La réglementation surannée de l’UE empêche de lutter efficacement contre l’industrie des produits contrefaits et piratés – tel est l’un des problèmes mis en évidence par l’audition du CESE tenue le 6 avril

L’industrie des produits contrefaits porte atteinte à l’emploi et à la croissance en Europe, prive les gouvernements de milliards d’euros de recettes fiscales et menace la santé et la sécurité des travailleurs et des citoyens de l’UE. Nonobstant, les importations de produits contrefaits ont même doublé en 10 ans à l’échelle mondiale, du fait du commerce numérique. Il est maintenant grand temps que le cadre juridique européen se hisse enfin à la hauteur des défis du XXIe siècle. La Commission européenne et les États membres doivent d’urgence adapter leur cadre juridique et assurer les contrôles et la surveillance des marchés nécessaires. Les consommateurs doivent être mieux informés, ce qui constitue d’ailleurs l’un de leurs droits fondamentaux prévus par l’article 169 du TFUE. Il est nécessaire que les secteurs privé et public coopèrent pour lutter contre le piratage des produits.

Telle est la conclusion essentielle de l’audition qui s’est tenue hier sur «L’industrie des produits contrefaits et piratés», à laquelle le Comité économique et social européen (CESE) avait convié d’éminents experts des secteurs touchés, ainsi que des associations d’entreprises et des organisations de travailleurs, des plates-formes concernées et de la Commission européenne (CE). La Commission n’est pas parvenue à présenter un cadre juridique solide, a déclaré M. Pezzini, rapporteur de l’avis d’initiative que le CESE élabore actuellement sur ce thème. Il a évoqué sa propre expérience en la matière et la lutte sans fin contre la contrefaçon que mènent en Italie l’industrie textile et le secteur des hautes technologies, et il a déclaré que l’Europe ne peut pas continuer d’agir avec les instruments du XXe siècle.

Rien n’échappe à l’industrie du faux. L’audition du CESE rassemblait les représentants de certaines des industries les plus touchées, notamment celles du cuir, des produits pharmaceutiques, des jouets, de la construction et du luxe. Ceux-ci y ont relaté les défis auxquels ils ont été confrontés en matière de contrefaçon et les actions qu’ils mènent dès à présent pour s’y opposer. 

Les produits contrefaits coûtent une fortune aux Européens et mettent l’emploi et la croissance en péril

L’OCDE estime qu’en 2013, la valeur des importations de biens contrefaits s’élevait dans le monde à 461 milliards de dollars des États-Unis (USD) et que son montant a doublé au cours d’une décennie (il était de 200 milliards d’USD en 2005); les produits contrefaits constituent 5 % des importations de l’UE, pour un montant de 85 milliards d’EUR. Les vêtements, les chaussures et les accessoires de contrefaçon représentent 26,3 milliards d’EUR, soit 9,7 % du chiffre d’affaires de ce secteur d’activités. Les effets d’entraînement sur les revenus de ses fournisseurs portent toutefois ce chiffre à 43,3 milliards d’EUR, soit encore 518 281 pertes d’emplois. Les gouvernements sont privés de quelque 8,1 milliards d’EUR de recettes fiscales. Les sacs à main et bagages contrefaits représentent 1,6 milliard d’EUR, soit 12,7 % du chiffre d’affaires du secteur. L’industrie du cuir s’appuie principalement sur des PME qui ne disposent pas de la capacité de lutter par leurs propres moyens contre la contrefaçon. Ce secteur a déjà présenté à la Commission plusieurs propositions en vue d’améliorer la réglementation: il réclame notamment de mettre en place autant d’obstacles et d’entraves que possible à la contrefaçon. En outre, il est besoin d’urgence de règles obligatoires d’authenticité pour le cuir (à l’instar de l’industrie textile), de règles nationales d’étiquetage d’avant 1992 pour tous les États membres de l’UE, d’une réglementation de l’UE sur l’étiquetage du cuir et des produits du cuir (qui n’existe actuellement que pour les chaussures en cuir) et du renversement de la charge de la preuve.

