Égalité des sexes: après les engagements, place aux actes

Anne Demelenne / Elizabeth Gosme / Zoe Lanara-Tzotze / Marion Hannerup / Stefano Palmieri

Les participants à un débat au CESE dressent le bilan de la situation et débattent des mesures à prendre

Il est grand temps d’intensifier les efforts en matière d’égalité entre les femmes et les hommes au sein de l’Union européenne, ont souligné les organisations de la société civile lors d’un débat public sur «Les avantages de l’égalité entre les hommes et les femmes pour l’économie européenne», organisé le 29 novembre par la section ECO du Comité économique et social européen (CESE). L’engagement politique et sociétal en faveur de l’égalité des sexes doit certes être renouvelé, mais cette démarche à elle seule ne suffit pas. Pour aller de l’avant et assurer la mise en œuvre effective des politiques de l’UE en la matière, tous les pans de la société doivent prendre part au processus, et les engagements doivent être suivis d’actes concrets.

L’égalité entre les femmes et les hommes est une valeur fondamentale et un objectif de l’Union européenne, inscrite dans ses traités et relevant de ses engagements, qui est porteuse d’un potentiel inexploité pour l’économie européenne, a déclaré Stefano Palmieri, président de la section ECO, à l’ouverture du débat. Elle peut contribuer à la croissance économique et au développement durable, et donc au bien-être de tous les citoyens européens, a-t-il ajouté. Des mesures supplémentaires doivent être prises pour remédier aux disparités qui subsistent dans ce domaine.

Des analyses ont montré que la compétitivité, la productivité et la croissance économique augmenteraient à mesure que progresserait l’égalité hommes-femmes, selon Virginija Langbakk, directrice de l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE). À l’heure actuelle, les progrès en la matière sont néanmoins inégaux d’un État membre à l’autre, et le rythme de progression est généralement lent, comme le montre l’indice d’égalité de genre établi annuellement par l’EIGE.

Les orateurs invités et les participants ont recensé les causes possibles de cette relative lenteur et discuté des solutions envisageables. Selon eux, les explications sont à chercher du côté de la culture, de la prise en charge des proches, de l’éducation et de la transparence des rémunérations.

Les stéréotypes sont profondément ancrés dans les sociétés. Ils ont une influence sur les choix réalisés, en matière non seulement d’éducation et de formation, mais aussi de recrutement et de promotion. Les faibles taux d’emploi des femmes dans le secteur des STEM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques) et leur sous-représentation dans le secteur privé et l’encadrement supérieur en sont la conséquence. Les intervenants ont appelé à faire évoluer les mentalités dans l’ensemble de la société.

Marion Hannerup, directrice générale adjointe de la Confédération de l’industrie danoise, a fait observer que certaines entreprises privées, par exemple dans le secteur des TIC, devaient également modifier leur culture d’entreprise pour attirer des salariées. L’augmentation de l’emploi des femmes dans les entreprises privées est importante pour la performance des entreprises. Mme Hannerup a présenté de bonnes pratiques à cette fin, parmi lesquelles les formations de sensibilisation aux préjugés inconscients, les programmes de leadership et de mentorat pour les femmes talentueuses, la mise en lumière de modèles féminins, la promotion des talents des femmes et l’introduction de règles spécifiques de recrutement, telles que la nécessité de retenir une proportion prédéterminée de femmes parmi les candidats présélectionnés pour occuper un poste vacant.

L’accent a été mis lors du débat sur le fossé existant en matière de prise en charge des proches, qui contribue lui aussi à la persistance des inégalités. Les femmes continuent d’assumer l’essentiel de cette prise en charge, ce qui a des effets négatifs sur leur potentiel et leur indépendance économiques. Les participants ont exprimé l’espoir que la directive de l’UE concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants, qui prévoit une période de congé parental rémunéré non transférable pour chacun des deux parents, conduira à une répartition plus équilibrée du congé parental. Ils ont en outre insisté sur le fait que les systèmes de sécurité sociale devaient prévoir un congé parental qui soit assorti d’une rémunération adéquate.

Elizabeth Gosme, directrice de COFACE Families Europe, a affirmé que l’égalité des sexes sur le marché du travail et dans l’économie va de pair avec l’égalité entre les hommes et les femmes au sein de la famille. Nous préconisons de favoriser la conciliation entre vie professionnelle et vie privée tant pour les hommes que pour les femmes, à partir d’un ensemble de mesures comprenant des ressources suffisantes, l’accès à des services et le temps nécessaire pour s’occuper des personnes dont ils ont la charge, de sorte qu’ils n’aient pas à choisir entre travail et vie de famille. Une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie de famille augmenterait le taux d’emploi des femmes ainsi que le bien-être général et les taux de fécondité, et réduirait la pauvreté des familles et des enfants. L’investissement dans les entreprises familiales, les PME ainsi que l’éducation et l’accueil des jeunes enfants sont des aspects importants de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes sur le marché du travail.

Au cours du débat, les participants se sont également penchés sur l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes. L’engagement pris par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, de prendre des mesures contraignantes en matière de transparence des rémunérations a été salué.

Dans ce contexte, Zoe Lanara-Tzotze, de la Confédération générale des travailleurs de Grèce (GSEE), a appelé de ses vœux une directive comprenant, entre autres, un droit d’accès aux informations sur les niveaux de rémunération pour tous les travailleurs, des obligations de déclaration annuelle pour les entreprises comptant plus de dix employés sur la base de la structure des rémunérations dans son ensemble, ainsi qu’une interdiction des clauses de confidentialité dans les contrats. Lever le voile du secret donnerait aux femmes des moyens d’agir, leur permettrait de prendre conscience de leurs droits et conduirait à l’égalité en matière de rémunération.

Outre la transparence des rémunérations, Mme Lanara-Tzotze a évoqué les politiques d’austérité et leur impact sur l’égalité entre les femmes et les hommes, affirmant que toute une série de politiques ont entravé ou restreint l’exercice de la négociation collective. Les négociations collectives sont essentielles pour parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes sur le marché du travail. Plusieurs participants se sont rangés à cet avis.

Certaines divergences d’opinion ont été exprimées concernant la manière de remédier aux disparités persistantes entre les sexes. Les mesures contraignantes et non contraignantes, l’incitation douce (nudge) et la législation (par exemple les quotas) ont été évoquées lors du débat. Néanmoins, les orateurs et les participants ont convenu que l’égalité entre les femmes et les hommes devait se refléter dans tous les domaines d’action et toutes les mesures futures, et que pour progresser en la matière, il est indispensable que les responsables politiques, les entreprises, les syndicats, les particuliers et les familles œuvrent de concert. L’heure n’est plus aux engagements mais à l’action, compte tenu notamment du risque croissant de voir se développer de nouveaux écarts entre les hommes et les femmes.

Le CESE a demandé à de nombreuses reprises aux responsables politiques de l’Europe de prendre des mesures efficaces pour garantir l’égalité des chances entre les femmes et les hommes sur le marché du travail, notamment en vue de combler l’écart de rémunération entre les sexes, ainsi que pour lutter contre la concentration des femmes et des hommes dans des secteurs et métiers différents et à des grades, niveaux de responsabilité ou postes différents. Le Comité continuera de faire entendre sa voix sur les questions d’égalité entre les femmes et les hommes et entend montrer l’exemple en intégrant cette thématique de façon systématique dans ses propres politiques et pratiques.