Des mesures préventives et des approches de substitution ont été proposées à cette fin lors d’une audition du Comité économique et social européen (CESE)
Une Union économique et monétaire (UEM) approfondie et renforcée, ainsi qu’un socle européen des droits sociaux (SEDS) solide pourraient prévenir l’apparition de crises en Europe et éviter ainsi les conséquences dramatiques que les mesures d’austérité ont eu sur les politiques de cohésion et d’inclusion. Les États membres doivent profiter de la reprise économique pour mettre en œuvre les réformes structurelles nécessaires, ce qui permettra aux stabilisateurs automatiques de jouer leur rôle lors de récessions futures. Quant à l’UE, elle doit devenir plus démocratique et plus responsable.
Les situations budgétaires intenables nécessitent des ajustements adéquats, mais les futurs programmes d’assistance doivent d’abord évaluer l’incidence sociale des mesures d’austérité, puis établir un équilibre entre objectifs budgétaires et objectifs sociaux. Ces programmes doivent faire l’objet d’une évaluation continue et être suffisamment souples pour être adaptés si nécessaire. Les créanciers doivent garantir la protection sociale et les investissements publics nécessaires en imposant des conditions relatives aux réductions budgétaires dans les pays en crise. Ils doivent encourager des politiques nationales favorables, renforcer le dialogue social et favoriser les mesures de relance.
Telles sont les principales conclusions de l’audition publique sur le thème «Tirer les leçons du passé: éviter la rigueur des politiques d’austérité dans l’UE» organisée par le CESE le 13 décembre. Elles contribueront à l’élaboration d’un avis d’initiative dont José Custódio Leirião (groupe des activités diverses, Portugal) sera le rapporteur.
L’audition a permis de consolider les enseignements tirés des expériences associées aux mesures d’austérité. Des représentants du CESE, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), de la Commission européenne, du Fonds monétaire international (FMI), de l’Institut syndical européen et de BusinessEurope ont participé à l’audition et dialogué avec le public.
Au début de l’audition, Javier Doz Orrit (président du groupe d’étude du CESE, groupe des travailleurs, Espagne) a pris une position ferme en déclarant que les politiques d’austérité ont aggravé et prolongé la crise en Europe et qu’elles ont eu d’importantes répercussions économiques et sociales. Il a plaidé pour une Union européenne plus forte, dotée d’une dimension sociale adéquate.
M. Leirião a affirmé que, par le passé, les mesures d’austérité ont essentiellement porté sur la stabilité financière et budgétaire, ce qui a entraîné des effets positifs notamment pour les déficits publics, pour les comptes de transactions courantes et de capital et pour l’exportation, tout en ayant des retombées négatives sur les capacités économiques et sur les systèmes de protection sociale. Il a mis en avant la nécessité de mener des politiques de relance dans les États membres concernés.
Xavier Timbeau, directeur principal de l’OFCE au sein de Sciences Po Paris, a déclaré qu’il convient de remédier aux déséquilibres macroéconomiques et à l’excédent de la balance courante de certains pays de la zone euro, afin de garantir la durabilité et éviter la déflation, la montée des inégalités et la survenue de crises dans le futur. Il a préconisé une réorientation vers le secteur public des investissements réalisés dans des actifs à l’étranger, une coordination non contraignante des salaires, des procédures de fixation des rémunérations ainsi que le recours à la dévaluation fiscale.
Roy Dickinson, conseiller à la direction «Politiques, stratégie et communication» de la Commission européenne, a convenu que «nous devons considérer l’UEM et le SEDS comme des enjeux inséparables pour renforcer à la fois l’UEM et sa dimension sociale». Il a reconnu que la crise a fait apparaître les lacunes et les défaillances de l’UEM, que la Commission a traité à l’aide de réformes et de propositions législatives.
Jeffrey Franks, directeur du bureau européen du FMI, a admis que la conception du programme présente des problèmes liés aux périodes de réforme fixées et aux multiplicateurs budgétaires, et s’est prononcé en faveur d’un allégement de la dette, d’une flexibilité accrue et de la conditionnalité des réductions afin d’atténuer la rigueur. Il a indiqué qu’au vu des expériences précédentes, le FMI avait «engagé une réflexion au-delà de l’approche traditionnelle et purement macroéconomique du règlement des déséquilibres, en se penchant sur d’autres questions qui revêtent une grande importance pour les économies, telles que les inégalités, l’emploi et la croissance inclusive, le changement climatique, le taux d’activité des femmes et la corruption».
Sotiria Theodoropoulou, chercheuse confirmée à l’Institut syndical européen, a préconisé la mise en place d’un mécanisme de restructuration de la dette pour les cas de surendettement. Elle a expliqué que les politiques budgétaires nationales pourraient réduire le montant de l’ajustement budgétaire, ce qui aurait pour conséquence d’atténuer la rigueur. James Watson, directeur de Business Europe, a fait valoir que les États membres qui disposent d’un environnement économique plus robuste avaient connu des périodes de récession moins sévères et plus courtes. Il a recommandé de créer un environnement plus favorable aux entreprises et de favoriser l’éducation et le développement des compétences.
L’audition publique organisée au CESE a été précédée de missions d’enquête au Portugal, en Grèce et en Irlande, qui visaient à recueillir des informations détaillées de première main sur les expériences locales en matière de gestion de crise, ainsi que sur les programmes d’ajustement et leurs effets sur l’économie et la société. L’avis d’initiative sera mis aux voix lors de la session plénière du CESE de février 2018.