Les produits contrefaits mettent en péril la sécurité et la santé des Européens

Le commerce illicite dans le secteur de la construction présente de multiples facettes et recouvre notamment la non-conformité (qui trompe les acquéreurs sur la qualité, les performances techniques, l’origine, etc.), l’emploi abusif de labels de qualité et d’accès aux marchés (tels que le «marquage CE» de l’UE), la falsification des certificats de conformité et les violations des droits de propriété intellectuelle. Les produits contrefaits se trouvent partout, souvent sur l’internet lors de ventes-éclair, sur les grands marchés de construction et tout particulièrement dans les zones économiques franches (par exemple au marché chinois d’Ajman). Par conséquent, l’industrie réclame la traçabilité absolue de chaque produit, ainsi que des contrôles, une surveillance des marchés et des poursuites et des sanctions appropriées.

Une étude menée en France a révélé qu’une entreprise sur six du secteur de la construction était déjà touchée directement ou indirectement par des produits contrefaits et que les branches de la toiture, de la plomberie et de l’ingénierie climatique étaient les plus touchées (à 75 %).

Pour des non-spécialistes, il est extrêmement difficile de distinguer le vrai du faux en matière de produits médicaux. Alors que les entreprises ont déjà commencé à s’attaquer à la contrefaçon, ce secteur est également confronté à l’absence de réglementation et des instruments indispensables pour permettre aux entreprises de mieux coopérer avec les pouvoirs publics, grâce par exemple au signalement de sites internet illégaux. En outre, pour stopper efficacement les activités des contrefacteurs, il est besoin de davantage d’experts et de spécialistes aux postes-frontière, ainsi qu’auprès des services de police et des autorités sanitaires.

L’industrie du jouet, dont les clients comptent parmi les personnes les plus vulnérables, puisque ce sont les enfants, perd 12,3 % de ses ventes au profit de l’industrie de la contrefaçon, ce qui représente quelque 1,4 milliard d’EUR par an car il s’agit également de l’une des industries les plus innovantes. Les secteurs connexes perdent 850 millions d’EUR de chiffre d’affaires et par conséquent, directement et indirectement, 13 168 emplois. L’on estime que les gouvernements perdent 370 millions d’EUR de recettes fiscales.

Une réputation ternie – une perte incalculable

L’entreprise familiale française Longchamp, qui emploie 3 000 personnes dans le monde (dont 1 800 en Europe) et génère un chiffre d’affaires annuel de 560 millions d’EUR, en investit quelque 0,5 %, soit 2,5 millions d’EUR, et emploie une équipe de spécialistes pour lutter contre la contrefaçon. En dépit de ces investissements massifs, nous ne sommes pas en mesure de résoudre le problème, faute du cadre juridique nécessaire, a expliqué son directeur général, M. Jean Cassegrain, dont le grand-père avait fondé la société en 1948. Il a demandé au CESE d’apporter son soutien à une législation de l’Union moderne et adaptée à l’ère de l’internet, et précisé que celle-ci devait viser à engager la responsabilité des intermédiaires, notamment celle des entreprises numériques (Alibaba, les «GAFA», eBay, etc.), des banques et des sociétés de cartes de crédit et du secteur des transports (DHL, UPS, etc.). Certaines de ces entreprises, comme par exemple eBay et Mastercard, ont déjà lancé des programmes volontaires de lutte contre la contrefaçon. En général, Facebook aussi se montre coopératif. Rien qu’en 2016, grâce à son service juridique, Longchamp est parvenu à faire effacer 472 pages sur Google et 2 835 comptes sur Facebook et supprimer 8 626 annonces. Longchamp et les autres entreprises touchées ne s’inquiètent pas seulement de leurs pertes financières, mais aussi de la capacité de l’industrie du faux à ruiner la renommée des entreprises et la confiance des consommateurs dans les plates-formes.

Les conclusions de cette audition alimenteront les travaux du CESE sur l’avis susmentionné, qui sera adopté cette année avant l’été. Pour en savoir davantage, d’autres informations sur cette audition et les présentations sont disponibles sur le site internet du CESE.

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