Le socle social européen est le véritable test pour une Europe qui protège

Discours d'ouverture lors de la conférence de haut niveau sur le thème: «Mettre en œuvre le socle européen des droits sociaux – le rôle des Églises et des religions» [Seul le prononcé fait foi]

Madame la vice-présidente McGuinness, chère Mairead,

Votre Éminence le Métropolite Ignatios,

Votre Excellence Nedzhmi Dabov,​​​​​​​

Votre excellence le Grand rabbin de Rome, M. Di Segni,

Mesdames et Messieurs,

«Le développement est le nouveau nom de la paix», a déclaré le Pape Paul VI, car il n’y a pas de véritable paix si les gens sont mis de côté ou contraints de vivre dans une situation d’extrême pauvreté.

Mais vous savez peut-être que je suis un catholique éduqué par des jésuites en Italie. Cet enseignement, ce «bagage» culturel influence ma pensée et oriente mes actions.

Mais je tiens à être clair sur un point: il n’y a pas de hiérarchie entre les religions et je souhaite de tout cœur la bienvenue aux représentants et aux citoyens des différentes croyances et philosophies présents ici.  La justice sociale est une aspiration commune aux peuples de toutes les confessions et philosophies fondées sur des valeurs. Aider les pauvres et les nécessiteux est un impératif moral si ce n’est économique et social, que nous partageons tous. Faute de solidarité, il n’y a pas de cohésion sociale et donc pas de compétitivité.

La réduction de la pauvreté est donc également une composante des objectifs de développement durable.

Néanmoins, dans l’Union européenne, 24 % de l’ensemble des citoyens sont toujours touchés par la pauvreté, chiffre qui est éloigné de l’objectif de réduction de 20 millions fixé dans la stratégie Europe 2020. La crise économique a eu de graves répercussions négatives dans toute l’Europe, et même les personnes occupant un emploi peuvent être touchées par la pauvreté. Près d’un dixième des travailleurs âgés de plus de dix-huit ans dans l’UE sont exposés au risque de pauvreté.

Très concrètement, cela signifie que l’UE doit améliorer sa dimension sociale dès à présent.

Le Comité économique et social européen plaide en faveur d’une amélioration de la dimension sociale depuis longtemps, et se félicite de la proclamation d’un socle européen des droits sociaux à titre de première étape.

Le CESE a consacré de nombreuses ressources à l’élaboration du socle européen des droits sociaux et, s’étant engagé résolument en sa faveur, a lancé des débats avec la société civile organisée dans les 28 États membres au cours de la phase de consultation:

Près de 1 800 représentants d’organisations de la société civile issus d’un large éventail d’organisations patronales, syndicales et d’autres organisations de la société civile, dont des organisations confessionnelles et des organisations philosophiques non confessionnelles, ont participé aux débats et leurs recommandations ont été prises en compte dans l’avis du CESE.

L’un des résultats concrets obtenus est l’inclusion de la protection des enfants contre la pauvreté parmi les vingt principes du socle. Cela montre que les organisations de la société civile peuvent jouer un rôle important dans l’élaboration des politiques sociales européennes.

Maintenant le vrai test sera la mise en œuvre.

Le CESE a demandé une feuille de route pour la mise en œuvre du socle et une répartition claire des tâches entre les différents acteurs. L’UE peut contribuer à la réglementation et donner l’élan nécessaire, mais ce sont les États membres et les organisations de la société civile qui doivent veiller à ce que ces mesures soient mises en œuvre sur le terrain.

S’agissant des institutions européennes:

La Commission a proposé un tableau de bord social à utiliser lorsqu’elle émet des recommandations dans le cadre du Semestre européen.

Elle a également proposé une directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, un règlement relatif à la création d’une autorité responsable du marché du travail, une directive relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles et une recommandation du Conseil concernant l’accès à la protection sociale des travailleurs et des travailleurs indépendants.

La mise en œuvre de ces outils législatifs est en effet essentielle:

Nous avons suivi le Conseil EPSCO du 21 juin et nous nous félicitons des accords conclus lors de cette réunion sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, sur la directive relative aux conditions de travail transparentes et prévisibles et sur les règles régissant la coordination de la sécurité sociale.

Dans le cadre de leurs approches générales, les États membres ont maintenant permis au Conseil de poursuivre les négociations avec le Parlement européen. Cela devrait ouvrir la voie à l’adoption définitive de ces instruments législatifs qui constituent un élément important du socle.

