L’audition du CESE sur le nouveau CFP et la politique de cohésion à travers le prisme du handicap a mis en lumière certaines lacunes dans la proposition de la Commission
Les propositions de la Commission européenne relatives à l’adoption de nouvelles règles pour les Fonds qui sous-tendent la politique de cohésion de l’UE n’ont pas inclus l’égalité ni l’accessibilité pour les personnes handicapées dans les critères obligatoires d’éligibilité au financement. Les fonds publics risquent donc d’être utilisés pour financer des infrastructures ou des services qui ne feront qu’accroître les discriminations, a révélé l’une des auditions organisées par le CESE.
L’accessibilité dans le prochain cadre financier pluriannuel est purement théorique
, a déclaré M. Ioannis Vardakastanis, membre du CESE et l’un des principaux intervenants lors de l’audition publique intitulée «Le nouveau CFP et la politique de cohésion: comment mieux utiliser les fonds de l’UE pour les personnes handicapées dans le nouveau cadre financier?», organisée le 23 octobre dernier par le groupe d’étude du CESE sur les droits des personnes handicapées.
L’audition, à laquelle ont participé des représentants du CESE, de la Commission européenne et de diverses ONG, a été consacrée à l’examen de la proposition de nouveau règlement portant dispositions communes (RPDC) – qui établit des dispositions communes pour sept Fonds gérés conjointement avec les États membres, lesquels constituent les principaux outils de mise en œuvre de la politique de cohésion –, ainsi que des éventuelles conséquences qu’il pourrait avoir pour les politiques en matière de handicap.
Les réglementations régissant l’utilisation des différents Fonds relevant du RPDC, tels que le Fonds social européen plus (FSE+), le Fonds européen de développement régional (FEDER) ou le Fonds de cohésion (FC), ont également été étudiées. M. Javier Doz Orrit, rapporteur du CESE pour le cadre financier pluriannuel après 2020, a assuré l’ouverture de l’événement.
M. Vardakastanis a indiqué à l’audience que dans un récent avis, le CESE a invité la Commission à reprendre l’article 7 de l’actuel RPDC dans son nouveau texte, et à inclure l’accessibilité pour les personnes handicapées dans le nouvel article 67, en tant que critère de sélection des opérations qui seront financées par les Fonds de l’UE.
L’article 7 de l’actuel RPDC oblige les États membres et la Commission à prévenir toute discrimination lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des programmes bénéficiant d’un financement et à assurer l’accessibilité pour les personnes handicapées. Dans la proposition de RPDC, cet article a disparu et son contenu a été repris dans le nouvel article 67, à part l’accessibilité, qui n’est pas mentionnée.
L’accessibilité, la non-discrimination et l’égalité de traitement sont ainsi évoquées dans le préambule du nouveau RPDC mais n’apparaissent plus dans le corps du texte, ni dans la nouvelle réglementation relative au FEDER ou au FC. Le CESE estime que ces trois principes risquent de ne plus figurer parmi les critères de sélection des activités pouvant prétendre à une aide financière de la part de l’UE.
Selon les nouvelles règles, l’accessibilité n’est pas obligatoire. Les fonds publics pourront dès lors être utilisés pour créer des espaces de travail, des produits ou des services qui renforceront encore davantage la discrimination des personnes handicapées
, a mis en garde M. Vardakastanis.
Les mêmes préoccupations ont été exprimées par le CESE dans son avis sur le FEDER et le FC, rédigé par M. Vardakastanis, ainsi que par d’autres participants à l’audition, à laquelle ont notamment pris part des représentants du Forum européen des personnes handicapées (FEPH), du Réseau européen pour la vie autonome (ENIL), de l’Association européenne des prestataires de services pour personnes en situation de handicap (EASPD) et de la fondation espagnole ONCE).
L’Union européenne compte plus de 80 millions de personnes handicapées. Nous voulons que les réglementations pertinentes précisent clairement que l’investissement dans des infrastructures ou des technologies qui ne sont pas accessibles ne saurait être accepté
, a déclaré Mme Catherine Naughton (FEPH), ajoutant que l’on doit pouvoir investir dans des logements accessibles tout comme l’on peut financer des logements efficaces sur le plan énergétique
.
Les participants ont également demandé que la transition d’une prise en charge en institution à une prise en charge de proximité pour les personnes handicapées soit rétablie au rang des priorités d’investissement dans la nouvelle réglementation, et ce, afin de permettre à ces personnes de mener une vie indépendante et d’être intégrées dans leurs communautés. Dans le même ordre d’idées, les projets de construction ou de rénovation d’infrastructures de soins institutionnels ségrégatives ne doivent pas pouvoir prétendre à un financement.
Mme Maria Tussy-Flores (fondation ONCE) a cité un exemple positif d’utilisation réussie des fonds de l’UE. Dans le cadre du FSE et en coopération avec le gouvernement espagnol, la fondation ONCE a contribué à l’organisation de formations professionnelles pour quelque 100 000 personnes handicapées en Espagne, ce qui a permis à environ 80 000 d’entre elles de trouver un emploi, dont 45 % de femmes.
Nous sommes là au cœur de la mission du FSE. Ces événements ont changé la vie de toutes ces personnes
, a-t-elle déclaré.
L’accent a été mis sur la nécessité d’associer les associations représentant les personnes handicapées à la prise de décision et au suivi des projets et des programmes qui les concernent. Un autre sujet de préoccupation qui a été évoqué est le fait que les organisations de petite taille sont souvent incapables de gérer les fonds de l’UE car elles ne disposent pas des compétences ni même des capacités requises ne serait-ce que pour en faire la demande. Le FEPH a dès lors recommandé d’allouer 2 % des fonds au renforcement des capacités des petites organisations.
Les participants se sont accordés pour dire que la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) devait être intégrée dans le corps des textes des réglementations relatives au FEDER, au FC et au FSE, ainsi que du RPDC, et qu’il convenait de s’y référer plus régulièrement dans l’ensemble de ces textes législatifs.
Le budget de l’Union doit constituer un outil permettant de mettre en œuvre la convention relative aux droits des personnes handicapées et ne doit pas soutenir des actions qui vont à son encontre
, a affirmé Mme Naughton.
Toutefois, les propositions de réduction des fonds alloués à la politique de cohésion, à hauteur de 6 %, 12 % et 46 % en ce qui concerne respectivement le FSE, le FEDER et le FC, révèlent le manque d’ambition politique de la part de la Commission.
La politique de cohésion constitue un instrument essentiel permettant à la Commission de lutter contre les disparités et les inégalités au sein de la population et des régions, surtout en ces temps d’incertitude et de montée du populisme. Sa proposition n’est tout simplement pas assez ambitieuse sur le plan politique
, a conclu M. Vardakastanis.