Une audition du CESE débouche sur une série de propositions concernant la future politique économique de l’UE

This page is also available in

Bâtir une économie européenne à la fois plus durable et résiliente et achever l’Union économique et monétaire (UEM) devraient constituer des priorités pour la prochaine Commission et pour le prochain Parlement européen; telles sont les conclusions d’une audition publique qu’a tenue le Comité économique et social européen (CESE) le 12 avril 2019.

Les résultats de cette audition enrichiront deux avis d’initiative qu’élabore actuellement le CESE sur la voie que devrait suivre l’économie européenne et qui visent à influer de manière constructive sur les décisions des futurs dirigeants de l’Europe.

En guise d’ouverture, M. Stefano Palmieri, président de la section ECO du CESE, a insisté sur la nécessité que les futures politiques favorisent une économie en mesure d’affronter les chocs et les mutations structurelles durables sans qu’elle ne perde pour autant sa capacité à créer du bien-être sociétal pour les générations présentes et futures.

Des décideurs, des universitaires, des chercheurs et des représentants d’organisations de la société civile ont ensuite débattu d’initiatives politiques susceptibles de déboucher sur une économie de l’UE plus résiliente et durable et de contribuer à achever l’UEM au cours de la prochaine législature et au-delà. Sur cette base, ils ont avancé toute une série de propositions d’action politique.

Afin de progresser sur la voie d’une économie européenne plus résiliente et durable, les intervenants ont jugé essentiel d’assurer la cohérence de l’ensemble des politiques de l’UE avec le programme de développement durable à l’horizon 2030. Ils ont également estimé indispensable de changer l’état d’esprit qui préside aux politiques, et notamment de repenser le modèle actuel de développement économique et d’assurer la cohérence politique.

Il nous faut changer la manière de mesurer la prospérité et il faut pour ce faire recourir à d’autres indicateurs pour mesurer le bien-être et dépasser le stade du PIB, a déclaré M. Maria João Rodrigues, député au Parlement européen.

Au cours de la prochaine législature, une autre priorité devrait consister à relever les défis que posent les mutations du contexte international en matière de relations économiques et de rapports de force, le changement climatique et la quatrième révolution industrielle, ainsi qu’à saisir toutes les chances qu’offrent ces mêmes défis. À cet égard, les décideurs politiques devraient afficher davantage d’ambition et faire en sorte que les transitions nécessaires s’accompagnent de la gouvernance, des financements et de l’équité sociale qui s’imposent.

Selon M. Enrico Giovannini, professeur à l’université de Rome «Tor Vergata», il est nécessaire d’investir davantage notamment dans l’éducation et la formation afin de préparer les transitions énergétique et numérique. Il est essentiel de combler le retard que l’on constate à l’heure actuelle en matière d’investissement, afin aussi d’éviter les chocs causés par ces transitions.

Il incombera également un rôle important aux politiques macroéconomiques afin de libérer de nouvelles ressources, d’augmenter les investissements et d’accroître la productivité, ainsi que de renforcer la convergence économique et sociale. Il a été également proposé de poursuivre l’harmonisation fiscale et de créer de nouvelles ressources propres pour le budget de l’UE, dont notamment un impôt sur le numérique.

Les mesures politiques devraient viser à assurer la stabilité politique et un environnement favorable aux entreprises, ainsi qu’une forte dimension sociale et la résilience des personnes, a estimé Mme Francesca Campolongo, du Centre commun de recherche de la Commission européenne, en s’appuyant sur les études que ce service a récemment menées dans le domaine de la résilience. Les sociétés assurant l’égalité entre les hommes et les femmes et disposant d’un niveau élevé de protection sociale seraient plus résilientes.

Les participants ont également plaidé en faveur de nouvelles réformes structurelles du système d’éducation et de formation, du régime de sécurité sociale, du système fiscal et de la gestion des villes. Ils ont souligné l’importance de mettre en place un système fiscal équitable.

Mettre en place les éléments manquants dans l’architecture de l’UEM pourrait également permettre d’accroître la résilience de l’économie de l’Union. Les participants ont dressé le bilan de l’UEM et débattu des mesures nécessaires pour progresser sur la voie de son achèvement.

Ils ont exprimé la conviction que l’achèvement de l’union bancaire et de l’union des marchés des capitaux revêt une importance capitale. Dans ce contexte, pour favoriser la résilience de l’économie, ils ont jugé essentiel de parvenir à des accords afin de poursuivre la réduction et le partage des risques.

Pour ce qui est d’achever l’union des marchés des capitaux, M. Kai Wynands, chef du cabinet du commissaire Valdis Dombrovskis, a fait valoir que «la crise nous a enseigné la nécessité de diversifier les sources de financement».

S’agissant de l’union bancaire, il a été mentionné qu’il serait possible d’en favoriser la mise en œuvre grâce à des propositions législatives mises à jour concernant le système européen d’assurance des dépôts. Les prêts non performants demeureraient un problème. Pour eux, il serait nécessaire de mettre sur pied un marché secondaire tout comme d’assurer la transparence et de prendre des mesures pour ne pas en créer de nouveaux.

M. Mathias Dolls, du centre Ifo pour la recherche et les enquêtes en macroéconomie, a estimé que le partage des risques constituait le problème le plus important au sein de la zone euro. Les banques détiendraient encore trop de dettes souveraines et la clause de non-renflouement n’aurait aucune crédibilité.

Mme Agnès Bénassy-Quéré, professeure à l’École d’économie de Paris, a proposé de redéfinir le pacte de stabilité et de croissance. Une règle relative aux dépenses pourrait remplacer celle concernant le déficit. Dans le même temps, elle s’est interrogée sur le Semestre européen destiné à la coordination des politiques économiques à l’échelon de l’UE, proposant d’utiliser en lieu et place une règle empirique sur la croissance des salaires et du crédit.

En ce qui concerne le Semestre européen, d’autres participants ont insisté sur la nécessité de traiter de la question de la réalisation des recommandations par pays. À cet égard, il serait essentiel que les États se les approprient, ce que pourraient favoriser des incitations.

M. Mathias Dolls a proposé un système de réassurance chômage pour la zone euro. À en croire ses simulations, un tel dispositif aurait des effets stabilisateurs et redistributifs. Il ne saurait toutefois être envisagé comme une recommandation politique isolée, mais devrait s’intégrer dans un paquet plus large de réformes qui combinent des mesures en vue de renforcer la discipline des marchés et le partage des risques.

Les deux avis d’initiative du Comité sur les thèmes «Vers une économie européenne plus résiliente et durable» et «Une nouvelle vision pour achever l’Union économique et monétaire» seront mis aux voix lors de sa session plénière de juillet 2019. Une fois adoptés, ils seront transmis au Parlement européen nouvellement élu et à la nouvelle Commission afin d’influer sur l’élaboration des politiques au cours de la prochaine législature en faisant valoir la contribution de la société civile organisée.