Effets de la numérisation sur le secteur des services et l'emploi (avis d'initiative)

Effets de la numérisation sur le secteur des services et l'emploi (avis d'initiative)

Les technologies numériques ont atteint un degré de maturité qui permet leur utilisation dans une large gamme de secteurs économiques, tant dans les industries manufacturières que dans le secteur des services. Selon l'édition 2010 de l’enquête européenne sur les conditions de travail (EECT), plus de 50 % de la main-d'œuvre de l'Union européenne utilise quotidiennement les TIC dans le cadre de son travail, ce taux dépassant 85 % dans certains États membres. Le secteur des services est le premier utilisateur des TIC (plus de 90 % des travailleurs du secteur de la finance, par exemple, utilisent les TIC dans leur travail quotidien). Il s'agit là d'une conséquence naturelle de la numérisation accrue de bon nombre de services - tels que la banque en ligne, le commerce en ligne et les médias en ligne. Comme l'ont déjà démontré de nombreux avis de la CCMI sur les secteurs européens de l'industrie et des services, ce processus continu de numérisation constitue un défi dans différents domaines, notamment celui de l'emploi.

  • Les nouvelles technologies nécessitant des compétences spécifiques, l'un des défis stratégiques consiste dans l'immédiat à adapter la formation et l'éducation professionnelles, y compris l'apprentissage tout au long de la vie, de manière à aider les travailleurs à s'adapter aux nouvelles formes de travail issues de la technologie numérique.
  • La prolifération de celles-ci a pour conséquence des transformations majeures de l'organisation du travail - permettant des pratiques telles que le télétravail et l'externalisation ouverte, et favorisant le travail sous statut indépendant. Ces évolutions remettent en cause la perception traditionnelle que l'on a de l'emploi, du temps et du lieu de travail, ainsi que des entreprises, et entraînent des risques spécifiques en matière de santé et de sécurité.
  • La technologie numérique atteignant un niveau de maturité sans cesse plus élevé, elle est de plus en plus en mesure de remplacer le travail. Les récentes avancées technologiques ont permis le développement de logiciels capables d'accomplir des tâches analytiques, d'interprétation (comparaison de modèles) et interactives, typiques du travail dans de nombreux secteurs des services.
  • De telles percées peuvent considérablement influencer les taux d'emploi dans l'UE. Selon les estimations des premières évaluations des effets de ces technologies sur le marché du travail, jusqu'à 47 % des opportunités d'emploi actuelles - pour la plupart dans le secteur des services - pourraient devenir obsolètes en raison des avancées dans le domaine de la technologie numérique.

Pris dans leur ensemble, ces changements dans l'organisation du travail et en ce qui concerne le nombre total des opportunités d'emploi peuvent avoir des conséquences importantes, positives mais aussi négatives. D'une part, ils peuvent constituer une opportunité d'autonomie accrue pour les travailleurs et de meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée. Et d'autre part, ils peuvent mettre à mal les systèmes de protection sociale et la qualité de l'emploi en Europe, en sapant les pratiques existantes de négociation collective, en réduisant les revenus des systèmes de sécurité sociale et des systèmes fiscaux, et en vidant de leur contenu les droits des travailleurs et les mécanismes de participation des travailleurs. Ces mutations professionnelles étant nettement subordonnées à la manière dont la technologie numérique transforme les secteurs économiques, il est crucial d'adopter une approche globale afin d'anticiper l'avenir de l'emploi en évaluant les effets que peuvent avoir sur celui-ci les développements prévisibles, induits par la technologie, dans certains secteurs spécifiques. Il est possible d'y parvenir en s'appuyant sur les preuves établies des évolutions futures dans les secteurs qui seront particulièrement touchés par la tendance à la numérisation, tels que le commerce et la finance.

Il est essentiel d'élaborer une politique stratégique si l'on veut éviter les effets négatifs de telles évolutions. La question se pose de savoir quelle sera la réponse de l'Union européenne à ces transformations de l'emploi et de l'organisation du travail. Jusqu'à présent, l'UE n'est pas parvenue à accorder suffisamment d'importance à ces questions dans le cadre de ses principales initiatives, particulièrement dans le cadre de l'initiative phare de sa stratégie Europe 2020, «Une stratégie numérique pour l'Europe», qui est jusqu'ici pratiquement restée silencieuse sur la question des effets de la numérisation sur l'emploi.

Cet avis d'initiative vise à mettre ces questions à l'ordre du jour des discours politiques de l'UE et à aborder ce faisant l'un des dossiers de la stratégie numérique ignorés par l'Europe, à savoir les conséquences de la numérisation sur le marché de l'emploi.