L’intégration réussie des ressortissants de pays tiers dans les marchés du travail de l’Union européenne devrait être considérée comme une véritable chance pour la société dans son ensemble, et les mesures prises à cet égard pourraient être utilisées pour améliorer les perspectives de tous les citoyens, en particulier celles d’autres groupes défavorisés, comme les minorités et les chômeurs de longue durée: tel est le constat qui est ressorti d’une conférence organisée ce mois-ci au Comité économique et social européen (CESE).
Les orateurs de la conférence intitulée «De la gestion de crise à la pratique quotidienne ‒ Enseignements tirés de l’intégration des réfugiés en vue des politiques futures relatives au marché du travail et au domaine social» ont indiqué que l’échec de l’intégration des réfugiés qui resteront dans l’UE pourrait entraîner une déstabilisation et une montée des mouvements populistes à travers l’Europe, un risque qui fait de l’intégration une priorité politique de tout premier plan.
«Certes, investir dans l’intégration à court et moyen terme a un coût. Mais il s’agit d’un investissement non seulement dans les réfugiés mêmes, mais aussi dans l’ensemble de la société, dans des mesures susceptibles d’être utiles pour tous et d’améliorer la cohésion sociale et la croissance économique», a déclaré dans son discours d’ouverture M. Pavel Trantina, président de la section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté» du CESE.
«Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour soutenir l’intégration des migrants. Leur travail apporte une valeur ajoutée à nos sociétés», a indiqué M. Carlos Trindade, président de l’observatoire du marché unique (OMU) du CESE, qui organisait la conférence conjointement avec la Commission européenne. «Les initiatives positives doivent toutefois être étendues à d’autres groupes vulnérables de la société d’accueil pour que la cohésion sociale devienne une réalité», a-t-il ajouté.
Faisant le point sur les efforts déployés récemment dans ce domaine, la conférence a présenté différentes initiatives et projets pertinents lancés par la société civile, les institutions de l’UE, les autorités nationales et des fondations partout en Europe. Ces projets ont été exposés dans le cadre de plusieurs ateliers axés sur la recherche d’emploi et la mise en concordance de l’offre et de la demande d’emploi, les compétences et les qualifications, le logement et l’inclusion, les enfants et les jeunes adultes ainsi que l’intégration rapide sur le marché du travail
L’un des projets présentés était l’outil européen de profilage des compétences des ressortissants de pays tiers, élaboré par la Commission et lancé pour la première fois à l’occasion de la conférence. Cet outil multilingue devrait permettre de cerner et de recenser les compétences des réfugiés et servir de base pour offrir des conseils personnalisés sur les prochaines étapes telles que la validation des compétences et la reconnaissance des diplômes.
La manifestation a par ailleurs mis l’accent sur des initiatives d’intégration accélérée mises en place par des pays nordiques, qui prévoient des mesures ciblées et intégrées en faveur des réfugiés et des demandeurs d’asile, en particulier lorsqu’il y a une pénurie de compétences.
À l’heure actuelle, 20 millions de ressortissants de pays tiers, soit 4 % de la population totale de l’UE, résident légalement dans l’UE et ce chiffre devrait encore augmenter. En 2015, quelque 54 % des migrants en âge de travailler avaient un emploi, contre 66 % des ressortissants du pays d’accueil dans le même groupe d’âge. Par ailleurs, toujours en 2015, 45 % seulement des femmes issues de l’immigration occupaient un emploi.
Selon Mme Manuela Geleng, directrice faisant fonction à la DG Emploi, affaires sociales et inclusion de la Commission européenne, le taux de pauvreté des migrants est également plus élevé et ils occupent souvent des postes d’un niveau inférieur à leurs qualifications. «Nous devons repenser la façon dont nous intégrons les personnes issues de l’immigration dans notre société. Réussir leur intégration est aujourd’hui une priorité pour l’Europe et le restera à long terme», a-t-elle rappelé.
Bien que l’intégration des réfugiés qui restent dans l’Union s’améliore au fil du temps, il leur faut encore jusqu’à 20 ans en moyenne pour arriver à un taux d’emploi similaire à celui des autochtones.
M. Matthias Oel, directeur à la DG Migration et affaires intérieures de la Commission, a souligné l’importance d’un cadre européen qui permette aux États membres d’adopter une approche intégrée et de coopérer sur cette question dans tous les domaines d’action. Ce cadre a été prévu par le plan d’action de la Commission pour l’intégration des ressortissants de pays tiers de 2016.
Les orateurs de la conférence ont recensé plusieurs questions qui doivent être examinées afin de favoriser et d’accélérer l’intégration, telles que le cadre juridique, les mesures politiques, l’éducation et la reconnaissance des compétences existantes.
Une combinaison de formation linguistique et de formation sur le tas, des initiatives d’«intervention précoce» visant à raccourcir les délais d’accès aux marchés du travail, la fourniture d’informations juridiques claires et la suppression des obstacles juridiques sont autant de solutions permettant une intégration plus rapide.
Il a également été jugé crucial d’éviter les solutions universelles et de favoriser la coopération avec les collectivités locales et les partenaires sociaux. «Les partenaires sociaux peuvent contribuer à une action efficace en matière d’intégration lorsque l’application des politiques publiques laisse à désirer», a déclaré Mme Claire Courteille-Mulder de l’Organisation internationale du travail (OIT).
Mme Heather Roy, d’Eurodiaconia, un réseau chrétien d’ONG œuvrant pour la justice sociale, a souligné qu’il était important de permettre aux réfugiés de s’exprimer sur cette question et a fait valoir qu’en matière d’inclusion sociale, la participation à la société était aussi importante que la croissance économique et l’emploi ‒ tout comme le changement des mentalités.
«Notre société n’est pas faite de segments. C’est un cercle, et la question est de savoir comment élargir ce cercle pour qu’il inclue tout le monde», a déclaré Mme Roy. «Nous, qui sommes privilégiés, avons des difficultés avec l’accueil dans notre société. Nous devons élargir le cercle.»