Brexit: un désastre pour la science et un revers pour la mobilité des jeunes qualifiés en Europe

par prof Ulrich Samm, Forschungszentrum Jülich

L’Union européenne est le foyer d’une recherche scientifique de tout premier niveau. Les chercheurs du monde entier viennent en Europe afin de profiter de son réseau de coopération sans frontières. Ils sont attirés par l’excellente infrastructure de recherche dotée d’instruments de niveau mondial financés conjointement par les États membres et l’UE. Tout cela est rendu possible grâce à une coopération au sein des programmes européens de recherche (programmes cadres, Horizon 2020).Le Royaume-Uni joue un rôle majeur dans l’espace européen de la recherche et maintient la recherche britannique à la pointe du progrès. Nous voulons que cette réussite se poursuive et nous inquiétons du fait que le Brexit mettrait sérieusement à mal cette réussite.

Nous soutenons fermement les chercheurs britanniques qui ont récemment fait part de leurs préoccupations dans une lettre publiée dans le quotidien The Times. Signée par plus de 150 membres de la Royal Society, dont Stephen Hawking, la lettre met en garde contre le fait que le Brexit serait «un désastre pour la science et les universités britanniques».

Comme la Royal Society le fait remarquer, les institutions britanniques ont su tirer parti des crédits de l’UE dans le domaine scientifique. Le Royaume-Uni est l’un des principaux bénéficiaires du financement de la recherche dans l’UE. Si le Royaume-Uni est un contributeur net au budget de l’UE, il attire davantage de crédits de recherche qu’il n’en finance. À titre d’exemple, dans le cadre financier 2007-2013, le Royaume-Uni a contribué à hauteur de 5,4 milliards d’euros aux fonds de l’UE pour la recherche et le développement, et a reçu 8,8 milliards d’euros en retour.

Le Brexit aurait très probablement un effet préjudiciable sur le financement des sciences en Grande-Bretagne, étant donné qu’il n’est pas certain que l’argent économisé sur la contribution globale à l’UE serait automatiquement utilisé pour stimuler la recherche scientifique. Les chercheurs britanniques bénéficient d’une excellente réputation et sont tenus en haute estime dans le monde européen de la recherche. Leur leadership s’illustre entre autres par le grand nombre de Britanniques qui président des conseils scientifiques, des projets et des consortiums dans le cadre d’Horizon 2020. Les chercheurs britanniques jouissent d’une influence considérable dans la sphère scientifique. Le Brexit entraînerait la perte immédiate de cette influence. À l’avenir, l’agenda de la recherche scientifique serait établi par d’autres.

Le Royaume-Uni recrute bon nombre de ses meilleurs chercheurs en Europe, notamment des jeunes ayant obtenu une bourse de l’Union européenne. Les universités britanniques sont de loin celles qui réussissent le mieux à attirer des financements du programme-cadre. Le Brexit empiéterait sur la mobilité des étudiants et des jeunes chercheurs (par exemple dans le cadre du programme Erasmus) et donc aussi sur la collaboration scientifique avec d’autres pays européens. À terme, non seulement le système scientifique tout entier, mais aussi l’industrie et le commerce seraient affectés par la mobilité réduite d’une main-d’œuvre hautement qualifiée.

D’aucuns déclarent qu’en cas de Brexit, le Royaume-Uni pourrait être associé à l’UE de manière similaire à la Suisse, dans l’espoir que la coopération redevienne aussi bonne qu’elle ne l’est aujourd’hui. Toutefois, il est clair que les États qui sont associés à l’UE sans en être membres n’ont pas les mêmes droits que les membres à part entière. Par exemple, les membres associés n’assistent aux réunions du comité de l’espace européen de la recherche qu’en qualité d’observateurs, leur impact sur cet organisme clé étant donc limité.

En tant que membre à part entière, le Royaume-Uni dispose d’un rôle de premier plan dans la conception et la mise en œuvre de l’agenda de la recherche de l’UE. Il est difficile d’imaginer comment cette position serait renforcée par une rétrogradation au statut d’associé, sans parler de la procédure inévitablement longue et très compliquée nécessaire à la création de ce nouveau statut.Le Royaume-Uni serait en position de demandeur plutôt que de disposer de tous les avantages et droits liés au contrôle des leviers de décision inhérent au statut d’État membre.

Nous appelons donc avec force les citoyens britanniques à voter contre le Brexit. Restez s’il vous plaît dans le plus grand marché unique au monde et continuez à faire partie de l’un des programmes de recherche les plus puissants au monde, assorti d’infrastructures de premier plan et offrant d’énormes possibilités, notamment en ce qui concerne l’avenir de notre jeunesse talentueuse, et, partant, notre avenir à tous.

 

A propos de l'auteur

prof Ulrich Samm
Member of the Employers' Group
Director, Institute for Energy and Climate Research – Plasma Physics
Forschungszentrum Jülich

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