«Pas d’avantages à la carte dans le cadre du Brexit»

«Le Brexit est synonyme d’incertitude», a expliqué Michel Barnier en ouverture du débat avec les membres du CESE ce 6 juillet, «incertitude pour les citoyens, pour les entreprises et pour l’emploi». Il a souligné que sa mission était de négocier sur la base de ce que le Royaume-Uni avait mis sur la table, notamment la suppression de la libre circulation des citoyens de l’Union, une autonomie législative complète, l’incompétence de la Cour de justice de l’Union européenne et la liberté de signer des accords de libre-échange. Ce dernier point implique de quitter l’union douanière et le marché unique. 

Il a ajouté qu’il existait cependant aussi une certitude, à savoir que le Royaume-Uni deviendrait un pays tiers, ce qui aurait trois conséquences majeures:

  1. les libertés fondamentales, à savoir la libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux, sont indivisibles;
  2. il n’est pas possible de participer ou non au marché unique selon le secteur;
  3. l’UE entend conserver son autonomie pour la fixation des règles et normes économiques et sociales, autonomie qui doit être respectée par tous les tiers.

Le Royaume-Uni et l’UE doivent être conscients du fait que le Brexit aura un coût et c’est la tâche de l’équipe de négociation de maintenir ce coût au niveau le plus bas possible. «Du côté de l’UE, il n’y aura ni agressivité ni arrogance», a déclaré M. Barnier, «mais nous voulons être prêts pour faire face à toutes les situations, y compris celle d’un “no deal”, même si cette absence d’accord serait le scénario le plus pessimiste.»

Les membres du Comité économique et social européen ont fait état de leurs préoccupations sur de nombreux points, notamment les droits des consommateurs, les droits sociaux ou la politique commerciale. Les membres de République d’Irlande et d’Irlande du Nord ont quant à eux soulevé la question de l’accord du Vendredi saint, qui a été conclu principalement grâce à l’aide de l’UE.

Luca Jahier, président du groupe des activités diverses du CESE a déclaré: «Un mauvais accord est préférable à une absence d’accord. Nous devons trouver un terrain d’entente à tout prix, car personne n’a voté pour devenir plus pauvre, ni pour la fin du processus de paix en Irlande.» M. Jahier a proposé que «les négociations sur la question de la frontière se déroulent pour moitié à la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande et qu’un itinéraire culturel de la paix soit établi entre la frontière irlandaise et Nicosie à Chypre, où un autre mur existe toujours en Europe.»

Le niveau des investissements dans les entreprises est très élevé des deux côtés de la Manche. Le Brexit pourrait compromettre les relations commerciales, en particulier parce que l’incertitude est un facteur de déstabilisation pour les entreprises. Jacek Krawczyk, président du groupe des employeurs, a souligné que «la principale attente des employeurs était que les entreprises puissent s’appuyer sur des certitudes concernant l’accord de retrait et obtenir la clarté sur les relations futures. Ces négociations posent de nouveaux défis pour les deux parties, mais l’UE n’est pas un restaurant à la carte. Nous sommes tout à fait d’accord avec la Commission sur ce point: il n’y aura rien sans rien. La transparence et l’intégrité, c’est cela qui compte pour nous.»

Gaby Bischoff, présidente du groupe des travailleurs, a évoqué le fait que 4 millions de travailleurs étaient concernés par le Brexit, c’est-à-dire l’équivalent de la population réunie de deux États membres, l’Estonie et la Lettonie.  Elle a souligné que «nous ne pouvions pas accepter que des personnes puissent être utilisées comme monnaie d’échange. Les droits des travailleurs, c’est-à-dire la protection des emplois, les conditions de vie et de travail, doivent être des priorités. Nous ne pouvons pas admettre que les droits des travailleurs européens soient compromis par des bas salaires, une réglementation défaillante ou des paradis fiscaux.»

M. Barnier a souligné que l’Union européenne souhaitait elle aussi un accord équitable et équilibré, et que le «no deal» serait la pire solution, car il équivaudrait à un retour à un passé lointain, notamment à une situation où les relations commerciales avec le Royaume-Uni seraient régies par les règles de l’OMC rendant les produits plus chers.

Les membres du CESE ont convenu avec M. Barnier que bien que le Brexit fût une question importante et qu’un bon accord fût dans l’intérêt à la fois des 27 et du Royaume-Uni, l’enjeu le plus important était l’avenir de l’Europe. «Nous devons faire prendre conscience aux citoyens des avantages innombrables liés au fait d’être membre de l’UE.  Le Brexit a montré très clairement que bon nombre de personnes ne se rendent pas compte que ces avantages résultent de l’adhésion à l’Union européenne. Au Royaume-Uni, cette prise de conscience a déjà commencé chez de nombreuses personnes. Aujourd’hui, il revient aux acteurs européens de rendre l’UE à 27 plus forte et plus solidaire. Le CESE est prêt à être un partenaire de premier plan de ce processus», a conclu Georges Dassis, président du CESE.