À l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation, le CESE estime qu’il est essentiel de revoir l’ordre des priorités et de placer la sécurité alimentaire et la durabilité au premier rang du programme de l’Union

Les événements récents liés à la COVID-19, les phénomènes météorologiques extrêmes imputables au dérèglement climatique, les cyberattaques ou encore le Brexit démontrent la nécessité de revoir l’ordre des priorités et d’améliorer la résilience et la durabilité des systèmes alimentaires, en renforçant leur autonomie. Pour de nombreux citoyens européens, la sécurité alimentaire n’a rien d’une évidence.

Dans son avis d’initiative intitulé «Autonomie stratégique, sécurité alimentaire et durabilité»[1], qui sera mis aux voix lors de sa prochaine session plénière des 21 et 22 octobre, le CESE propose de définir l’autonomie stratégique ouverte dans le domaine des systèmes alimentaires en s’appuyant sur la production des aliments, la main-d’œuvre et le commerce équitable, avec pour visée globale de donner à tous les citoyens de l’Union européenne une garantie de sécurité et de durabilité de leur alimentation, grâce à une chaîne d’approvisionnement alimentaire qui soit saine, équitable, durable et résiliente.

De l’avis du CESE, la meilleure voie à suivre pour assurer l’autonomie stratégique ouverte et la durabilité des systèmes alimentaires consiste à développer une panoplie d’instruments parmi lesquels figureront des mesures de gestion des risques qui aideront les chaînes d’approvisionnement alimentaire à gérer des situations exceptionnelles et qui permettront aux pouvoirs publics, aux agriculteurs et aux entreprises de réagir de façon immédiate.

L’Union européenne doit mettre au point des plans très concrets pour répondre rapidement à certains événements, comme des pannes d’électricité, des défaillance du réseau ou des cyberattaques, qui, du fait d’interdépendances, dégénèrent au point de devenir incontrôlables. On peut citer pour exemples les cas d’une ville qui doit être placée sous confinement pour plusieurs semaines, d’une coupure de courant durant plusieurs jours, ou encore d’une cyberattaque lancée contre un acteur du secteur de la distribution alimentaire.

Dans le cadre de la stratégie «De la ferme à la table», la Commission européenne élabore actuellement un plan d’urgence pour l’approvisionnement et la sécurité alimentaires de l’Union européenne, ainsi qu’un mécanisme connexe de réaction aux crises alimentaires. Ces initiatives devraient contribuer à sensibiliser davantage aux risques et s’attacher à repérer les principaux d’entre eux, à les évaluer et à en effectuer un suivi, au moyen d’épreuves de résistance aux pressions, au niveau de l’Union comme des États membres, ainsi qu’à favoriser la mise en œuvre de mesures pour résoudre les problèmes rencontrés.

Garantir la durabilité de la production alimentaire, des conditions de travail et des échanges

Selon la Commission, «l’autonomie stratégique ouverte met l’accent sur la capacité de l’UE de faire ses propres choix et de façonner le monde qui l’entoure par son rôle de chef de file et par son engagement, à la lumière de ses intérêts stratégiques et de ses valeurs». Grâce à elle, l’Union européenne peut devenir plus forte, d’un point de vue économique et géopolitique tout à la fois, en se montrant[2]:

  • ouverte aux échanges et aux investissements qui aideront son économie à se redresser après les crises et à rester compétitive et connectée avec le reste du monde;
  • durable et responsable, prenant une position de chef de file à l’échelle internationale pour construire un monde plus vert et plus équitable, en renforçant les alliances existantes et en nouant le contact avec de nombreux partenaires;
  • ferme face aux pratiques déloyales et coercitives et prête à faire respecter ses droits, en favorisant toujours, dans le même temps, la coopération internationale pour la résolution des problèmes mondiaux.

D’après le CESE, pour que l’«autonomie stratégique ouverte» devienne une réalité dans le secteur agroalimentaire, il convient de diversifier davantage les systèmes alimentaires, de renforcer les effectifs de l’agriculture, notamment en attirant des jeunes vers ce secteur et en y garantissant des conditions de travail et des rémunérations décentes, ainsi que d’assurer la conformité des politiques commerciales avec les normes européennes en matière de durabilité alimentaire.

Pour améliorer les mécanismes d’adaptation, il est également nécessaire de développer les systèmes alimentaires existants et, dans le même temps, de les diversifier, notamment sous la forme de modèles entrepreneuriaux pour les magasins à la ferme, l’agriculture urbaine et verticale et, plus généralement, l’approche de «production locale destinée aux besoins locaux». Cette démarche, qui demande que les agriculteurs et les cultivateurs mettent plus largement en application les résultats de la recherche et de l’innovation, devrait contribuer à réduire autant que faire se peut le risque que des «déserts alimentaires» ne se forment et que la production ne souffre de morcellement. Dans le même temps, il conviendrait de renforcer les avantages que procure un système de distribution efficace qui part des exploitations pour aboutir aux marchés, en passant par les étapes de la transformation.

Pour assurer une production à long terme d’aliments sains et disponibles en quantité suffisante, tout en dégageant des sources de revenus viables, il importe également d’utiliser les ressources naturelles d’une manière durable, qui préserve le potentiel édaphique et hydrique, lutte contre le changement climatique et les pertes de biodiversité et respecte le bien-être animal.

Les exploitations et les terres agricoles fertiles, tout comme l’eau, constituent des actifs stratégiques, et elles doivent être protégées dans toute l’Union européenne, car elles forment la colonne vertébrale de notre autonomie stratégique en matière alimentaire, a souligné Klaas Johan Osinga, rapporteur du CESE pour cet avis.

La politique agricole commune (PAC) joue ici un rôle économique, social et environnemental essentiel pour préserver les capacités stratégiques de production, la sécurité des denrées alimentaires et leur disponibilité en quantité suffisante. Elle est censée stabiliser les marchés dans les phases de crise, tout en offrant un filet de sécurité aux agriculteurs et aux transformateurs, et en assurant la protection de l’environnement, de la main-d’œuvre, du climat et du bien-être animal.

L’Union européenne, enfin, doit s’assurer que ses frontières restent ouvertes en toute sécurité et que la main-d’œuvre et la logistique de la production et du transport alimentaires continuent à être opérationnelles, grâce à des «voies réservées» tant à l’intérieur de son territoire que pour les liaisons avec l’extérieur. À cette fin, il est indispensable de disposer d’un puissant mécanisme qui assure la coordination entre les États membres, la Commission et les pays tiers.

[1]            Avis du CESE sur le thème «Vers une chaîne d’approvisionnement alimentaire équitable» (non encore paru au JO).

[2]            Réexamen de la politique commerciale, Commission européenne.