Pour le CESE, les décisions du Conseil EPSCO de juin vont dans le bon sens et offrent une approche équilibrée et raisonnable. Et maintenant, voyons si une approche encore plus ambitieuse peut naître de ces nouvelles négociations.

Nous observons avec prudence, par exemple, une tendance à édulcorer ou à omettre certains éléments susceptibles d’apporter un changement positif pour l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et aidants, tels que le versement d’allocations significatives de congé parental. En outre, la non-transférabilité du congé entre les parents peut être une étape vers la promotion d’une plus grande égalité entre les femmes et les hommes.

Dès lors, le niveau de vigilance du CESE ne baisse pas, bien au contraire!

En fait, nous appelons, plus que jamais, à une mise en œuvre concrète du socle. Nous demandons non seulement l’adoption des propositions adoptées par la Commission mais continuons également à plaider pour des textes ambitieux à même de protéger les citoyens européens qui doivent faire face à des mutations sociales et économiques.

Le CESE a émis des avis ou est en train d’en formuler sur les propositions de la Commission, en soutenant ces initiatives mais en proposant également des améliorations.

Pour le CESE, il reste clair que la seule «option» que nous ne pouvons pas nous permettre de choisir est ne pas agir. Cela reviendrait à porter un regard aveugle sur les besoins de nos citoyens.

Et les citoyens y réagiront en dirigeant leurs frustrations dans deux directions, tant à l’encontre des groupes vulnérables qu’à l’encontre de ceux qui sont au pouvoir.

Ces frustrations alimenteront des voix antidémocratiques. Nous voyons bien quels résultats dangereux peuvent sortir des urnes partout en Europe et à l’échelle internationale, y compris dans mon pays d’origine, où le gouvernement semble pouvoir se tourner contre les plus faibles, ceux qui ont le plus besoin de notre espoir et de notre solidarité.

Nous devons donc redoubler d’efforts pour mettre en œuvre le socle européen des droits sociaux et nous devons en assurer un financement adéquat.

J’ai expressément appelé prendre en compte le socle européen des droits sociaux dans le cadre financier pluriannuel, ainsi que dans la politique de cohésion régionale.

Nous avons également demandé qu’au moins 30 % du futur nouveau Fonds social européen soit alloués au volet «Inclusion sociale», en vue d’un alignement sur les pourcentages que le nouveau FSE + consacre aux volets «Emploi» et «Éducation». Cela va dans le sens, par exemple, de la position similaire adoptée dans un document de Caritas Europe sur le CFP, réseau que je suis heureux de voir représenté au sein de la prochaine table ronde.

Le CESE a également appelé à la mise en place de politiques fiscales appropriées pour permettre un accroissement des investissements sociaux. Les investissements dans l’État-providence sont non seulement une source de progrès social, mais aussi économiquement et fiscalement rentables.

Nous devons dans cette optique soutenir l’économie sociale. Les acteurs privés peuvent être des partenaires très solides dans la fourniture de services sociaux efficaces. C’est la raison pour laquelle j’ai accueilli favorablement, le 6 juin, la proposition du commissaire sur le programme InvestEU, qui mobilisera 650 millions d’euros pour des investissements supplémentaires sur les sept années du CFP et se concentrera sur quatre fenêtres d’opportunité: infrastructure durable; recherche, innovation et numérisation; petites et moyennes entreprises ainsi qu’investissement social et compétences.

Enfin, nous devons renforcer la coopération avec les organisations de la société civile, y compris les organisations confessionnelles, pour contribuer à la mise en œuvre du socle sur le terrain.

Nous devons faire en sorte que nos citoyens soient en mesure d’apporter leur contribution à une rEUnaissance.

Comme l’a dit le Pape François dans son discours aux chefs d’État et de gouvernement à l’occasion du 60e anniversaire du Traité de Rome, «L’Europe trouvera un nouvel espoir lorsque l’homme sera au cœur de ses institutions. Je suis convaincu qu’il faut pour cela être disposé à prêter une oreille attentive et confiante aux attentes exprimées par les individus, la société et les peuples qui constituent l’Union».

Je suis fier que le CESE, qui est la Maison de la société civile, puisse jouer un rôle dans ce processus d’écoute centrée sur la personne et l’action, et contribue ainsi à rendre possible une nouvelle rEUnaissance.

Je vous remercie.

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