L’antitsiganisme structurel et la mauvaise qualité de l’enseignement sont les principales entraves à l’intégration des Roms sur le marché du travail

Le 11 juin, le Comité économique et social européen (CESE) a organisé une audition sur la lutte contre la discrimination des Roms à l’emploi et à l’embauche, qui a révélé que les stratégies actuelles visant à favoriser leur inclusion sur le marché du travail sont loin d’être efficaces.

En 2016, seuls 25 % des Roms de plus de 16 ans avaient un emploi rémunéré tandis que 63 % des jeunes Roms âgés de 16 à 24 ans ne travaillaient pas et ne suivaient ni études ni formation.

L’audition intitulée «Lutter contre la discrimination dans l’emploi et le recrutement des Roms», organisée par le groupe d’étude du CESE sur l’intégration des Roms, a révélé que la situation des femmes roms était encore pire, étant donné que dans de nombreux États membres, leur taux de participation au marché du travail a continué à baisser entre 2011 et 2016 pour tomber à 16 %.

Ces chiffres proviennent de l’enquête sur les Roms datant de 2011 et de la deuxième enquête de l’Union européenne sur les minorités et la discrimination (EU-MIDIS II) de 2016, qui ont examiné la situation dans les pays de l’UE comptant une importante population rom, notamment la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie, l’Espagne et la Grèce.

Lors de l’audition, les chiffres ont été présentés par Grigorios Tsioukas, de l’Agence des droits fondamentaux (FRA). Parmi les autres participants à l’audition figuraient des membres du CESE et des représentants du Centre européen pour les droits des Roms, du réseau ERGO, de l’Open Society Institute et de la Fundación Secretariado Gitano d’Espagne.

Les Roms sont davantage victimes de discrimination lorsqu’ils recherchent un emploi, mais ils se sentent moins discriminés une fois qu’ils sont salariés, a déclaré M. Tsioukas. Il existe un antitsiganisme structurel dans la société européenne. Si vous êtes à la recherche d’un emploi, être Rom constitue un inconvénient majeur.

Les actuels programmes de travaux publics, qui ont été conçus pour favoriser l’activation des chômeurs dans les États membres, n’ont pas toujours produit les résultats escomptés.

Ainsi, Bernard Rorke, du Centre européen pour les droits des Roms, a lancé une mise en garde contre ce type de programmes, qui, en Hongrie, donnent lieu à des conditions de travail extrêmement humiliantes pour les Roms plutôt que de favoriser leur bonne intégration dans le marché de l’emploi.

Les salaires proposés sont inférieurs au revenu minimum, ce qui ne fait qu’accroître la pauvreté de la population rom, représentant 76 % des plus démunis en Hongrie.

En outre, les autorités centrales n’ont souvent aucune idée de la manière dont ces programmes sont mis en œuvre au niveau local; certains maires pourraient ainsi prendre des décisions arbitraires, voire se servir du programme pour contraindre les bénéficiaires à leur apporter leur soutien politique, par exemple en les menaçant de leur retirer les avantages du programme s’ils ne leur accordent pas leur voix aux élections.

En ce qui concerne le dispositif de garantie pour la jeunesse de la Commission, celui-ci n’a pas touché les jeunes Roms dans la mesure souhaitée, car les bénéficiaires potentiels ont eu beaucoup de difficultés à accéder aux services offerts en raison de la complexité et de la lourdeur excessives des procédures d’inscription, selon Carmen Tanasie, du réseau européen des organisations de terrain de défense des Roms, ERGO (European Roma Grassroots Organisations).

Elle a ajouté que bon nombre d’entre eux ne savaient même pas qu’ils pouvaient bénéficier de ce dispositif, ou bien vivaient dans des zones rurales et n’en avaient aucun usage.

Les participants ont souligné l’importance de l’éducation, qui offre de meilleures perspectives d’emploi: les Roms ayant achevé au moins l’enseignement secondaire supérieur ont presque deux fois plus de chances de trouver un emploi que ceux qui n’ont pas été plus loin que l’enseignement fondamental.

Les intervenants ont aussi sévèrement critiqué l’abaissement à 16 ans de l’âge de la scolarité obligatoire.

Les jeunes Roms quitteront l’école sans compétences, seront orientés vers un programme de travaux publics sans aucune perspective d’entrée sur le marché de l’emploi et le cycle de la pauvreté se poursuivra, a déclaré M. Rorke.

Mme Tanasie a présenté les résultats d’un travail de recherche mené par ERGO, qui a donné lieu à plusieurs recommandations, portant notamment sur la prévention du décrochage scolaire des jeunes Roms, en particulier des filles; l’investissement dans la lutte contre l’antitsiganisme structurel dans les écoles et dans la société; la formation des employeurs à la lutte contre l’antitsiganisme; l’investissement dans une éducation de qualité adaptée aux besoins du marché du travail; le soutien de l’esprit d’entreprise et le recrutement de Roms ayant un niveau élevé d’instruction à des postes de haut niveau dans le secteur public.

Malgré les statistiques peu réjouissantes, certaines bonnes pratiques ont été observées dans l’UE. Acceder, un programme financé par le Fonds social européen et géré par la Fundación Secretariado Gitano, en Espagne, en est un exemple.

Acceder, qui était à l’origine un projet régional de très petite envergure, s’est transformé en un programme national d’intermédiation sur le marché de l’emploi en faveur de l’embauche et de l’emploi des Roms. Acceder avait pour but de renforcer leurs compétences de base et leurs qualifications professionnelles et a mené des actions de sensibilisation aux préjugés très répandus à leur égard.

Nous devons travailler sur une série d’obstacles rencontrés par les Roms qui souhaitent entrer sur le marché du travail, notamment la discrimination, la formation, l’expérience, les références, l’information et la motivation. Nous développons des parcours personnalisés d’insertion dans la vie professionnelle et des solutions adaptées à chaque individu, quel que soit le contexte, a déclaré Rafael Saavedra.

Le réseau ERGO a récemment publié les dix meilleures pratiques en matière d’emploi des jeunes Roms dans cinq États membres d’Europe orientale, qui ont montré qu’il existait des mesures efficaces en faveur de l’emploi des Roms. La plupart de ces mesures consistent à accompagner les Roms avant leur entrée sur le marché du travail ou à créer des possibilités d’emploi indépendant pour les Roms.

Parmi les dix meilleures pratiques figure le programme «Bridging Young Roma and Business» («Rapprocher les jeunes Roms des entreprises»), présenté lors de l’audition par Dimitar Dimitrov, de l’Open Society Institute. Ce programme a encouragé l’insertion professionnelle de jeunes Roms instruits dans le secteur privé en Bulgarie et en Hongrie.

En guise de conclusion, Ákos Topolánszky, membre du CESE, a déclaré: La discrimination de la population rom sur le marché du travail est systémique. Les programmes et les stratégies-cadres ne suffisent pas; ce dont nous avons besoin, ce sont des solutions systémiques, et nous devons changer notre façon de penser.

Sinon, ces mesures ne représenteront que quelques actes héroïques dans un océan de discrimination, a-t-il souligné.