Dans le domaine de l’intégration des réfugiés, l’innovation sociale peut faire toute la différence

This page is also available in

Toutefois, il ressort d’une conférence du CESE que l’espoir doit prendre le pas sur la peur pour qu’un changement de paradigme n’intervienne dans la société.

Le Comité économique et social européen (CESE) a organisé une conférence sur le thème «L’innovation sociale pour l’intégration des réfugiés – Maintenir la dynamique et créer un changement durable», destinée à explorer les manières dont les entreprises innovantes ou les initiatives sociales en matière d’intégration des réfugiés pourraient produire des changements de long terme et de grande envergure, susceptibles de faire émerger des sociétés solides et prospères car pétries de diversité.

Cette conférence, qui s’est tenue les 16 et 17 novembre à Bruxelles, a été conjointement organisée par le CESE, les missions des États-Unis et du Canada auprès de l’Union européenne et le Migration Policy Institute Europe (MPIE). Elle s’inscrit dans le prolongement du séminaire sur le même thème, organisé par le CESE en septembre 2016.

La manifestation a réuni plus de 200 entrepreneurs sociaux, organisations de la société civile, dirigeants d’entreprise, fonctionnaires, concepteurs de services et instigateurs d’initiatives en faveur des réfugiés, venus d’Europe, des États-Unis et du Canada.

Les intervenants ont expliqué que, si l’ampleur du flux de réfugiés et de migrants semble avoir diminué, le vrai travail dans ce domaine ne fait à maints égards que commencer. Les choix arrêtés par les décideurs au sujet de l’intégration des réfugiés détermineront la manière dont les sociétés seront modelées dans les décennies à venir.

À travers des projets qui aident les nouveaux arrivants à s’intégrer dans leur société d’accueil et à s’implanter dans un nouveau pays en leur permettant de trouver un travail ou de contribuer d’une manière ou d’une autre à la société, l’innovation sociale peut se révéler une aide précieuse et venir compléter l’action de l’État en la matière.

«L’Europe et le monde traversent une période difficile», a déclaré M. Cristian Pîrvulescu, président du groupe d’étude permanent du CESE sur l’immigration et l’intégration, dans ses observations liminaires. «Nous faisons face à des défis sans précédent, non seulement au regard de la crise humanitaire, mais aussi par rapport à une vision qui place les libertés et les droits de l’homme au centre de l’action publique.»

L’intégration se produit pour l’essentiel à l’échelon local et nécessite la mobilisation des sociétés d’accueil. Les particuliers, les organisations ou les entreprises – qu’elles soient privées, multinationales ou implantées localement – ont un rôle important à jouer.

«Nous devons nous assurer que l’innovation ne se cantonne pas à quelques bonnes pratiques et veiller à ce qu’elle ait un impact durable, plutôt que de miser sur des actions publiques de court terme qui s’épuisent au bout d’un an ou deux», a déclaré Mme Elizabeth Collet, directrice du MPIE.

Certes, nombre des projets présentés à la conférence ont été mis sur pied récemment; il est donc difficile d’évaluer leur succès ou de prédire leur généralisation ou leur intensification. Pourtant, certains d’entre eux font déjà la différence.

C’est le cas de From Syria with love: cette entreprise sociale née d’un élan spontané visant à «donner un but» à des femmes au foyer syriennes vivant en Belgique s’est transformée en une société proposant des ateliers de cuisine syrienne et des services de traiteur, a expliqué sa fondatrice Mme Yara Al Adib, avant d’ajouter avoir réussi «à faire évoluer les mentalités et la manière dont les femmes syriennes sont perçues en Belgique».

Autre projet mis à l’honneur, l’initiative CALM (Comme à la maison – Feels like Home), lancée en France par Singa, un réseau international qui donne la possibilité aux nouveaux arrivants et aux résidents de tisser des liens et d’apprendre les uns des autres.

Dans le cadre de ce projet, les habitants du pays d’accueil sont invités à accueillir gracieusement un nouvel arrivant chez eux pendant trois à douze mois. Cette initiative a rencontré un vif succès en France, avec 12 000 participants. En Allemagne, Singa mène des programmes d’incubation pour les entrepreneurs nouvellement arrivés.

Parmi les autres projets présentés, on peut citer Action Emploi Réfugiés, qui aide les réfugiés à trouver un emploi grâce à une plateforme Facebook, et Refugee613, coalition canadienne de citoyens et de partenaires qui facilite l’intégration par l’organisation de réunions d’information, la publication de lettres d’information ou encore la création de groupes WhatsApp en arabe.

Les participants ont également pris part à des ateliers axés sur le financement de l’innovation sociale, l’intégration des réfugiés dans les communautés rurales et de petite taille, la valorisation des compétences dont ils disposent, les approches innovantes en matière de formation et de recrutement des réfugiés, et l’entrepreneuriat de ces populations.

Parmi les solutions proposées pour une innovation sociale efficace, on peut citer l’élaboration de modèles de financement durable, la construction de réseaux intelligents à tous les échelons et la recherche d’un soutien politique plus large pour mener les projets à bien.

Le fait d’associer dès le départ les réfugiés à la conception de services qui les concernent directement est aussi un aspect à ne pas négliger. Imaginer des solutions pour les réfugiés sans les consulter, c’est un peu comme faire du thé avec de l’eau et du sucre, mais sans y mettre le thé, ont fait valoir les intervenants.

Bien qu’il soit important de développer de telles initiatives et de parvenir à créer un impact plus large afin de favoriser l’intégration, ces actions à elles seules ne suffisent pas à provoquer un changement de paradigme qui déboucherait sur une société résiliente et inclusive. Pour cela, l’espoir doit prendre le pas sur la peur, a déclaré M. Eric Young, professeur d’innovation sociale invité à l’université Ryerson du Canada.

À court ou moyen terme, toutefois, ce n’est pas chose aisée. L’augmentation de la diversité au sein de la société a d’abord pour effet de rendre les gens méfiants et passifs, «comme des tortues qui se recroquevillent dans leur carapace», a expliqué le professeur, ajoutant que cet état de fait ne devait en aucun cas être vu comme un frein à l’action, «de la même manière que, pour envoyer une fusée sur la Lune, on ne peut faire abstraction de la gravité».

«Si l’on avait essayé d'aller sur la Lune en se contentant de construire des avions plus grands, on n'y serait pas encore. Ce n’est qu’en tenant compte de la gravité et en retournant cette contrainte à notre avantage que nous sommes parvenus à nos fins», a-t-il affirmé.

Et de conclure: «Notre objectif est de faire prospérer les sociétés grâce à la diversité, de faire en sorte que la diversité devienne un atout et un facteur de réussite sociale.»