Déclaration du Président du Groupe des travailleurs: «Pourquoi nous voulons un revenu minimum européen»

Je regrette vivement que le président du Groupe des employeurs du Comité économique et social européen ait jugé opportun de publier, immédiatement après l'adoption en session plénière de l'avis du Comité «Revenu européen minimum et indicateurs de pauvreté», une «déclaration et réaction» intitulée «To address minimum income? Yes, but at national level!» (S'occuper du revenu minimum ? Oui, mais au niveau national).

Je le déplore pour deux raisons: tout d'abord, le président du Groupe des employeurs conteste pour la seconde fois un texte qui vient d'être démocratiquement adopté en session plénière – la première fois, c'était à propos de la dimension sociale de l'union économique et monétaire. Ensuite, si je regrette cette façon d'accentuer les divisions au sein du Comité, je regrette encore davantage qu'on puisse insister pour maintenir l'Union européenne dans la division au moment où elle en a le moins besoin.

Si la société civile et les dizaines de millions de citoyens qui font partie de syndicats ou d'associations sont favorables à un instrument européen contraignant – dont l'effet sera évidemment modulé selon les économies nationales, puisque les États membres sont malheureusement loin d'être en situation de cohésion –, c'est:

  • parce qu'il est urgent de faire quelque chose pour ceux qui, dans toute l'Europe, ont été plongés dans la pauvreté par les crimes d'une poignée de spéculateurs et par l'incapacité, dans le chef de nos décideurs, de prendre, ensemble et unis, des décisions efficaces et courageuses ;
  •  parce qu'il est temps aussi qu'on présente aux gens l'Union européenne comme un bien. En fin de compte, ceux qui auront contribué à nourrir le désespoir total vont remplir les parlements d'égoïstes, de national-extrémistes et même de nazis patentés. Ils risquent de s'en mordre les doigts eux-mêmes, mais il sera trop tard.

Que ceux de nos employeurs qui n'ont pas voté l'avis se rassurent: les syndicats ne rêvent pas d'ériger l'assistance publique en norme : nous sommes des organisations de travailleurs et ce que nous voulons, c'est du travail : des emplois décents dans une Europe où les entreprises embaucheraient nos jeunes. Par ailleurs, ceux qui sont dans la misère n'ont même plus les moyens d'acheter les denrées de base, et ce sont nos entreprises qui les produisent.

Le moment est venu de se poser ces questions avec une certaine envergure de pensée. Est-ce que nous continuons à regarder le projet européen s'effondrer sans rien faire ? Est-ce que nous le mettons dans sa tombe, en enterrant avec lui la médaille qu'il a reçue pour avoir sauvé la paix et l'économie en des temps bien lointains, au point d'être l'espoir des peuples qui ne pouvaient pas encore en faire partie…

… ou est-ce que nous avons le courage de lui donner, maintenant, un sens humain et social, ne serait-ce que pour ne pas courir le risque de nous présenter honteux au jugement final de l'histoire ?

Il est peut-être encore temps de sauvegarder la paix sur notre continent en faisant en sorte que l'union de nos pays envoie des messages concrets aux citoyens, au lieu de les laisser penser qu'elle se complairait à regarder croître le nombre de gens contraints de vivre dans l'indécence et la misère.

 

Bruxelles, le 13 décembre 2013

Downloads

Pourquoi nous voulons un revenu minimum européen

Work organisation