L’esprit critique et le sentiment d’appartenance sont les principales armes contre la radicalisation

Comme il a été souligné durant une audition organisée la semaine dernière à Bruxelles par le Comité économique et social européen (CESE), parmi les principaux facteurs permettant de prévenir de manière efficace la radicalisation des jeunes figurent les efforts portant sur l’inclusion sociale des jeunes, l’aide qu’on leur apporte pour développer la confiance en soi, le sentiment d’identité et d’appartenance et le fait de leur apprendre à penser de manière critique.

Mais l’audition sur «Le rôle de la société civile dans la prévention de la radicalisation des jeunes» a également révélé qu’au lieu d’être proactive, la société a tendance à n’agir que lorsque quelque chose s’est passé et qu'il n’existe pas d'approche coordonnée associant plusieurs organismes.

L’audition organisée par le CESE a réuni des représentants de la Commission européenne mais aussi des collectivités locales qui travaillent sur la prévention de la radicalisation ou la «déradicalisation», ainsi que des experts dans le domaine de l’éducation et des représentants d’organisations qui prennent part à l’éducation formelle ou non formelle des jeunes.

L’audition s’est tenue dans le cadre des travaux préparatoires du CESE pour l’avis sur la coopération avec la société civile en vue de prévenir la radicalisation des jeunes, qui devrait être adopté lors de la session plénière du CESE en décembre.

L’expérience de Vilvoorde, ville belge dont provient le plus grand nombre de combattants étrangers en Europe, a montré que le succès de la lutte contre la radicalisation nécessite une volonté politique, un financement à long terme, une approche associant divers organismes, ainsi qu’une structure et une méthodologie; comme l’a noté Jessica Soors, qui dirige le service de déradicalisation de la ville, tous ces éléments sont, à l’heure actuelle, inexistants ou insuffisants.

Elle a souligné que son premier conseil aux communautés locales serait d’être prêtes à lutter contre la radicalisation, ce que sa ville n’était pas lorsque les jeunes citoyens ont commencé à partir pour s’engager dans des conflits à l’étranger.

«Nous avons commencé par éteindre les incendies», a déclaré Mme Soors, ajoutant que de nombreuses collectivités locales doivent encore «agir avant de pouvoir penser».

Mais la première phase du travail portant sur la radicalisation ne devrait pas être la gestion de cas individuels ni la répression, qui sont les deux niveaux supérieurs de ce que l’on appelle la «pyramide de prévention» et ne devraient intervenir, selon son point de vue, qu’en dernier recours. Au contraire, l’accent doit être mis sur la prévention.

«Aucune donnée concrète ne montre comment l’éducation peut prévenir la radicalisation, mais elle peut certainement y contribuer de manière décisive», a affirmé Szilvia Kalman de la DG EAC de la Commission européenne, ajoutant que les écoles devraient accorder une attention accrue à l’enseignement des compétences sociales et civiques, ce qui n’est pas suffisamment pris en compte à l’heure actuelle. La Commission a déjà consacré plus de 200 millions d’euros à des projets favorisant l’inclusion sociale par l’éducation. Ces projets associent des enseignants, des animateurs de jeunesse et d’autres acteurs, et traitent de différents thèmes tels que l’éducation aux médias, la pensée critique ou les modèles.

Karin Heremans, directrice de l’Athénée royal d’Anvers, a informé les participants que les écoles devraient mettre l’accent sur la diversité et la citoyenneté active. «Les recruteurs extrémistes font partie de l’environnement des enfants, ils les isolent de la société, ils renversent leurs systèmes de valeurs. Il est important que les enfants développent une identité positive et qu’ils aient des modèles solides», a-t-elle déclaré.

Mme Heremans a décrit un projet de politique de prévention dans les écoles flamandes qui figure parmi les pratiques présentées dans le cadre du réseau de sensibilisation à la radicalisation, mis en place par la Commission et réunissant des professionnels de première ligne dans le domaine de la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme. Le projet prévoyait de former quelque 1 200 membres du personnel scolaire afin qu’ils proposent un discours alternatif et contraire à la propagande extrémiste.

Il a été constaté que l’arme la plus puissante contre le piège de la radicalisation est d'accroître la complexité de la réflexion et de développer l’esprit critique dès le plus jeune âge.

«Nous devons dépasser le mode de pensée qui consiste à voir tout noir ou tout blanc et essayer d'apprendre aux jeunes à s’habituer au gris», a déclaré Lynn Davies de l’université de Birmingham. «Valoriser le pluralisme ne signifie pas devoir tout accepter: ce que l’on tolère s'inscrit dans une trame commune de droits. Les droits sont ce que nous avons de mieux», a-t-elle conclu.