Les personnes handicapées restent invisibles pour les employeurs et la société

Si les personnes en situation de handicap sont en droit de s’intégrer pleinement dans la société, la possibilité ne leur en est toujours pas offerte.

Le 20 juin dernier, le Comité économique et social européen (CESE) a organisé une audition qui a permis de présenter les effets positifs qu’exerce l’embauche de personnes handicapées, mais aussi d’adresser une mise en garde contre les préjugés et la victimisation, qui comptent encore parmi les principaux facteurs à l’origine de leur exclusion persistante de la société et des marchés du travail.

L’audition intitulée «Les personnes handicapées en tant que capital humain: leur contribution à l’économie et à la société» a rassemblé des représentants du CESE, de la Commission et du Forum européen des personnes handicapées, ainsi que de deux entreprises qui emploient avec succès des personnes handicapées. Elle était organisée par le groupe d’étude du CESE sur les droits des personnes handicapées.

Les intervenants se sont accordés à dire qu’en dépit des nombreux efforts déployés pour établir un cadre juridique favorable à l’embauche des personnes en situation de handicap, les inégalités subsistent puisque les statistiques les plus récentes font état d’un écart de 26 points de pourcentage entre leur taux d’emploi et celui des personnes qui ne souffrent d’aucun handicap. Le taux d’emploi des femmes handicapées est même encore plus bas et s’élevait à tout juste 18 % en 2015. L’écart de rémunération entre les personnes porteuses d’un handicap et celles qui ne le sont pas a également été évoqué.

De nombreux éléments attestent que le coût de la vie est plus élevé pour les personnes handicapées et que leurs salaires sont plus faibles. Leur rémunération est inférieure de 11 % à celle de leurs collègues qui n’ont pas de handicap, a indiqué Mme Catherine Naughton du Forum européen des personnes handicapées, ajoutant que cette situation avait également pour effet d’exposer davantage ces personnes au risque d’exclusion sociale et de pauvreté.

Pourtant, les données montrent que les personnes handicapées affichent un niveau de productivité et des taux de maintien à leur poste élevés, ainsi que des taux d’assiduité supérieurs à ceux de leurs collègues qui n’ont pas de handicap. Toutefois, de nombreux employeurs hésitent encore à les recruter, alors même que le coût que représente l’adaptation du lieu de travail à leurs besoins est souvent très faible, voire nul.

Toute une série de peurs et de stéréotypes négatifs sont ancrés dans l’esprit des décideurs et des personnes responsables du recrutement. Ce sont les mentalités qui constituent le principal problème, a fait observer M. Krzysztof Pater, président de l’observatoire du marché du travail du CESE.

Le plus important est de se départir de cette perception “médicale” des personnes handicapées et de ne plus les considérer comme des malades, incapables de s’intégrer dans la société. Il serait temps de voir en elles des individus qui peuvent accomplir une multitude de tâches pour peu qu’on leur en laisse l’occasion et qu’on les aide à y parvenir, a souligné Mme Elena Schubert de la Commission.

L’assimilation des personnes porteuses d’un handicap à des victimes est aussi l’une des raisons pour lesquelles elles restent bien souvent «invisibles» pour les employeurs, qui n’ont pas conscience, de leur côté, des compétences et des talents dont ces personnes peuvent disposer.

Nous devons mettre un terme à cette victimisation, afin de montrer qu’il existe un réel potentiel. De nombreux employeurs sont prêts à recruter des personnes en situation de handicap, mais nous ne savons simplement pas où les trouver. Comment pouvons-nous leur offrir cette opportunité?, s’est interrogée Mme Madi Sharma, membre du CESE.

Mme Schubert a indiqué que la Commission prévoyait le lancement d’une évaluation indépendante pour évaluer l’efficacité de l’actuelle stratégie de l’UE en faveur des personnes handicapées, qui repose sur la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CNUDPH), à laquelle l’Union a adhéré en 2011.

Le socle européen des droits sociaux comporte également un principe portant spécifiquement sur l’inclusion des personnes handicapées au sein des marchés du travail et de la société, énonçant leur droit à vivre dans la dignité. En dépit d’un cadre législatif solide pour ce qui a trait à l’emploi, la protection juridique des personnes handicapées en dehors de la sphère du travail reste insuffisante.

L’une des principales causes de leur mauvaise intégration sur les marchés du travail est leur accès insatisfaisant à une éducation et une formation inclusives. L’éducation devrait être adaptée individuellement afin de répondre à leurs besoins, tout en étant inclusive dès le plus jeune âge.

Les deux exemples présentés lors de l’audition ont montré qu’il était possible d’obtenir des résultats considérables dès lors qu’on cesse de se focaliser sur les inaptitudes afin de mettre l’accent sur les compétences.

En Espagne, le groupe d’entreprises sociales Ilunion emploie près de 35 000 personnes dans 50 secteurs d’activité. Plus de 40 % d’entre elles sont porteuses d’un handicap.

L’entreprise belge Passwerk emploie avec succès des ingénieurs souffrant d’un trouble du spectre autistique en mettant à profit leurs compétences particulières pour effectuer des tests de logiciels. Son directeur, M. Dirk Rombaut, a indiqué que l’entreprise dégageait chaque année quelque 360 millions d’euros d’épargne et que les revenus générés rendaient négligeable le coût que représente l’embauche de personnes autistes.

La diversité est sans nul doute un facteur de valeur ajoutée sur le lieu de travail. Des entreprises comme la nôtre sont une source d’espoir pour un très grand nombre de personnes, a fait valoir M. Rombaut.