Pareille crise dans le secteur sidérurgique européen ne s'était plus fait ressentir depuis la fin des années soixante-dix, époque où l'Europe adopta le «plan Davignon» pour tenter de sauver l'acier européen. Cette fois-ci, la crise est due à des pratiques commerciales illicites de la part de concurrents étrangers. Les aciéries européennes sont aujourd'hui à nouveau à l'arrêt. Les fermetures d'usines se poursuivent, comme, dernier exemple en date, au Royaume-Uni. Des travailleurs européens sont licenciés. L'Union européenne a vu les importations chinoises bondir de 120 % depuis 2013 et 7 000 sidérurgistes européens ont perdu leur emploi depuis l'automne 2015.
L'industrie sidérurgique européenne emploie 320 000 personnes, hautement qualifiées, réparties sur plus de 500 sites de production et de transformation situés dans 24 États membres de l'Union. Par ailleurs, plusieurs millions d'emplois supplémentaires dépendent directement ou indirectement[1] de l'acier dans la chaîne de valeur et dans le secteur des services. Ce secteur produit, en moyenne, 170 millions de tonnes d'acier brut par an, dont 60 % sont issus de la production primaire (filière «hauts fourneaux») et 40 % de la production secondaire (recyclage de ferrailles d'acier dans des fours à arc électrique). Selon les données d'Eurofer, en 2015, le secteur a réalisé un chiffre d'affaires d'environ 166 milliards d'euros, soit 1,3 % du PIB de l'Union européenne.
La vigueur du secteur européen de l'acier, dont les sites de production sont disséminés dans toute l'Union européenne, est essentielle pour parvenir à l'objectif que s'est fixé l'Union européenne d'augmenter de 20 % d'ici 2020 la part des activités industrielles dans le PIB.
En raison de ses propriétés exceptionnelles en matière de résistance, de formabilité et de polyvalence, l'acier est utilisé dans de nombreuses applications. Son importance augmentera encore à l'avenir, puisque davantage de matériaux nobles seront nécessaires pour rendre l'économie plus verte. L'acier européen est à la base de différentes chaînes de valeur industrielles et est étroitement lié à divers secteurs manufacturiers. Le secteur développe et fabrique des milliers de produits innovants en acier. Ceux-ci posent les fondements de l'innovation, de la durabilité, de la réduction des émissions de CO2 et d'économies d'énergie dans des domaines aussi variés et essentiels que l'automobile, le bâtiment, les machines, les produits «blancs» et «bruns», les technologies à faible intensité de carbone et les énergies renouvelables. De nouvelles technologies innovantes s'appuient sur un solide réseau européen de recherche et de développement de l'acier qui, grâce à sa diversité et à sa coopération avec d'autres secteurs, est unique au monde.
L'acier, épine dorsale de l'économie circulaire
L'acier, matériau durable, réutilisable et 100 % recyclable, est permanent; son stock anthropique constituera une ressource précieuse à l'avenir. Tous les éléments en acier, même ceux qui ont été fabriqués il y a 150 ans, peuvent être recyclés aujourd'hui pour être utilisés dans de nouveaux produits ou de nouvelles applications. Les taux globaux de récupération de l'acier (recyclage) sont estimés à 85 % pour le secteur du bâtiment et pour celui de l'automobile, à 90 % pour le secteur des machines et à 50 % pour les appareils électroménagers.
L'industrie sidérurgique européenne est reconnue comme faisant partie des industries les plus économes en énergie et en ressources au monde. La quantité d'énergie nécessaire à la production d'une tonne d'acier a chuté de 50 % depuis 1960. Un nouveau type d'acier, l'acier léger, modifie de façon radicale le marché. En 1937, il a fallu 83 000 tonnes d'acier pour construire le pont du Golden Gate à San Francisco. Aujourd'hui, il n'en faudrait que la moitié. C'est le même esprit d'innovation qui a aussi permis d'utiliser l'acier dans la fabrication des voitures, qui sont aujourd'hui 39 % plus légères qu'il y a 20 ans, et de réduire les émissions sur la durée de vie d'environ 70 %.
Au-delà de son excellent produit, le secteur a toujours pu s'appuyer sur une main-d'œuvre disposée et apte à s'adapter et à innover. Grâce à l'innovation dont font preuve les travailleurs dans ce secteur, nous avons pu accroître la productivité: là où, auparavant, il fallait près de 5 000 travailleurs pour produire un million de tonnes d'acier, aujourd'hui, moins de 1 000 travailleurs suffisent généralement pour produire cette même quantité. Et cette tendance se poursuit. Aujourd'hui, 97 % des sous-produits de l'acier, tels que les gaz issus de la production d'acier (gaz résiduaires) et les scories, sont utilisés le plus efficacement possible et permettent de préserver les ressources naturelles. Il en va de même pour les résidus produits par les procédés de fabrication de l'acier.
Plutôt que d'être brûlés, les gaz résiduaires sont récupérés pour la production de chaleur et d'électricité (remplaçant ainsi le charbon ou le gaz naturel). Plutôt que d'être mises en décharge, les scories sont utilisées dans les secteurs du ciment (à la place du clinker) et du bâtiment (comme pierre artificielle en remplacement d'agrégats naturels). Ces deux sous-produits remplacent des millions de tonnes de matières premières primaires et réduisent les émissions de CO2 de millions de tonnes chaque année[2]. Les composés chimiques (acide sulfurique, soufre, sulfate d'ammonium, BTX, goudron, émulsions) sont des matières premières précieuses pour l'industrie chimique.
Des applications européennes innovantes de l'acier peuvent permettre de diminuer les émissions de CO2 dans l'Union d'un facteur supérieur aux émissions de l'industrie sidérurgique européenne dans son ensemble. De manière générale, le secteur européen de l'acier est déterminé à participer positivement à une économie plus durable en Europe en offrant des produits de l'acier innovants, nécessaires au développement de solutions à faible intensité de carbone dans toute une série de secteurs, et en réduisant ses propres émissions de CO2. L'acier est l'un des atouts stratégiques de l'Europe et il constitue dès lors un élément fondamental de notre sécurité nationale.
Michal PINTER
Délégué de la CCMI
Groupe des employeurs
[1] L'indicateur en matière d'emploi de l'industrie sidérurgique allemande est par exemple de 6,5.
[2] The Boston Consulting Group, Steel Institute VDEh (2013), "Steel's Contribution to a Low-Carbon Europe 2050. Technical and economic analysis of the EU27 steel sector’s CO2 abatement potential".