, assistent à leur départ vers d’autres pays en mesure de leur offrir de meilleures conditions de travail et de protection sociale et qui bénéficieront donc de cet investissement, un phénomène qui approfondit plus encore l’écart entre l’Europe occidentale et les régions méridionales et orientales.

Pour le CESE, si la libre circulation des citoyens européens représente une liberté fondamentale de l’Union, des niveaux aussi élevés de migration à l’intérieur de l’UE peuvent poser des problèmes particuliers aux États membres d’origine, dans la mesure où ce phénomène accélère le vieillissement de sa population ainsi que la perte de main-d’œuvre et de compétences. Il pose de la même façon un certain nombre de problèmes pour les pays d’accueil.

Il convient […] de veiller à ne pas favoriser la migration systématique des personnes disposant d’un haut niveau de qualifications et d’aptitudes, laquelle creuserait l’écart en matière de compétences avec les pays en développement, nuisant ainsi à leur développement économique et social, affirme l’avis du CESE.

Pour ce dernier, la suppression des disparités économiques et sociales entre l’Ouest et le Sud ainsi qu’entre l’Est et à l’Ouest constitue le meilleur moyen de ralentir cette fuite de la main-d’œuvre. Pour le Comité, si l’on veut que les pays européens qui affichent des performances économiques plus modestes restent ou deviennent attrayants pour leur propre population, le Fonds européen de développement régional, le Fonds de cohésion et le Fonds social européen doivent être spécialement orientés de manière à soutenir ces pays dans l’élaboration de projets qui leur permettent d’améliorer leur développement social et économique.

Dans cet avis, le CESE propose également de reconnaître et de soutenir le travail des aidants non rémunérés, généralement des membres d’une même famille qui ne travaillent pas pour s’occuper d’un parent malade, handicapé ou dépendant. Les États membres devraient accorder à ces personnes un statut et un soutien financier appropriés ainsi que des droits en matière de sécurité sociale.

Toutefois, les changements attendus ne sauraient intervenir à brève échéance. Le CESE conclut son rapport en ces termes: La démographie relève du long terme et nécessite une action européenne coordonnée. L’UE devrait élaborer des lignes directrices communes fondées sur la solidarité intergénérationnelle et l’égalité entre les femmes et les hommes, en tenant compte des cultures nationales et des différences en matière de politique sociale.