L’Union européenne est invitée à apporter un soutien politique accru aux États membres en matière de lutte contre les inégalités lors d'une audition publique du CESE

L’augmentation des inégalités est un problème qui ne peut plus être ignoré. Ce phénomène est la cause d’une fracture entre différents groupes sociaux et a contribué à la montée en puissance des mouvements et partis extrémistes. Il s’agit là d’un facteur de déstabilisation, aussi bien pour l’économie que pour la société, et il nous appartient de régler de toute urgence ce problème – tels sont les messages essentiels que le rapporteur a voulu faire passer dans un projet d’avis d’initiative du CESE intitulé «Partage inégal des richesses en Europe: disparités entre les États membres en matière de revenus et d’emploi».

Le 23 juin dernier, le CESE a organisé une audition publique sur ce thème rassemblant divers avis d’experts qui représentent les institutions européennes, le monde universitaire et la société civile. «Notre tâche consiste à déterminer ce que l’Union peut faire pour inverser la tendance à une augmentation des inégalités entre les classes sociales, en complément des efforts déployés par les États membres dans ce domaine. Instaurer un ensemble de mesures possibles au niveau de l’Union est la clé pour s’attaquer aussi aux écarts existants entre pays» a déclaré M. Joost van Iersel, président de la section ECO, au début de la réunion.

Les chiffres présentés montrent la nécessité d’une action urgente. M. Wilfried Altzinger de l’Université d’économie de Vienne, a fait remarquer que, du milieu des années 40 au milieu des années 80, les niveaux d’inégalité avaient chuté en raison de politiques fiscales orientées vers une meilleure redistribution des revenus. En revanche, à partir du milieu des années 80, lorsqu’on s’est engagé pour des décennies de baisses d'impôts et d’assouplissement de la réglementation financière, les inégalités sont reparties dans la direction opposée. Entre 1993 et 2015, 1 % des personnes les plus riches ont vu leurs revenus augmenter de 52 % tandis que ceux des 99 % restants ne progressaient que de 14,3 %.

M. Wiemer Salverda, de l’université d’Amsterdam, a souligné l’impact politique d’une répartition extrêmement inégale des richesses, donnant à ceux qui se trouvent tout en haut de l’échelle des richesses un pouvoir économique et politique faramineux. Il se peut qu’une telle évolution nuise à l’équité en matière de concurrence sur les marchés, de consommation et d’investissement dans l’économie réelle. Il a également souligné l’importance sociale des gros héritages qui tendent à approfondir le clivage entre ceux qui en bénéficient et le reste de la population qui se trouve écrasée sous le poids des difficultés financières. Ces problèmes sont encore renforcés par l’accentuation de la mobilité géographique de la richesse qui permet son transfert vers des paradis fiscaux et, partant, favorise l'accroissement de l’évasion fiscale.

M. Javi López, auteur d’un rapport du Parlement européen sur «La lutte contre les inégalités comme moyen d’action pour stimuler la création d’emplois et la croissance» a déclaré «nous avons certes besoin de croissance pour lutter contre les inégalités, mais nous devons aussi lutter contre les inégalités pour réaliser la croissance». En ce qui concerne le socle européen des droits sociaux, M. López a déclaré qu’il fallait à l’Europe davantage qu’une simple liste de recommandations – selon lui, l’Europe doit également se doter d’une politique sociale commune assortie de règles appropriées pour rééquilibrer le semestre européen.

Que convient-il de faire?

Une étape importante de la lutte contre les inégalités consisterait à rechercher le retour au plein emploi. Les participants ont également estimé que les mécanismes de négociation collective dans l’ensemble de l’Union devraient être renforcés, non seulement dans les entreprises, mais aussi au niveau sectoriel. En outre, la lutte contre l’évasion fiscale doit être renforcée grâce à une meilleure coopération européenne et internationale. La lutte contre les inégalités doit également être mieux intégrée au processus décisionnel par le biais d’un ensemble d’indicateurs spécifiques destinés à l’usage du semestre européen. Les inégalités entre catégories sociales devraient être prises en considération dans l’ensemble des délibérations politiques. D’autres mesures importantes passent par des mesures de politique fiscale: alléger la fiscalité du travail et la réorienter vers le haut de l’échelle de la richesse en particulier (en moyenne, 10 % de la population détient 50 % de la richesse européenne). Les participants ont également appelé à une meilleure collecte des données, sachant que les très riches sont sous-représentés dans les données actuelles.

«L’évasion fiscale et la fraude fiscale ne doivent pas être considérées comme une question mineure. L’Europe et ses États membres doivent reprendre la main sur leur souveraineté budgétaire et fiscale en instaurant une coopération plus étroite, en faisant progressivement converger leur fiscalité et en alignant leurs politiques budgétaires. Une telle approche devrait s’accompagner de la création d’un registre financier pour les grosses fortunes, ainsi que de la garantie d’une évaluation comparative et de la sauvegarde des droits de négociation collective dans l’ensemble des États membres», a déclaré M. Plamen Dimitrov, rapporteur du CESE pour l’avis sur le partage inégal des richesses. L’adoption de l’avis qui prendra en considération les conclusions de cette audition publique est prévue pour la session plénière du CESE des 20 et 21 septembre 2017.