Le CESE accueille une conférence en partenariat sur l’aide aux victimes de la cybercriminalité

Davantage doit être fait en faveur des victimes de la criminalité en ligne grâce à une aide appropriée et à une information adéquate

Après que quelqu’un ait publié sur Instagram une photo de lui nu, un jeune Belge de quinze ans s’est efforcé de la faire supprimer. Mais ses demandes pressantes en ce sens auprès de l’administrateur du compte sont demeurées sans écho, tandis que la police lui indiquait qu’elle allait examiner l’affaire. En juin dernier, il a mis fin à ses jours.

«Il ne nous a jamais rien dit de ce qu’il subissait, nous n’en avons rien deviné. Il a dû éprouver de la honte. Le pire, ce furent les «j’aime» et les réactions publiées sous cette photo. Son nom complet était affiché en toutes lettres. Imaginez ce que cela signifie pour un jeune de quinze ans. Il a dû penser qu’il ne parviendrait jamais à faire supprimer cette photo. Il a dû avoir l’impression que jamais cela ne s’arrêterait», a déclaré sa mère, Mme S. S.

Son témoignage poignant a été diffusé par vidéo lors de la conférence sur l’aide aux victimes de la cybercriminalité, que le Comité économique et social européen (CESE) a accueilli la semaine dernière à Bruxelles, et qui était organisée par le réseau Victims Support Europe (VSE), la principale organisation centrale en Europe pour faire entendre la voix des victimes d’actes criminels.

Tenue dans le but de mieux faire connaître les moyens d’améliorer l’aide aux victimes de crimes en ligne et leur protection, cette conférence en partenariat a également rassemblé des représentants de la Commission et du Parlement européen, ainsi que d’autres organisations et réseaux sociaux d’aide aux victimes.

S’adressant au nom du CESE aux participants à la conférence, M. Pavel Trantina, président de la section «Emploi, affaires sociales et citoyenneté», a déclaré: «Nous continuons à rencontrer des problèmes pour fournir de l’aide aux victimes dans toute une série de situations différentes et dans des circonstances et des contextes en constante évolution. La question de la cybercriminalité ne cesse de gagner en importance.»

Le CESE s’engage à continuer à œuvrer sur ce problème, a ajouté M. Trantina.

Le CESE a déjà abordé la question de la cybercriminalité dans plusieurs de ses avis. Il a également élaboré en 2011 un avis sur le train de mesures en faveur des droits des victimes et œuvré en étroite collaboration avec le réseau VSE pour contribuer à influencer la législation de l’UE sur l’aide aux victimes de la criminalité. La directive concernant la protection des droits des victimes s’applique dans tous les États membres depuis 2015.

Les orateurs de la conférence se sont accordés sur le fait que les outils étaient d’ores et déjà en place pour aider les victimes, mais qu’il convenait de faire davantage pour mieux informer celles-ci et leur faire comprendre leurs droits.

«Il faut que nous fassions en sorte que les victimes sachent ce qu’elles doivent faire, et comment, et qu’elles ne soient pas seules», a déclaré M. Levent Altan, directeur exécutif de VSE, avant d’ajouter que les victimes de cybercriminalité devraient avoir droit à une aide spécialisée adaptée à leurs propres besoins.

Mme Miriam Dalli, députée au Parlement européen, a fait valoir la nécessité de donner aux victimes la possibilité d’obtenir des informations sur la manière de porter plainte et de défendre leurs droits, et sur les instances auxquelles elles devraient s’adresser si elles tombent entre les griffes de cybercriminels.

Elle a mis en garde contre la publication imprudente de données personnelles en ligne, et fait état des 6 à 12 % de jeunes de 9 à 15 ans qui ont déjà été victimes de cyberharcèlement au cours de leur vie. Elle a déclaré que la nouvelle législation de l’UE en matière de cybercriminalité devrait prévoir des dispositions en faveur des victimes de ce phénomène.

Mme Ann Moulds, fondatrice de l’association «Action against Stalking», lutte pour une harmonisation accrue des législations contre la traque furtive et pour la qualification de cette dernière en tant qu’infraction pénale, afin d’éviter que «les harceleurs ne passent au travers des mailles du filet».

«La traque furtive est un crime psychologique, un crime de viol mental», a déclaré Mme Moulds. De plus, 34 % des personnes ainsi traquées et harcelées ont bel et bien subi des agressions physiques ou sexuelles.

Il a été également reconnu que les victimes de la cybercriminalité risquent fortement d’en redevenir victimes une fois leurs photographies et les commentaires haineux publiés sur toute la toile, ce qui suscite en eux un sentiment écrasant de honte et de culpabilité, au point de ne pas oser porter plainte auprès de la police ou chercher de l’aide.

Pourtant, il existe de nombreuses actions et initiatives très utiles pour apporter aide et soutien.

Europol, qui constitue un point central de la lutte contre la cybercriminalité, a récemment mis sur pied une campagne intitulée «Say No!» contre la coercition sexuelle des enfants et le chantage à leur encontre, assortie de vidéos disponibles dans plusieurs langues.

En Allemagne, l’ONG JUUport étend son assistance aux jeunes victimes de la cybercriminalité, grâce à ses volontaires âgés de 15 à 21 ans qui fournissent à titre gratuit des conseils contre le cyberharcèlement, la textopornographie, les discours de haine, les fraudes et d’autres délits.

Prenant acte de l’ampleur du problème que constitue la cybercriminalité pour la société, les orateurs de la conférence se sont accordés sur la nécessité de s’y attaquer tous azimuts, en conjuguant les efforts menés à tous les niveaux aussi bien dans le secteur public que privé et par-delà les frontières. Ils ont tout particulièrement mis l’accent sur la coopération avec les entreprises de médias sociaux.

Mme Julie de Bailliencourt, responsable de la politique de sécurité de Facebook, a affirmé que sa société pratique la «tolérance zéro» à l’égard des discours de haine, du harcèlement, de la vengeance pornographique et de tout comportement prédateur envers les enfants. Cette entreprise a développé de nombreux outils pour assurer la sécurité, la sûreté, le respect de la vie privée et pour déposer des plaintes, dont la très grande majorité est examinée dans les 24 heures.

«Le droit à l’oubli existe réellement», a fait valoir Mme de Bailliencourt. «Les personnes doivent comprendre que les plateformes sociales existent aussi pour les aider. Nous avons les moyens de supprimer des contenus. Si vous supprimez votre profil sur Facebook, il le sera réellement.»

Toutefois, il reste beaucoup à faire dans la réalité pour faire en sorte que tous puissent bénéficier du droit à l’oubli.

Dans son témoignage par vidéo, la mère de l’adolescent belge a dit qu’elle n’avait même pas pu faire le deuil de son fils, car un autre compte Instagram a été frauduleusement ouvert sous son nom juste après ses funérailles.

«Quelqu’un faisait croire qu’il était mon fils. Il m’a fallu trois semaines pour faire fermer ce compte. Je ne cessais de recevoir ces messages standardisés qui n’avaient rien à voir avec notre affaire.»

«La police m’a aussi fait part des difficultés qu’elle rencontrait pour faire supprimer rapidement des contenus sur des médias sociaux; pour mon fils, cela aurait fait la différence, celle entre la vie et la mort», a-t-elle déclaré. «On ne peut pas rendre ainsi la tâche aussi facile pour les mauvaises gens.»

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